Tim Bozon «Ce 1er mars aurait pu être l'anniversaire de ma mort»

blue Sport

1.3.2024

Pour le «Blick», l’attaquant du LHC Tim Bozon, qui connaît la meilleure saison de sa carrière, a accepté de revenir sur l'épisode qui, 10 ans plus tôt, a failli lui coûter la vie.

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«Ce 1er mars aurait pu être l'anniversaire de ma mort» : les mots de Tim Bozon sont durs, mais ils sont justes. Il y a 10 ans, l’attaquant du Lausanne HC a frôlé la mort. «Si c’était l’anniversaire des 6, 7 ou 9 ans, je ne sais pas. Mais 10 ans… Cela fait quelque chose. Dix ans... Cela semble être une éternité quand je pense à tout ce que j’ai vécu depuis. Et c'est très peu en même temps», explique-t-il dans les colonnes du «Blick».

Au matin du 1er mars 2014, alors qu'il n'a même pas 20 ans, Tim Bozon est hospitalisé d'urgence à Saskatoon, où il a disputé un match de ligue junior canadienne la veille avec l'Ice de Kootenay, pour une méningite foudroyante. «L'après-match, c'est le dernier moment qu'il me reste. Tout ce qui vient ensuite jusqu'à mon réveil du coma, on me l'a raconté. Ce soir-là à Saskatoon, je commençais à sentir un peu de fièvre et à ne pas me sentir bien. Je gesticule et suis agité. Ensuite ? Plus rien», dévoile le no 94 du LHC.

Après quelques jours de semi-conscience, le hockeyeur de 19 ans est placé dans un coma artificiel. «Au moment de me plonger dans le coma, on me donnait 5 ou 6% de chance de m'en sortir», raconte-t-il. Avant de poursuivre : «Au moment de prendre l'avion pour me rejoindre, mes parents ne savent pas s'ils ne reviendront que les deux ou à trois.»

S'il n'a plus de souvenirs de sa période de coma - «il me manque deux semaines de vie» -, l'attaquant français a gardé des photos et des vidéos de cet épisode douloureux sur son téléphone. «Quand je revois les images, je me fais pitié. Il n'y a pas d'autre mot. (..) Quand je revois ça, je ne pleure pas, mais ça me touche. Je vois ce gars tout maigre. C'est difficile», avoue le natif de Saint-Louis.

«C'est trash, je sais. Mais pour moi c'est important de voir d'où je reviens. Deux ou trois semaines plus tôt, j'étais presque pro. Je faisais ma carrière sans me douter de rien. Et là, je me retrouve à presque tout perdre en une fraction de seconde», poursuit-il, des photos de lui alité et diminué sous les yeux.

«J'étais vivant, mais pas vraiment là»

À la mi-mars, en vrai miraculé, il sort du coma. «Il faut bien se rendre compte ce que c'est de sortir du coma. Cela ne se fait pas tout seul. Les deux premières semaines, j'étais en chaise roulante. J'étais vivant, mais je n'étais pas vraiment là. On me faisait boire à la petite cuillère. Quelques gouttes à la fois. Le reste du temps, j'étais nourri par sonde. Je l'enlevais, car ça m'énervait, mais il n'y avait pas d'autre solution», raconte-t-il.

Puis deux semaines plus tard, soit le 28 mars, il sort de l'hôpital. «A ce moment-là, ils m'ont dit que je ne rejouerais plus jamais au hockey. Mais avec l'aide de mon père et de ma famille, on a tout mis en œuvre pour se donner une chance, sans savoir où ça allait nous mener. Et petit à petit le physio m'a dit qu'il y avait une possibilité. Mais à quel niveau ? Impossible de dire. J'avais perdu 22 kilos. Je devais me reconstruire et, avec du recul, je pense que l'on peut dire que c'est remarquable d'y être parvenu», savoure l'international français.

Tim Bozon le jour de sa sortie de l'hôpital, le 28 mars 2014, lors d'une conférence de presse organisée au Royal University Hospital de Saskatoon.
Tim Bozon le jour de sa sortie de l'hôpital, le 28 mars 2014, lors d'une conférence de presse organisée au Royal University Hospital de Saskatoon.
KEYSTONE

La frustration

Car la saison suivante déjà, soit quelques mois seulement après avoir frôlé la mort, Tim Bozon était prêt à retrouver la compétition. Mais il ne foulera jamais une glace de NHL, alors qu'il y était prédestiné avant sa maladie, lui qui avait été sélectionné au troisième tour de la draft 2012 par les Canadiens de Montréal. «Sans prétention, je crois vraiment que j'aurais pu jouer quelques matches de NHL. Je ne dis pas que j'aurais joué 10 ans, ça on ne peut pas le savoir. Mais je n'ai pas eu la chance de pouvoir prouver ma valeur. Cela fait 10 ans que je vis avec ce sentiment amer», avoue le fils de Philippe Bozon, le sélectionneur de l'équipe de France.

Puis de développer : «Encore plus que de la frustration, je ressens une très grande injustice. Quand je vois les gars avec et contre qui je jouais, c'est ce qu'il y a de plus dur. Car je vois ce que j'aurais pu ou dû avoir. La méningite et le coma, c'est une chose. Mais c'est surtout la reconstruction qui m'a fait perdre du temps. Je n'ai pas eu le développement normal d'un jeune homme qui grandit dans son corps d'adulte. Le retard pris cette année-là, je n'ai jamais pu le refaire. C'est comme si je faisais une course contre quelque chose que je ne pourrais jamais rattraper. Les autres devenaient des hommes et moi j'essayais de redevenir un sportif. C'est une frustration terrible».

«Si ma maman (ndlr : Hélène Barbier, ancienne skieuse française) m'entendait dire ça, elle me mettrait des claques, c'est sûr (rires). Parce que pour elle, le plus important, c'est que je sois en vie et en santé. Mais c'est moi, je suis comme ça… J'ai toujours été un compétiteur. J'ai toujours été dur avec moi-même. Je pense que c'est aussi pour ça que je suis revenu de toute cette histoire», confesse l'ancien Servettien.

S'il n'a pas gardé de séquelles physiques de cette terrible mésaventure, elle a laissé de sacrées traces chez l'attaquant français, qui fêtera le 24 mars prochain ses 30 ans : «Cela m'a énormément changé d'un point de vue personnel. J'ai vu la vie différemment et je suis devenu moins patient. Beaucoup moins patient, même. Je voulais tout, tout de suite. Quand tu as failli mourir, tu te dis qu'à tout moment ça peut s'arrêter. C'est pourquoi j'ai développé ce trait de caractère.»