Cercle au fond de la casserole Une pincée de physique dans l'eau des pâtes

ETX STUDIO

22.1.2025 - 10:31

Pourquoi la pincée de sel jetée dans l'eau de cuisson des pâtes forme-t-elle un cercle au fond de la casserole? Derrière cette question culinaire se cachent des mécanismes de physique que des chercheurs ont explorés dans une étude publiée mardi.

Pourquoi la pincée de sel jetée dans l'eau de cuisson des pâtes forme-t-elle un cercle au fond de la casserole?
Pourquoi la pincée de sel jetée dans l'eau de cuisson des pâtes forme-t-elle un cercle au fond de la casserole?
GCShutter / Getty Images

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L'idée est née lors d'une soirée entre amis physiciens, spécialistes de la mécanique des fluides. En observant ces dépôts de sel lors de la préparation du dîner, «j'ai réalisé que j'avais fait ce geste des milliers de fois sans jamais prêter attention à ce phénomène», raconte à l'AFP Mathieu Souzy, un des auteurs de l'étude publiée dans la revue Physics of fluids.

«On a commencé à discuter, à essayer de comprendre», avant de décider de monter une expérience «entre deux projets» pour l'étudier, poursuit ce chercheur de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), qui travaille sur les écoulements dans les milieux poreux.

Dans une cuisine, impossible de contrôler tous les paramètres: les cristaux de sel ont des tailles et des formes différentes, la façon dont on les verse n'est pas contrôlable avec précision, la casserole est opaque...

Pour passer des fourneaux au laboratoire, il faut chercher un «système modèle équivalent» pour observer et mesurer une série de paramètres: le diamètre des particules, la hauteur d'eau ou encore la méthode d'injection. Le sel a ainsi été remplacé par des billes de verre sphériques, la casserole par un aquarium aux surfaces transparentes et la main qui verse le sel par des tubes et des burettes.

Que se passe-t-il quand les particules – cristaux de sels ou billes de verre – tombent dans l'eau?

Dans cette «simple expérience» intervient en fait «une gamme de concepts physiques fondamentaux, notamment la sédimentation, les écoulements inertiels, les interactions longue portée multi-corps et la trainée», notent les auteurs de l'étude.

Un seul coup sec

Quand on relâche une particule dans l'eau, celle-ci, en sédimentant, c'est-à-dire en allant se déposer au fond, entraîne une petite perturbation dans l'écoulement de l'eau environnante.

«Quand on relâche un amas de grains, chaque particule qui sédimente va subir et sentir les perturbations induites par ses voisines», explique M. Souzy.

S'il y a suffisamment de grains, il se produit un effet de groupe et les particules «se décalent sur l'axe horizontal» créant «une géométrie circulaire».

Tout dépend ensuite de la hauteur de l'eau dans la casserole.

S'il y a beaucoup d'eau, arrive un moment où les grains se sont tellement éloignés les uns des autres au cours de la sédimentation qu'ils ne sentent plus les perturbations induites par leurs voisins.

«A ce moment-là, les grains vont juste pleuvoir, tomber comme s'ils sédimentaient de façon individuelle», formant «un amas circulaire avec une répartition homogène des grains», détaille le chercheur.

Mais en-dessous de cette hauteur de sédimentation critique – autrement dit s'il y a moins d'eau dans la casserole – les grains vont «sentir» la présence de leurs voisins tout au long de leur sédimentation. Et de l'eau va être entraînée par le nuage de grains. Quand les grains vont atteindre le sol, cette eau «va les repousser de façon radiale et libérer un espace exempt de grains», formant le fameux cercle, explique-t-il.

Si on injecte les grains plus progressivement avec une burette, les dernières particules relarguées à tomber ne seront plus du tout influencées par les premières à avoir atteint le fond, formant un petit tas au centre de l'anneau.

Comprendre ce qui se passe en termes de physique permet de prédire la forme du dépôt. Et par exemple de savoir quelle hauteur de sédimentation est nécessaire pour effectuer un relargage homogène au fond d'une étendue d'eau. Ou déduire le type d'éruption volcanique de la forme d'un dépôt sous-marin.

Et en ce qui concerne l'eau des pâtes? Pour obtenir un beau cercle, «il faut surtout bien prêter attention à relarguer le sel d'un seul coup sec pour que les grains soient le plus regroupés et sédimentent le plus simultanément possible», conseille M. Souzy.