«Bötschi questionne» Ezgi Cinar: «Je ne dirai pas si Madonna a payé la robe»

De Bruno Bötschi

17.10.2019

La créatrice de mode Ezgi Cinar à propos des couleurs: «Il y a des couleurs que je n’aime pas porter sur moi, mais il n’y en a aucune en principe que je trouve horrible».
La créatrice de mode Ezgi Cinar à propos des couleurs: «Il y a des couleurs que je n’aime pas porter sur moi, mais il n’y en a aucune en principe que je trouve horrible».
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Elle a créé une robe en dentelle pour Madonna. La créatrice de mode zurichoise Ezgi Cinar parle de ses célèbres clientes, explique pourquoi elle n’a pas de modèles qui l’inspirent et trouve le journaliste terriblement mal habillé.

Un après-midi à l’hôtel Park Hyatt à Zurich: Ezgi Cinar patiente dans le lounge. Une interview de 45 minutes avec la figure d’exception du monde suisse de la mode (avec des racines turques, ayant vécu jusqu’à l'âge de neuf ans dans un hôtel en Libye et depuis lors en Suisse) nous attend.

Il s’agit donc de la femme qui a créé une robe sur mesure ornée de cristaux pour la star de la pop Madonna. En Suisse, l’actrice Melanie Winiger ou encore l’influenceuse Zoe Pastelle portent ses créations.

Ezgi Cinar en veut pourtant davantage, elle souhaite que ses vêtements somptueux soient portés par des personnalités bien plus connues. Elle a donc conclu un contrat avec une agence de relations publiques basée à Los Angeles.

Nous allons commencer par quelques questions sous la forme alternative «Ou bien …. ou bien». Pour s’échauffer.

Madame Cinar, je vais vous poser un maximum de questions auxquelles vous devez répondre le plus rapidement et spontanément possible au cours des 45 prochaines minutes …

… alors je réponds simplement par «oui» ou «non»? Ça risque d’être passionnant (elle rit).

… et si l’une des questions ne vous convient pas, dites simplement «Je passe».

OK, commencez.

Vivienne Westwood ou Victoria Beckham?

Vivienne Westwood.

Marc Jacobs ou Tom Ford?

Aucun des deux.

Yves Saint Laurent ou Karl Lagerfeld?

Yves Saint Laurent. Même si je possède chez moi bien plus de chaussures et de sacs de Chanel (Lagerfeld a été directeur artistique et designer en chef chez Chanel jusqu’à sa mort, ndlr), je préfère quand même le côté cool et sexy d’Yves Saint Laurent. Il me correspond mieux.

Vous êtes invitée à une réception: comment vous présentez-vous à une personne qui ne vous connaît pas encore?

Je dis: «Je suis Ezgi». Et si d’aventure survient la question «Tu fais quoi dans la vie?», alors je réponds: «Des vêtements». C’est ma réponse-type. Si la personne demande davantage de détails sur ce que je fais, je l’invite à consulter mon site Internet. Et j’ai souvent reçu dans les jours suivants un message comme: «Hey, c’est du sérieux tout ça». Cela vaut la peine de poursuivre la discussion avec ce genre de personnes, mais avec tous les autres, je n’ai pas à m’étendre davantage sur le sujet.

Pourquoi trouve-t-on davantage de designers de mode masculins que féminins mondialement connus?

Je ne sais pas.

Votre modèle?

Je n’en ai pas.

«La recette du succès de la princesse de conte de fées» était le titre d’un portrait que l’hebdomadaire «Sonntagszeitung» vous a consacré. Aimeriez-vous être une princesse?

Je ne me décrirais pas comme une princesse, même si mon apparence sur certaines photos pourrait parfois le laisser penser. C’est très flatteur quand quelqu’un me le dit. Je n’ai donc rien contre cela, mais je ne me vois pas ainsi. Je suis beaucoup trop indépendante et je travaille bien trop.

Ezgi Cinar à propos des rêves: «J’ai toujours fait tout ce que je voulais, j’ai réalisé mes rêves. Il n’y en a eu qu’un seul, quand j’avais quatre ou cinq ans, qui ne s’est pas réalisé».
Ezgi Cinar à propos des rêves: «J’ai toujours fait tout ce que je voulais, j’ai réalisé mes rêves. Il n’y en a eu qu’un seul, quand j’avais quatre ou cinq ans, qui ne s’est pas réalisé».
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Votre taille de vêtements?

Moins zéro zéro.

Votre pointure de chaussure?

37,5.

Votre parfum préféré?

Je préfère ne pas le mentionner.

Elle n’a rien pu entamer avec les premières questions. Allons donc, ce n’était qu’un échauffement jusqu’ici. Nous avons besoin de plus de feu. Et de couleur.

Votre couleur préférée?

J’en ai plusieurs, noir, rouge et rose pâle.

Y a-t-il des couleurs que vous détestez?

Il y a des couleurs que je n’aime pas porter sur moi, mais il n’y en a aucune en principe que je trouve horrible.

Quelle couleur n’aimez-vous pas porter?

Lilas.

Vous avez des racines turques, vous avez vécu en Libye avec vos parents.

C’est exact.

Comment était votre enfance?

Belle.

Une entame frileuse. Ezgi Cinar met ses menaces à exécution: aucun mot de trop.

Est-il bien exact que les cours de travaux manuels étaient votre matière préférée à l’école?

Ce n’était pas ma branche préférée mais je me débrouillais bien. Mes branches préférées étaient l’arithmétique et l’histoire de l’art.

Votre grand désir inassouvi lorsque vous aviez 14 ans?

Je ne connais pas les désirs inassouvis.

Vous n’aviez pas de rêves lorsque vous étiez adolescente?

J’ai toujours fait tout ce que je voulais, j’ai réalisé mes rêves. Il n’y en a eu qu’un seul, quand j’avais quatre ou cinq ans, qui ne s’est pas réalisé.

Lequel?

Je voulais devenir agente secrète.

Quand avez-vous été intimidée récemment par le vaste monde?

Jamais.

Êtes-vous une personne courageuse?

Oui.

De quelles petites faiblesses de caractère avez-vous le plus honte?

Je n’ai honte de rien du tout.

Est-ce bien vrai que sourire rend heureux?

Je ne peux pas répondre à cette question.

Quand avez-vous découvert votre passion pour la mode?

Il n’y a pas eu un jour dans ma vie où j’ai dit ou pensé que je voulais devenir créatrice de mode. C’est un souhait que j’ai simplement toujours eu. J’ai aussi toujours voulu avoir une apparence différente des autres. Il faut préciser que j’allais en Libye dans une école où le port de l’uniforme était obligatoire. Donc mis à part les barrettes et les chaussettes, il n’y avait pas grand-chose pour se démarquer. Nous n’avions pas de télévision à la maison. Je n’avais par conséquent aucune image à disposition, mais je les créais moi-même dans ma tête. Peut-être que cela a marqué mon être et explique pourquoi je conçois aujourd’hui des modèles.

Elle est maintenant perceptible pour la première fois, la passion de la créatrice de mode, son feu.

Le premier vêtement que vous avez créé: lequel était-ce?

Au début, j’ai commencé par transformer les vêtements que j’avais achetés. Il était déjà difficile à l’époque de trouver des habits à ma taille si je ne souhaitais pas effectuer mes achats au rayon des enfants. La toute première pièce que j’ai cousue moi-même … je crois que c’était une jupe.

Vous êtes designer de mode, vous avez votre propre marque, vous travaillez dans la «haute couture» …

… je ne me définis moi-même pas seulement comme designer de mode. Je suis directrice de création. Je produis bien plus que de simples vêtements. Je décide de la présentation de mon site. Je détermine Ia ligne de mes RP. Je suis responsable du langage visuel. Toutes les photos sont prises en collaboration avec mon meilleur ami Harun «Shark» Dogan. Et je fabrique mes propres tissus.

Coudre est la seule chose que vous ne faites apparemment pas vous-même. C’est vrai?

Si c’est nécessaire, je couds aussi. Je me trouvais récemment chez une cliente à Beyrouth lorsqu’il a fallu modifier quelque chose à la dernière minute. Je m’en suis occupée moi-même. Je sais coudre bien sûr, mais je n’ai pas le temps de le faire, et encore moins lors de la production d’une collection entière.

Où donnez-vous le travail de couture?

En Turquie et en Suisse. Avant, je donnais toute la production à faire en Turquie uniquement, puis seulement en Suisse. Je souhaiterais toutefois grandir, m’étendre et les possibilités pour y parvenir en Suisse sont insuffisantes. C’est pourquoi j’ai à nouveau délocalisé une partie de la production en Turquie.

Ezgi Cinar à propos de ses premières années comme créatrice de mode: «Au début, j’ai commencé par transformer les vêtements que j’avais achetés. Il était déjà difficile à l’époque de trouver des habits à ma taille si je ne souhaitais pas effectuer mes achats au rayon des enfants».
Ezgi Cinar à propos de ses premières années comme créatrice de mode: «Au début, j’ai commencé par transformer les vêtements que j’avais achetés. Il était déjà difficile à l’époque de trouver des habits à ma taille si je ne souhaitais pas effectuer mes achats au rayon des enfants».
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Quelle est votre devise?

J’en ai plusieurs, la principale est: j’essaie de vivre chaque jour comme s’il s’agissait du dernier, mais je n’y arrive pas non plus toujours.

Votre philosophie en tant que créatrice de mode?

Je ne souhaite pas seulement créer de beaux habits. Mon ambition est qu’une femme doit avoir l’air plus jolie lorsqu’elle porte l’une de mes créations.

La coquille semble brisée. Les phrases coulent, révélant son humour, son attitude et son originalité. Enfin.

Vous avez déclaré dans une interview: «Ma marque est mon journal intime. Je transpose mes expériences dans les vêtements».

Toutes mes précédentes collections sont présentées sur mon site Internet. Le début date de 2016 avec le thème «Hero», suivi de «Home Far Away From Home», puis de «Legends». Comme je vous l’ai dit, j’ai grandi sans télévision. Au lieu de cela, j’ai lu beaucoup de livres et de bandes dessinées. Ces héros de BD étaient les stars de ma jeunesse, au point que j’ai nommé ma première collection «Heros». Je reprends toujours une partie de ma vie que je transpose dans mes collections.

Où trouvez-vous l’inspiration?

La création ne constitue, à vrai dire, que la plus petite partie de mon travail. Je n’investis peut-être que 5% de mon temps dans ma marque. Je suis une personne créative, mais aussi en même temps une femme d'affaires. Il faut également être capable de vendre une collection.

Quel objet prenez-vous le plus volontiers en main lorsque vous travaillez?

Les tissus.

Êtes-vous fière de votre écriture manuscrite?

Oui.

De quel montant minimum une femme doit-elle disposer pour pouvoir s’acheter un vêtement «haute couture» signé Ezgi Cinar?

Pour la demi-couture, on trouve des modèles chez moi coûtant entre 500 et 1500 francs. Les commandes privées débutent à 3000 francs, et plus haut, aucune limite n’est fixée.

Quelle est la partie la plus pénible de votre travail?

Que les fournisseurs livrent dans les délais et que je puisse respecter mes échéances.

Écoutez-vous de la musique en créant de nouveaux modèles?

Du Depro-Sound … non, non, je plaisantais. J’écoute en général un peu tous les styles possibles de musique. Ce qui est amusant, c’est qu’il y a un morceau pour chacune de mes collections que j’écoute en boucle du matin au soir lorsque je crée, jusqu’à presque rendre folles toutes les personnes autour de moi.

Quel est le titre de la chanson pour la création de la collection actuelle?

Je ne le dévoilerai pas, mais je peux vous dire quelle chanson j’ai écouté comme «icône» de ma dernière collection ... Un instant, je dois la chercher dans mon smartphone … voilà, c’est «Thousand Eyes» de Of Monsters And Men.

Ezgi Cinar à propos de la création: «Elle ne constitue, à vrai dire, que la plus petite partie de mon travail. Je n’investis peut-être que 5% de mon temps dans ma marque. Je suis une personne créative, mais aussi en même temps une femme d'affaires. Il faut également être capable de vendre une collection».
Ezgi Cinar à propos de la création: «Elle ne constitue, à vrai dire, que la plus petite partie de mon travail. Je n’investis peut-être que 5% de mon temps dans ma marque. Je suis une personne créative, mais aussi en même temps une femme d'affaires. Il faut également être capable de vendre une collection».
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Aimez-vous la musique de Madonna?

Plus toutes les chansons aujourd’hui, mais quand j’étais adolescente j’écoutais sa musique en boucle.

Connaissez-vous Madonna personnellement?

Non.

Est-ce bien exact que vous avez reçu de Madonna une commande par SMS le printemps dernier afin de lui produire une robe qu’elle aurait dû porter aux Billboard Music Awards?

Le SMS a été envoyé par son styliste …

… et vous avez rigolé et pensé: quelle belle plaisanterie.

Non, je n’ai pas pensé cela. J’ai considéré la commande sérieuse. Je savais que ce SMS allait probablement arriver. Mon agence de relations publiques à Los Angeles m’avait préalablement informée et demandé si j’étais prête à confectionner une pièce unique pour Madonna. Et j’ai répondu: «Oui, chéri, donne-la moi».

Combien Madonna a-t-elle payé cette robe?

Nous n’avons pas du tout discuté du prix au début. Cela se passe ainsi avec les vêtements de stars … donc je n’ai jamais payé un centime pour qu’une célébrité porte l’un de mes vêtements. Je sais pourtant que cela se produit fréquemment. Ma marque pourrait devenir célèbre bien plus rapidement si je payais les stars. Mais je n’ai heureusement jamais eu à le faire. J’avoue quand même que si l’occasion se présentait et qu’une star portait l’une de mes tenues à la cérémonie des Oscars, alors je crois que je le ferais aussi.

Pouvez-vous donner plus de détails sur la commande pour Madonna?

Le styliste m’a donné les mesures de Madonna et a dit qu’il fallait quelque chose dans le style Latin Vibe. Je n’ai pas reçu d’autres indications.

Comment cela s’est passé ensuite?

J’ai eu seulement 24 heures pour proposer quelque chose. J’ai d’abord dessiné un croquis et je suis allé voir mon illustratrice Lynn Valance. Après avoir envoyé par mail au styliste son dessin, cinq minutes se sont écoulées et j’ai obtenu le contrat définitif.

Il y a eu apparemment un problème ensuite …

… oui, en Suisse je n’ai trouvé personne capable de me livrer immédiatement 6000 pierres Swarowski destinées à une robe en dentelle ornée de cristaux le week-end de Pâques. J’ai donc pris l’avion pour la Turquie. Une couturière locale m’a heureusement aidée à confectionner la robe. Je n’ai presque pas dormi durant deux jours. J’ai ensuite dû encore faire la coursière car Madonna souhaitait avoir la robe deux jours plus tôt que prévu. J’ai donc amené moi-même la robe à Londres.

Avez-vous personnellement rencontré Madonna à Londres?

Non, mais c’est à Londres que je me suis vraiment dit pour la première fois: P*****, cette robe est vraiment faite pour elle.

Et à nouveau la question: est-ce que Madonna a payé ou pas pour la robe?

Je ne le dirai pas.

Est-il vrai que vous passez plus de la moitié de votre vie en avion?

C’est exact, l’endroit qui apparaît le plus sur mes stories Instagram est l’aéroport de Zurich. (elle rit)

Sur le compte Instagram de Madonna, il a été possible ensuite d’admirer à plusieurs reprises votre robe «sur mesure» ornée de cristaux. Qu’avez-vous ressenti?

C’était très agréable et j’étais fière de moi.

Que s’est-il passé depuis l’histoire de la robe de Madonna? Êtes-vous désormais sollicitée en permanence par des femmes célèbres qui souhaitent acheter vos vêtements?

J’ai exploité la robe de Madonna, sur tous les canaux. Mon compte Instagram a une assez vaste portée et il était évident que l’information allait rapidement se propager. Les deux premiers jours, j’ai reçu dix demandes d’interview.

A-t-on également commandé des robes?

Oui, le premier jour où les gens ont su que j’avais créé une robe pour Madonna, j’ai reçu dix commandes de clientes privées. Créer cette robe a été une aubaine financièrement, ce contrat m’a également apporté énormément de prestige.

Vos publications sur Instagram sont régulièrement likées par des collègues designers ou des top-modèles de renom comme Dolce & Gabbana ou Eva Herzigova. Combien cela vous rapporte-t-il?

Cela m’a beaucoup apporté auparavant lorsqu’un designer connu me repostait. Le lendemain matin, j’avais des dizaines de nouveaux followers. C’est différent aujourd’hui. Tout récemment, deux gros comptes ont reposté certaines de mes publications. Le jour suivant, j’avais gagné peut-être dix à douze nouveaux followers. On n’appuie plus aussi vite de nos jours sur le bouton des followers.

Quelle star a été la toute première à porter l’une de vos tenues lors d’un événement public?

Sibel Kekilli. L’actrice allemande a porté un costume de ma collection «Heros» lors du Festival du film de Zurich.

Ce succès, est-ce vraiment ce que vous voulez?

Oui. C’est une des raisons pour lesquelles je crée des vêtements. J’ai besoin des célébrités pour que ma marque puisse avoir du succès.

Le souper le plus raffiné auquel vous avez été conviée?

Aucune idée.

Comment vit-on en fait avec toutes ces célébrités?

Plus les personnes sont célèbres, moins elles ont de prétentions. C’est ce que j’ai pu expérimenter jusqu’à présent, Dieu merci.

Ezgi Cinar à propos de la robe de Madonna: «Le premier jour où les gens ont su que j’avais créé une robe pour Madonna, j’ai reçu dix commandes de clientes privées. Créer cette robe a été une aubaine financièrement, ce contrat m’a également apporté énormément de prestige».
Ezgi Cinar à propos de la robe de Madonna: «Le premier jour où les gens ont su que j’avais créé une robe pour Madonna, j’ai reçu dix commandes de clientes privées. Créer cette robe a été une aubaine financièrement, ce contrat m’a également apporté énormément de prestige».
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Que signifie pour vous personnellement le luxe?

J’aime le luxe, j’en ai besoin. Les photos que je poste sur Instagram semblent peut-être montrer que j’ai l’air de vivre constamment dans le luxe et l'opulence, mais ce n’est naturellement pas le cas. J’y dévoile là uniquement ce que je veux bien montrer. Je ne montre pas par exemple le moment où je traîne comme une mouche morte après deux jours de travail ininterrompu dans un atelier de couture en Turquie …

… ou lorsque vous faites des achats en compagnie de votre fille de 17 ans?

Ma fille n’est pas un sujet de conversation dans cette interview.

Qu’est-ce qui différencie le style de la mode?

On peut acheter la mode. On peut s’offrir le style seulement si l’on a assez d’argent pour engager une bonne ou un bon styliste. J’admire les personnes qui ont du style et savent exactement ce qui leur va. Je trouve génial quand une personne se présente devant toi et déclare: c’est moi, c’est mon style. De nombreuses femmes portent aujourd’hui un uniforme. Elles pensent en effet être méga-individuelles, car elles ont un sac Celine en mains. Cela n’a rien à voir avec le style.

Il faut m’expliquer cela.

C’est un style imposé par les magazines de mode. Moi j’aime les gens qui s’épanouissent dans leur style, peu importe s’il me plaît ou pas. C’est admirable.

Comment suis-je habillé?

Terriblement mal.

L’honnêteté d'Ezgi Cinar. Le journaliste ne laisse rien transparaître. Il sourit courageusement.

Je vous vois aujourd’hui pour la première fois, je n’ai pas non plus fait de recherches sur Google à votre sujet avant notre rencontre et ne sais pas ce que vous portez normalement.

Et que trouvez-vous de si terrible exactement dans mon choix vestimentaire?

Je n’aime pas la matière de votre T-shirt. Et les pompons sur votre veste à rayures ne me plaisent pas non plus.

Mon T-shirt blanc a été fabriqué au Bangladesh. Acheté en duo-pack, le prix revient à 24,90 francs. Je me demande comment il est possible de fabriquer et vendre des maillots pour une somme si dérisoire.

On y arrive apparemment. Mais je vois où vous voulez en venir… Cela s’effectue aux dépens de nombreuses personnes pauvres. Que peut bien gagner la couturière qui a assemblé le maillot au Bangladesh? Nous ne tolérerions pas de telles conditions de travail chez nous.

Chez Mango et Zara par exemple, on compte jusqu’à 14 collections annuelles qui doivent inciter les consommatrices à acheter: on appelle cela la «mode éphémère». Est-ce cela l’avenir de la mode?

Cela ne me plaît pas du tout. Je suis une farouche opposante de la mode jetable. L’industrie textile a un impact énorme sur l’environnement. Je trouve grave que nous achetions toujours plus de vêtements, alors qu’en même temps la durée de vie moyenne d’un habit a fortement reculé. Je pointe tout particulièrement ces pièces d’habillement qui sont déjà jetées après une saison. Cela m’énerve profondément lorsque des collègues, qui auraient suffisamment les moyens, achètent des tenues bon marché qu’elles ne portent que deux ou trois fois avant de les jeter.

En discutez-vous souvent avec vos amies?

Avant davantage, aujourd’hui moins, c’est dû au fait que je n’ai plus d’amies proches qui ne sont pas sensibles à ce sujet.

Je montre également à ma fille comment adopter un comportement responsable face à la mode …

… je pensais que votre fille ne devait pas être un sujet de conversation durant cette interview.

Si, vous pouvez le noter.

Que pense votre fille de votre travail?

Elle trouve que je travaille beaucoup trop. En même temps, elle trouve super cool que je sache exactement ce que je veux.

Qu’entreprenez-vous encore sinon contre la mode jetable?

J’essaie d’innover avec ma marque, même si cela reste difficile dans certains cas. Je ne fais pas fabriquer de préproductions de mes collections par exemple, je produis seulement ce qui a vraiment été commandé.

Eh bien, nous avons maintenant parlé de toutes sortes de choses malgré la réticence initiale. Et beaucoup appris. En avant pour un dernier tour!

Quel élément vestimentaire une femme doit absolument posséder?

Une blouse blanche.

Et pour un homme?

Un veston avec une coupe parfaite.

Ezgi Cinar à propos du luxe: «J’aime le luxe, j’en ai besoin. Les photos que je poste sur Instagram semblent peut-être montrer que j’ai l’air de vivre constamment dans le luxe et l'opulence, mais ce n’est naturellement pas le cas. J’y dévoile là uniquement ce que je veux bien montrer».
Ezgi Cinar à propos du luxe: «J’aime le luxe, j’en ai besoin. Les photos que je poste sur Instagram semblent peut-être montrer que j’ai l’air de vivre constamment dans le luxe et l'opulence, mais ce n’est naturellement pas le cas. J’y dévoile là uniquement ce que je veux bien montrer».
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Quelle tendance de mode n’aimez-vous pas du tout?

J’ai de la peine avec la mode qui ressemble à de la camelote et qui en est aussi visiblement, mais vendue à un prix exorbitant.

De quelles marques parlez-vous?

Je ne souhaite pas nommer de marque ici, mais il y en a plusieurs qui prennent leurs clients pour des abrutis en leur vendant de la marchandise produite à bas prix et revendue extrêmement chère.

Quel animal est plus beau que l’humain?

Les flamands roses, les paons et les panthères, je trouve les animaux en général plus élégants que les humains.

Votre pire catastrophe en matière de mode?

Oh, il y en a eu quelques-unes. Mon pire échec date de mon adolescence: lors d’une techno party, j’ai bien dû porter un soutien-gorge orange néon associé à des hot pants et des gants blancs. Heureusement qu’Instagram n’existait pas à l’époque.

Est-il bien exact que les femmes parlent ensemble des fesses des hommes?

Oui.

Quelle forme de fesses est tout spécialement appréciée chez les femmes?

Elle doivent être fermes.

Les petits culs?

Je crois que si un cul est petit, il est aussi ferme. (elle rit)

Pour conclure, passons en revue quatre inventions de la mode et donnez-nous brièvement votre avis: la mini-jupe.

J’adore. Je ne mets personnellement que des super minijupes.

Les leggins …

… ils sont OK, mais seulement si l’on a la silhouette pour les mettre.

Le costume.

J’adore aussi. J’aime le look «fesses serrées» chez les hommes.. Et un point très important: des chaussures propres.

La cravate.

Je n’ai rien contre, mais ça ne doit pas être une obligation.

Différentes marques de mode célèbres lancent justement la tendance de la cravate pour femme.

Pas moi.

Le journaliste de «Bluewin» Bruno Bötschi s’adonne régulièrement à ce jeu de questions-réponses avec des célébrités dans le cadre de sa chronique «Bötschi questionne». Il dispose d'une grande expérience en matière d'entretiens. Il a écrit durant de nombreuses années la série «Traumfänger» (l'attrape-rêve) pour le magazine «Schweizer Familie». Ainsi, il a demandé à plus de 200 personnalités quels étaient leurs rêves d'enfant. Le livre compilant tous ces entretiens a été publié par Applaus Verlag à Zurich. Il est disponible en librairie.
Le journaliste de «Bluewin» Bruno Bötschi s’adonne régulièrement à ce jeu de questions-réponses avec des célébrités dans le cadre de sa chronique «Bötschi questionne». Il dispose d'une grande expérience en matière d'entretiens. Il a écrit durant de nombreuses années la série «Traumfänger» (l'attrape-rêve) pour le magazine «Schweizer Familie». Ainsi, il a demandé à plus de 200 personnalités quels étaient leurs rêves d'enfant. Le livre compilant tous ces entretiens a été publié par Applaus Verlag à Zurich. Il est disponible en librairie.
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