«Il doit être pris au sérieux»«Pourquoi le Canada ne deviendrait-il pas le 51e Etat américain?»
ATS
16.12.2024 - 08:40
Si la plupart des Canadiens prennent cette petite phrase du président américain élu Donald Trump comme une boutade, elle n'en finit pas de faire parler. Elle inquiète certains et agace d'autres.
Keystone-SDA
16.12.2024, 08:40
16.12.2024, 08:41
ATS
Plus tôt dans la semaine, le président élu américain s'était moqué du premier ministre canadien Justin Trudeau, le qualifiant de «gouverneur» sur son réseau Truth Social, un titre désignant aux Etats-Unis le chef de l'exécutif d'un Etat fédéré.
Cette moquerie a fait suite aux propos de Donald Trump sur la possibilité pour le Canada de devenir le 51e Etat américain, pour ne pas se voir imposer des droits de douane plus élevés, selon la chaîne conservatrice Fox News.
Comme dans un roman
En 1973, le roman à succès «Ultimatum», écrit par Richard Rohmer, racontait une tentative américaine d'annexer le Canada après une annonce sur des hausses des droits de douane.
Dans cette dystopie, tout comme dans la vraie vie, le président américain était alors Richard Nixon, tandis que le premier ministre canadien était Pierre Elliott Trudeau, le père du dirigeant actuel, Justin Trudeau.
«Il doit être pris au sérieux»
Si les deux hommes politiques sont décédés depuis longtemps, pour Richard Rohmer, les remarques de Donald Trump, insinuant que le Canada pourrait être absorbé par les États-Unis, ne doivent pas être considérées à la légère.
«Il doit être pris au sérieux», estime l'écrivain de 101 ans, vétéran du débarquement. «C'est un homme plein d'imagination qui sait ce qu'il fait, concernant le Canada». -
Depuis lors, au nord de la frontière, on s'interroge sur ces piques à répétition. Si certains estiment que «Trump fait du Trump», cela a toutefois touché une corde sensible. Le premier ministre canadien, préoccupé par une possible hausse drastique des droits de douane, n'a pas répondu publiquement aux moqueries de l'Américain.
Mais certains responsables politiques n'ont pas hésité. Ainsi, l'ex-premier ministre du Québec, Jean Charest, a sèchement prévenu Donald Trump de «réfléchir à deux fois avant d'envahir le Canada».
Une escalade
Ce dernier a même fait allusion à la guerre de 1812 entre les deux pays, lorsque les avancées américaines sur le territoire canadien se sont soldées par une défaite et l'incendie de la Maison-Blanche.
Toutefois, au Canada, un sondage réalisé cette semaine par l'institut Leger montre que 13% des Canadiens souhaiteraient que leur pays devienne un État des États-Unis.
Pour Laura Stephenson, professeure de sciences politiques à l'université Western, les réflexions de Trump représentent une escalade par rapport à sa menace d'augmenter les taxes douanières. «C'est un autre monde. Parler d'annexion n'est pas la même chose que de dire: 'Je vais nuire à votre industrie'», affirme la chercheuse.
Si une confrontation directe avec les États-Unis lui semble impensable, elle estime toutefois que de telles moqueries sont «humiliantes» pour les Canadiens. D'autant plus que, selon la professeure, de nombreux Canadiens se définissent par opposition aux Américains et que les piques de Donald Trump «ont toutes sortes d'implications pour l'identité canadienne».
Patriotisme
A l'inverse, pour son collègue de l'université de Toronto Renan Levine, les saillies de Donald Trump pourraient être un «bon signe» pour les Canadiens, soulignant une connivence avec Justin Trudeau. «Il envoie essentiellement le message suivant: 'J'ai un certain niveau de familiarité avec toi et nous pouvons plaisanter ensemble'», explique Renan Levine à l'AFP.
Richard Rohmer espère que cette confrontation va réveiller le patriotisme de son pays. Selon lui, c'est l'une des clés du succès de son livre. Le roman avait touché la fierté nationale des Canadiens, très peu exprimée habituellement.
La vice-première ministre Chrystia Freeland a répondu aux moqueries de M. Trump en expliquant que le Canada était «le meilleur pays au monde».
Est-ce l'occasion pour le pays de relever la tête face à son puissant voisin? Richard Rohmer le pense: «Nous devrions le faire, mais je n'ai aucune idée de comment».