Besançon Un anesthésiste poursuivi pour 12 empoisonnements mortels

ATS

17.1.2025 - 20:31

Un procès fleuve pour une affaire exceptionnelle: un ex-anesthésiste poursuivi pour l'empoisonnement de 30 patients, dont 12 mortels, sera jugé à Besançon à partir du 8 septembre et pour plus de trois mois.

Le docteur Péchier est soupçonné d'avoir pollué les poches de perfusion de patients âgés de 4 à 89 ans pour provoquer des arrêts cardiaques puis démontrer ses talents de réanimateur (image d'illustration).
Le docteur Péchier est soupçonné d'avoir pollué les poches de perfusion de patients âgés de 4 à 89 ans pour provoquer des arrêts cardiaques puis démontrer ses talents de réanimateur (image d'illustration).
Gamma-Rapho via Getty Images

Keystone-SDA

Huit ans après le début de l'instruction ouverte le 7 février 2017, l'homme, 52 ans, «est renvoyé devant la cour d'assises du Doubs des chefs de 30 empoisonnements aggravés, au préjudice de patients opérés dans deux établissements de santé privés de Besançon, la clinique Saint-Vincent et la Polyclinique de Franche-Comté, entre le 10 octobre 2008 et le 20 janvier 2017», ont indiqué dans un communiqué conjoint la première présidente Marie-Bénédicte Maizy et la procureure générale Marie-Christine Tarrare.

«Il est accusé d'avoir causé volontairement la mort de 12 de ces patients», ajoutent-elles.

Suspecté de se prendre «pour Zorro»

L'ancien anesthésiste-réanimateur star de Besançon, suspecté par les enquêteurs de se prendre «pour Zorro» en venant sauver sur la table d'opération les patients de ses collègues, qu'il aurait en réalité lui-même empoisonnés, encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

Placé sous contrôle judiciaire depuis le début de l'affaire, l'accusé comparaîtra libre. Il n'a eu de cesse de clamer son innocence.

«Plaider l'acquittement»

Ses avocats, Randall Schwerdorffer, Lee Takhedmit et Samuel Estève, plaideront «naturellement l'acquittement pour tous les cas», a annoncé Me Schwerdorffer à l'AFP.

L'audience de la Cour d'assises du Doubs se déroulera du 8 septembre au 19 décembre au Palais de justice de Besançon, dans la salle historique du Parlement, «sous réserve de la faisabilité matérielle des aménagements nécessaires», précise la Cour d'appel qui a demandé la labellisation «procès sensible».

«La révision de la liste des jurés sera préalablement réalisée le vendredi 5 septembre 2025», note le communiqué.

L'accusé aborde son futur procès de manière «combative, il est parfaitement prêt pour s'expliquer sur tous les faits reprochés, qu'il conteste», selon Me Schwerdorffer. «Trois mois de procès, il a conscience que ce sera une épreuve très lourde».

La défense n'a eu de cesse de dénoncer «une instruction à charge», estimant que les juges «sont partis du principe que l'anesthésiste était coupable».

Pollué les poches de perfusion de patients

Près de 70 parties civiles seront représentés, dont le syndicat des anesthésistes Snarf.

Le docteur Péchier est soupçonné d'avoir pollué les poches de perfusion de patients âgés de 4 à 89 ans, dans deux cliniques privées de Besançon, pour provoquer des arrêts cardiaques puis démontrer ses talents de réanimateur, mais aussi pour discréditer des collègues avec lesquels il était en conflit.

Initialement, la justice avait été saisie pour 77 événements indésirables graves (EIG).

Arrêts cardiaques inexpliqués

L'affaire avait débuté en 2017 lorsqu'une anesthésiste d'une clinique de Besançon avait donné l'alerte après trois arrêts cardiaques inexpliqués de ses patients en pleine opération.

D'après des expertises menées lors de l'instruction, il existe dans la grande majorité des cas des «suspicions fortes» -dans quelques cas des «certitudes»- que des substances en doses parfois létales avaient été administrées aux patients venus se faire opérer dans les cliniques où officiait l'accusé, souvent pour des interventions bénignes.

Parmi les produits retrouvés en surdosage dans les analyses pratiquées sur des patients dont certains, décédés, ont dû être exhumés: de la lidocaïne, un anesthésique local, ou encore du potassium.

Dossier «sans précédent»

Pour l'accusé, l'unique cas d'empoisonnement avéré s'est produit lorsqu'il avait anesthésié lui-même un patient, en janvier 2017.

Après avoir gardé le silence durant plusieurs interrogatoires, l'homme avait incriminé lors d'une de ses auditions ses anciens collègues, assurant que la majorité des EIG résultaient «d'erreurs médicales» de leur part.

Lors du renvoi de l'ancien anesthésiste de la capitale comtoise, le procureur de Besançon, Etienne Manteaux avait souligné l'ampleur de ce dossier «sans précédent» dans les annales de la justice française.