Erika Hess : interview exclusive «Ce que j’ai réalisé à Crans-Montana, personne ne me le reprendra»

Gregoire Galley, à Crans-Montana

15.2.2024

Championne du monde de slalom et de combiné en 1987 à Crans-Montana, Erika Reymond-Hess a pris le temps de répondre aux questions de blue Sport avant les trois épreuves de vitesse qui auront lieu dès vendredi dans la station valaisanne.

Erika Hess, c'est qui ?

Erika Hess, c'est qui ?

Découvrez Erika Hess : de ses débuts prometteurs à la domination des pistes, une icône du ski alpin qui a laissé une empreinte indélébile dans le monde du sport.

13.02.2024

Gregoire Galley, à Crans-Montana

Erika Reymond-Hess, vous organisez des courses populaires de ski alpin depuis de nombreuses années. Quel sentiment cela vous procure-t-il ?

«Nous avons commencé à organiser ces courses il y a 27 ans. Pour moi, c’est toujours réjouissant de pouvoir mettre sur pied ces événements. Je peux compter sur un comité d’organisation dans lequel de nombreuses personnes s’engagent afin que ces courses se déroulent le mieux possible. Voir tous ces enfants s’éclater en dévalant les pistes dans une ambiance très conviviale me fait toujours très plaisir.»

Durant toutes ces années, avez-vous pu voir à l’œuvre des talents qui ont éclos aujourd’hui ?

«Bien sûr, j’ai eu la chance de voir à l’œuvre de futurs talents. Je pense notamment à Daniel Yule. Il y a aussi eu Delphine Darbellay. Cependant, cela reste des courses populaires ouvertes aux personnes de tout âge.»

L’organisation de ces épreuves doit certainement vous prendre pas mal d’énergie. Avez-vous encore le temps de regarder du ski alpin à la télévision ?

«Quand je m’occupe de mes petits-enfants, il est parfois difficile de voir quatre manches en une journée. Toutefois, j’adore regarder ces courses à la télévision. En slalom ou en géant, il y a beaucoup d’athlètes qui peuvent s’imposer. Je trouve cela vraiment chouette. Dans les disciplines techniques, le suspense est souvent au rendez-vous. On l’a vu notamment avec la formidable victoire de Daniel Yule en slalom à Chamonix.»

Cet hiver 2023/2024 a été marqué par de violentes chutes et de nombreuses blessures. Comment expliquez-vous cette hécatombe ?

«Je vous le dis franchement, j’ai dû éteindre ma télévision lors de la descente de Cortina. Voir ces athlètes chuter si violemment me fait mal au cœur. Cependant, je ne crois pas que nous en sommes arrivés là par hasard. Tout a commencé avec la chute d’Alexis Pinturault à Wengen alors qu’il venait de devenir papa. Il avait encore certainement beaucoup trop d’émotions en lui pour être focalisé pleinement sur la course. Ensuite, il y a eu la violente cabriole d’Aleksander Aamodt Kilde toujours sur le Lauberhorn. Malade avant la course, le Norvégien n’était pas non plus en pleine possession de ses moyens au moment d’enchaîner plusieurs longues descentes.»

«Chez les dames, il y a eu Mikaela Shiffrin qui était très probablement encore marquée par la chute de Kilde, son compagnon. Finalement, la blessure de Corinne Suter pourrait aussi s’expliquer par la très longue attente qu’il y a eu après les chutes qui ont émaillé cette terrible descente de Cortina. On ne s’imagine pas ce que cela demande de rester concentré près de 30 minutes. En effet, la concentration avant une course représente tout un processus. Il y a l’échauffement, les exercices physiques et mentaux, la focalisation sur le parcours… Ainsi, tous ces différents facteurs ont provoqué ces nombreuses chutes. Il ne faut donc pas tout mélanger !»

Que se passe-t-il dans la tête lorsque l’on est encore dans le portillon de départ et que l’on voit plusieurs athlètes chuter lourdement sur la piste ?

«Il faut rester froid dans sa tête et se dire que même si une autre concurrente est tombée, cela ne va pas nous arriver. Comme je l’ai mentionné auparavant, les longues attentes après les chutes n’aident pas non plus. Il y aussi les revêtements des pistes qui sont très durs ainsi que l’amélioration du matériel qui oblige les athlètes à prendre d’énormes risques. Tout cela demande des efforts physiques et mentaux d’une rare intensité.»

«Par rapport à Odermatt, Federer est dans un autre monde»

Erika Reymond-Hess

Championne du monde de slalom et de combiné en 1987

Revenons à des choses plus positives. Dès vendredi, le Cirque blanc fait halte à Crans-Montana. Une station qui vous rappelle forcément d’excellents souvenirs…

«Je vais aller voir une course ce week-end. C’est toujours l’occasion de retrouver des amis et le monde du ski. Je me sens toujours très bien quand je retourne à Crans-Montana. Ce que j’ai réalisé là-bas, personne ne me le reprendra. Cette station représente aussi une période incroyable, autant pour moi que pour le ski alpin helvétique en général (NDLR : la Suisse avait décroché 14 podiums aux Mondiaux de 1987).»

Certains experts disent que Lara Gut-Behrami se trouve dans la forme de sa vie. Partagez-vous cette analyse ?

«Cela est tout à fait vrai. Je trouve Lara Gut-Behrami très sereine depuis le début de la saison. Elle a vraiment l’air de prendre un immense plaisir sur ses skis. Son succès s’explique, en partie, grâce à sa persévérance hors norme. Elle est parvenue à revenir plus forte après ses blessures. Aujourd’hui, elle arrive très bien à rester dans sa bulle car elle s’est entourée de personnes qui savent la protéger.»

Avant de conclure, comment ne pas évoquer le phénomène Marco Odermatt. Avec le Nidwaldien, le sport suisse a-t-il trouvé son nouveau Roger Federer ?

«Comparer Federer à un autre sportif est toujours compliqué dans la mesure où Roger est un véritable monument. Par rapport à Marco Odermatt, il est encore dans un autre monde. Cependant, Marco est juste incroyable. Il est accessible, doué et réussit des résultats phénoménaux. Il deviendra certainement l’un des meilleurs skieurs de l’histoire. Pour nous Suisses, c’est une fierté, une référence.»