Paris 2024 - Marathon Le défi ultime de la légende du marathon Eliud Kipchoge

ats

9.8.2024 - 07:20

En se lançant dans l'athlétisme, le jeune Eliud Kipchoge voulait «simplement prendre l'avion et aller en Europe». 22 ans plus tard, c'est une légende vivante du marathon qui courra samedi à Paris.

Eliud Kipchoge, un marathon samedi aux airs d'ultime défi.
Eliud Kipchoge, un marathon samedi aux airs d'ultime défi.
ATS

A 39 ans, le Kényan veut écrire l'histoire ce samedi (départ à 8h) en devenant «le premier humain à gagner trois fois de suite» le marathon olympique, dépassant l'Éthiopien Abebe Bikila (1960, 1964) et l'Allemand Waldemar Cierpinski (1976, 1980).

C'est à Paris que le 31 août 2003, l'athlète alors âgé de 18 ans avait fait une entrée tonitruante dans l'arène internationale, devenant champion du monde du 5000 m devant les deux grands favoris Hicham El Guerrouj et Kenenisa Bekele. Ce premier grand titre sera son unique sur la piste.

C'est sur la route, où il s'est lancé après avoir échoué à se qualifier aux Jeux de Londresen 2012, qu'il atteindra la gloire.

Avec sa foulée ample et métronomique, il bat deux fois le record du monde du marathon (2018, 2022). Il est aujourd'hui le seul homme à avoir couvert les 42,195 km en moins de deux heures, lors d'une course non homologuée organisée par son sponsor en 2019.

Il a remporté 16 des 20 marathons officiels qu'il a courus depuis 2013 avec, outre ses deux titres olympiques (2016, 2021), onze victoires sur les «Majeurs» (cinq à Berlin, quatre à Londres, une à Tokyo et Chicago).

«Déterminé»

Benjamin d'une fratrie de quatre, élevé par sa mère institutrice de maternelle (son père est décédé quand il était bébé) dans le village de Kapsisiywa, sur les contreforts de la vallée du Rift, le jeune Eliud aimait courir. «Courir, c'est normal dans notre communauté, on court jusqu'à l'école, jusqu'au centre commercial...», raconte-t-il à l'AFP.

Il a tenté sa chance dans l'athlétisme, «mais ce n'était pas dans le but de devenir un grand coureur», poursuit-il: «Je voulais simplement prendre l'avion et aller en Europe. Je ne savais pas qu'être un athlète pouvait nourrir ma famille, mes frères et soeurs.»

Adolescent, il croisait souvent à l'entraînement un voisin qu'il avait vu à la télévision: le vice-champion du monde (1991, 1993) et vice-champion olympique (1992) du 3000 m steeple Patrick Sang, un compatriote qui a longtemps porté les couleurs du LC Zurich. En 2001, il l'aborde, lui demande un programme d'entraînement. Patrick Sang lui en griffonne un sur le bras.

«Il est revenu régulièrement pour en avoir d'autres», raconte l'ancien coureur, de 20 ans son aîné: «A l'époque, je ne pouvais pas dire que ce gars avait quelque chose de particulier. Mais rétrospectivement (...), je peux dire que c'est quelqu'un qui savait où il voulait aller. Il était vraiment déterminé.» Les deux hommes ne se quitteront plus, développant une relation quasi filiale.

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Lecture, foot, UFC

Travailleur infatigable, consignant chaque entraînement dans des cahiers, Eliud Kipchoge dédie sa vie à la course. Depuis 2002, il vit «neuf mois» par an au camp de l'agence de management d'athlètes Global Sports Communications à Kaptagat, village de l'Ouest kényan à 2500 m d'altitude.

Réveil au petit matin, courses, repas, repos rythment son existence monacale. Il retrouve le week-end sa femme et ses trois enfants qui vivent dans la ville voisine d'Eldoret.

Ce mode de vie contraste avec ses revenus estimés à plusieurs millions de dollars, fruit de ses victoires et records mais aussi de partenariats (Nike, INEOS, Maurten, Isuzu...).

Fidèle à ses origines terriennes, Kipchoge est également propriétaire d'une ferme de vaches laitières et de maïs dans la région d'Eldoret et d'une plantation de thé dans sa région d'origine.

Son goût pour la lecture (Paulo Coelho, Stephen Covey...) et les maximes, ainsi que son flegme lui valent le surnom de «philosophe».

Il est aussi passionné de sport, supporter du club de foot de Tottenham, féru de Formule 1, de Moto GP, de boxe et d'ultimate fighting – deux sports dans lesquels il voit un parallèle avec le marathon. «Ces gens s'entraînent pendant six mois pour un combat de 15 minutes. Et ils peuvent être mis K.O en quelques secondes.»

Menaces de mort

Le marathonien Kipchoge a peu connu l'échec. Ses récentes contre-performances à Boston l'an dernier (6e) et à Tokyo (10e) en mars ont d'autant plus interpellé. «A Tokyo, j'ai passé trois jours sans dormir», a-t-il expliqué en mai à la BBC, évoquant des menaces de mort sur les réseaux sociaux.

Des théories complotistes l'ont accusé d'être impliqué dans la mort de Kelvin Kiptum, le nouveau prodige du marathon décédé en février dans un accident de voiture près du camp de Kaptagat.

«J'ai reçu beaucoup de mauvaises choses: qu'on brûlerait le camp, qu'on brûlerait mes investissements en ville, qu'on brûlerait ma maison, qu'on brûlerait ma famille», a-t-il raconté, peinant à retenir ses larmes. Il dit avoir perdu «environ 90%» de ses amis.

Profondément touché par cette épreuve, celui qui a l'habitude de répéter que «le marathon, c'est la vie, avec des hauts et des bas, parfois tu es fatigué, tu touches le fond, tu repars» se trouve aujourd'hui face à son ambition.

«C'est son rêve d'entrer dans l'histoire», explique Patrick Sang. Même si, selon lui, l'histoire est déjà écrite: «Regardez depuis combien d'années il est au sommet, plus de 20 ans. Ca c'est déjà l'histoire.»

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