Audacieux, solide et appliqué, Remco Evenepoel a pris une troisième place prometteuse pour son premier Tour de France dimanche à Nice, et se place comme un sérieux prétendant à la victoire finale en vue des années à venir.
Derrière les deux phénomènes qui se partagent le maillot jaune depuis 2020, Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard, le champion du monde 2022 s'est imposé comme le troisième homme de ce Tour, alors que les questions étaient nombreuses autour de sa capacité à briller dans la plus grande course du monde.
«Les trois semaines étaient un test, s'adapter au Tour, ce n'est pas évident, c'est complètement différent», affirme le patron de son équipe, la Soudal-Quick Step, Tom Steels. Une façon de dire qu'après avoir remporté la Vuelta en 2022, le double vainqueur de la Doyenne devait faire ses preuves à l'échelon supérieur.
«Comme une victoire»
«Gagner la Vuelta est très spécial, mais être derrière les deux meilleurs du monde c'est comme une victoire», a assuré le maillot blanc du Tour, troisième à 9 min 18 de «Pogi» et à 3 min 01 de «Vingo». Evenepoel s'est installé rapidement sur le podium pour ne jamais en être délogé.
Et il a été rattrapé par l'émotion dimanche soir à Nice, fondant en larmes après avoir pris la troisième place du contre-la-montre final derrière les deux patrons du Tour. «Parfois les gens ne réalisent pas à quel point les commentaires négatifs peuvent peser, comme après ma deuxième place à Paris-Nice, c'est pour ça que j'ai pleuré», a-t-il affirmé.
Costaud en montagne, bien qu'un cran en-dessous de Vingegaard et surtout de Pogacar, il a fait parler ses qualités en s'imposant lors du premier contre-la-montre entre Nuits-Saint-Georges et Gevrey-Chambertin. Mais des doutes subsistaient quant à sa capacité à tenir le choc en très haute montagne, lors des cols les plus longs placés en fin de troisième semaine.
Le «Petit cannibale» avait montré des faiblesses dans le domaine lors du dernier Tour d'Espagne, éjecté de la course au classement général à la suite d'une défaillance dans le col d'Aubisque. Mais Evenepoel a travaillé, perdu un peu de poids avant le Tour, et a traversé les Pyrénées, puis les Alpes, sans connaître de jour sans.
«Moment clé»
Et le Belge a pu se rendre compte que ses ambitions de victoire finale à long terme étaient légitimes, en prenant la troisième place de l'étape-reine entre Embrun et Isola 2000, avec notamment l'ascension de la Cime de la Bonnette juchée à plus de 2'800 m.
«C'est un moment clé dans ma carrière. (...) Je me suis rassuré sur mes capacités, après ce Tour de France la direction dans laquelle je veux aller est claire», a-t-il asséné au soir de cette 19e étape.
Une direction qui le mène tout droit vers la quête du maillot jaune, alors que la Belgique se cherche un vainqueur du Tour depuis 1976 et Lucien Van Impe. «Pour les prochaines années, le Tour va être toujours numéro 1 sur la liste des courses qu'il va faire, et ce dès l'année prochaine», affirme Tom Steels.
«J'ai fait un grand pas en avant dans ma carrière, je suis sûr que je suis capable de performer trois semaines au plus haut niveau, il y a encore un grand écart à réduire avec Tadej et Jonas, (...) mais ça donne des perspectives pour le futur», s'est réjoui Evenepoel dimanche soir.
Après une préparation tronquée par une lourde chute lors du Tour du Pays basque en avril, où avaient aussi été pris Roglic et Vingegaard, Evenepoel est parvenu à tenir la distance et a voulu montrer sa force en fin de Tour, afin de titiller le Danois.
Mais il a aussi pu se rendre compte de ses limites, perdant du temps sur le double vainqueur sortant de la Grande boucle après avoir fait rouler son équipe vers le col de la Couillole lors de l'avant-dernière étape.
«Peut-être qu'il faut laisser un peu le chrono de côté et travailler plus les longues montées, faire plus d'altitude, apporter plus d'expertise dans l'équipe à ce niveau», estime-t-il, se disant satisfait de l'apport du Basque Mikel Landa, son lieutenant lors de ce Tour.
En venant s'immiscer parmi les grands, Evenepoel a fait une partie du chemin. Et il a pu mesurer ce qu'il lui reste à parcourir.