Tadej Pogacar a fini le Tour de France en beauté. Le maillot jaune slovène a aussi remporté la 21e et dernière étape, un chrono entre Monaco et Nice (33,7 km). Il a ainsi gagné six étapes!
Assuré de sa troisième victoire finale après 2020 et 2021, Pogacar (25 ans) n'a pas joué la prudence dans ce contre-la-montre qui proposait les ascensions de la Turbie et du col d'Eze. Insatiable, il a mis un point d'honneur à empocher un nouveau succès, le troisième de suite sur cette fin de 111e édition après ceux à Isola 2000 vendredi et au col de la Couillole samedi.
Au terme de cette énième démonstration de force, Pogacar a devancé le Danois Jonas Vingegaard de 1'03 et le Belge Remco Evenepoel de 1'14. Les trois hommes occupent aussi les mêmes positions sur le podium final, Vingegaard finissant à 6'17 et Evenepoel, meilleur jeune de la course, à 9'18.
Pogacar réalise ainsi un formidable doublé Giro - Tour de France. Il est le premier à y parvenir depuis l'Italien Marco Pantani en 1998. Le Slovène n'a pas brillé que dans les courses à étapes: au printemps, il s'est adjugé les Strade bianche et Liège - Bastogne - Liège.
«Le nouveau Eddy Merckx»
Avec les six étapes remportées cette année sur la Grande Boucle, «Pogi» en compte désormais 17 en cinq participations. Personne n'en avait remporté autant que le Slovène avant l'âge de 26 ans. Mark Cavendish (détenteur du record avec 35 victoires depuis cette année) et François Faber en comptaient 15 au même âge, Eddy Merckx 14 et Bernard Hinault 13.
Six victoires décrochées avec une facilité parfois insolente et 19 jours en jaune: les chiffres sont affolants pour celui qui aspire ouvertement à devenir le meilleur coureur de tous les temps. «Son Tour de France est très impressionnant, plus généralement sa saison est extraordinaire, ses stats sont juste ahurissantes. C'est le nouveau Eddy Merckx», souligne le directeur sportif de Décathlon-AG2R, Julien Jurdie.
Sur tous les terrains
Pogacar boxe chaque jour un peu plus dans la catégorie des plus grands. Très polyvalent, il gagne partout (84 victoires, dont 21 cette saison), sur les classiques flandriennes comme les grands Tours, brille en montagne comme sur les chronos et s'invite parfois même dans les sprints.
Il fait des choses qu'aucun coureur n'avait encore réussi, comme gagner au moins cinq étapes sur le Giro et le Tour la même année ou porter un maillot de leader pendant 39 jours (20 en rose, 19 en jaune). Eddy Merckx, le plus grand de tous les temps, qui au même âge n'avait gagné que deux de ses cinq Grandes boucles, en a fait son «principal héritier». Bernard Hinault applaudit son «panache».
Appétit d'ogre
Pogacar partage avec ces deux monstres sacrés un appétit d'ogre qui ne laisse que des miettes au reste du peloton. Cela éveille inévitablement des soupçons dans un sport longtemps entaché par le dopage.
«Ce qui m'impressionne le plus chez lui, c'est sa facilité. Son flow sur le vélo et en dehors, la manière avec laquelle il flotte dans le peloton, c'est vraiment un coureur à part», retient Pavel Sivakov, l'un de ses équipiers dans l'armada UAE.
«On le regarde avec beaucoup d'admiration», ajoute Tim Wellens, autre lieutenant, qui insiste sur le fait que Pogacar, au-delà de son talent naturel, est aussi «celui qui, à la fin de l'année aura passé le plus de temps sur un vélo»
Une rivalité historique
«Il bosse énormément. Après un entraînement, il monte souvent sur les rouleaux pour prolonger d'une demi-heure, avec une veste de pluie pour s'habituer à la chaleur», raconte le Belge.
Vexé d'avoir été surclassé par Vingegaard en 2022 et 2023, Pogacar a révolutionné sa manière de s'entraîner. Il a changé de coach cet hiver pour effectuer des séances spécifiques en vue des longs cols sous la chaleur, sa seule faiblesse.
Sur le Tour, il aura laminé tout le monde en montagne, dont Jonas Vingegaard, sachant que le Danois a aussi payé, comme Pogacar l'an dernier, son manque de préparation après son grave accident au Tour du Pays basque en avril. «La rivalité avec Jonas m'a poussé à devenir meilleur», insiste Pogacar.