Erik Lehmann «Aujourd'hui, l'étagère de Giroud déborde de trophées»

Clara Francey

30.1.2023

En dominant Nyon 89-69, Elfic Fribourg a remporté dimanche la 7e Coupe de la Ligue (SBL Cup) de son histoire. Il s'agissait pour sa capitaine Marielle Giroud de son 29e titre à l’échelle nationale. Erik Lehmann, secrétaire général de Swiss Basketball, est revenu pour blue Sports sur cet incroyable palmarès.

Marielle Giroud est nonuple championne de Suisse en titre.
Marielle Giroud est nonuple championne de Suisse en titre.
KEYSTONE

Clara Francey

30.1.2023

Si ce week-end tous les regards des amateurs de basketball étaient tournés vers Thabo Sefolosha, qui effectuait son grand retour à la compétition avec le Vevey Riviera Basket, il y en a une qui aurait mérité tout autant d’attention. Elle, c’est Marielle Giroud, capitaine d’Elfic Fribourg mais aussi et surtout joueuse la plus titrée de l’histoire du basket suisse.

A 35 ans, la plus fribourgeoise des Valaisannes a cueilli ce dimanche du côté de la salle du Pierrier, à Montreux, sa 8e Coupe de la Ligue (SBL Cup), son 29e titre en carrière (9 championnats, 6 Coupes de Suisse, 8 SBL Cup et 6 SuperCup). Excusez du peu.

Véritable aspirateur à rebonds - elle en a capté 18 contre Nyon dimanche - , Marielle Giroud est également un aimant à titres. Depuis son arrivée à l’été 2017 sur les bords de la Sarine en provenance d’Hélios, la Martigneraine a remporté avec Elfic Fribourg 17 des 19 trophées mis en jeu sur le territoire national. Monstrueux.

Son ancien entraîneur, Erik Lehmann, aujourd’hui devenu secrétaire général de Swiss Basketball, nous parle de la joueuse et plus globalement de la place des femmes dans le sport. Interview.


Entre le premier titre de Massagno en 59 ans d’existence, le 10ème consécutif pour Elfic Fribourg et le «come-back» de Thabo Sefolosha, tout cela dans une salle du Pierrier comble, quel bilan tirez-vous du «Final Four» de ce week-end ?

«On est super content. On peut finalement dire qu'il y a eu plusieurs événements dans l'événement. Tout d'abord concernant l'événement en soi, la SBL Cup, qui est vieille de 20 ans, je suis fier de la façon dont elle s'est développée et professionnalisée sous notre égide pour devenir un événement de standard international. Ensuite, on ne le dira jamais assez, mais on a forcément bénéficié de l'effet Thabo, qui va sans aucun doute se prolonger au-delà de la SBL Cup. Et puis même si ma neutralité doit être sans équivoque, je suis très content que Massagno ait finalement obtenu un titre national car cela vient récompenser les efforts que le club fait depuis longtemps. Finalement, ce «Final Four», avec des rencontres toutes très serrées et passionnantes, a démontré que même si la SB League est très souvent critiquée, on a au niveau masculin une très belle compétitivité.»

«Concernant les filles, je suis particulièrement heureux pour Marielle (Giroud) parce que j'ai un petit faible pour elle, étant donné que je l'ai entraînée pendant de nombreuses années. C'est une grande, grande dame du basket féminin. C'est la dernière survivante du quintette extraordinaire qu'elle formait avec Karen Twehues, Alexia Rol, Caroline Turin et Sarah Kershaw. Aujourd'hui, son étagère déborde de trophées. Bientôt 30, c'est beau. Là encore, c'est mérité parce que c'est une fille qui est à fond tout le temps, qui n'a jamais d'états d'âme et qui est finalement un exemple pour la communauté féminine.»

Quel regard portez-vous sur la domination de Marielle Giroud - élue dimanche MVP (most valuable player) de la finale féminine - et Elfic Fribourg sur le basket helvétique ?

«Il y a deux aspects. D'un côté, elle domine parce qu'elle le mérite et que c'est une grande joueuse, ce qui est tout à son honneur, et de l'autre côté l'arrêt des 4-5 autres joueuses majeures citées plus haut fait que son impact dans le jeu s'est encore accru. Le manque de promotion de la relève est un problème qu'on doit résoudre aujourd'hui. On doit faire en sorte de voir éclore rapidement des jeunes joueuses à très fort potentiel. On a quelques prospects, mais qui ne sont malheureusement pas (encore) dans le championnat suisse, car on a de plus en plus de joueuses qui s'exportent notamment dans les universités américaines. Ce qui arrive aujourd'hui, il y a longtemps qu'on l'avait anticipé. Et qu'est-ce qui va se passer le jour où Marielle ne jouera plus ?

Vous voulez dire que ce sera très compliqué de lui trouver un successeur ?

«En termes de niveau, elle aura probablement un successeur, mais en termes d'investissement et de professionnalisme, c'est autre chose. Marielle a cette faculté à être présente tout le temps et qui se raréfie malheureusement aujourd'hui.»

«C'est énorme quand on est athlète de haut niveau d'être constant dans l'investissement et la performance»

Helios Trainer Erik Lehmann im Damen Basketball Cupfinal 2015 zwischen BBC Helios und Elfic Fribourg am Samstag, 11. April 2015, in Fribourg. (KEYSTONE/Thomas Hodel)

Erik Lehmann

Secrétaire général de Swiss Basketball

Vous qui la connaissez bien, étant donné que vous avez été son entraîneur pendant plusieurs années du côté d’Hélios, qu’est-ce que Marielle Giroud a de plus que les autres ?

«Au-delà de la qualité de son jeu, elle a deux choses qui selon moi sont importantes. Il y a premièrement sa fraîcheur. C'est-à-dire que même après toutes ces années, elle est toujours contente de gagner des titres, elle est toujours contente d'être élue MVP, elle est toujours contente... C'est une vraie compétitrice, mais aussi au sens ludique du terme : elle aime le jeu. Deuxièmement, il y a sa longévité. Elle a toujours été investie de la même manière : à fond dans les entraînements et à fond dans les matches. Elle maintient un niveau de motivation permanent. C'est énorme quand on est athlète de haut niveau d'être constant dans l'investissement et la performance.»

Ça ne vous fait pas mal qu’on parle si peu d’une joueuse avec un tel palmarès ? On parle tout de même de 29 titres en carrière, ce qui fait d’elle une sacrée ambassadrice pour le basket helvétique…

«Vous êtes dure avec elle, on en parle quand même pas mal de Marielle. Mais c'est vrai que l'impact du 29ème titre qu'elle a obtenu hier a été quelque peu dilué par le retour de Thabo Sefolosha. Malheureusement on connaît ce problème de la couverture médiatique du sport féminin. Aujourd'hui, développer le basket et plus globalement le sport féminin c'est avant tout développer sa place dans les médias.»

Ces derniers jours, les médias, mais également votre fédération, ont beaucoup parlé de Thabo Sefolosha, dont le retour était certes un événement, mais comment est-ce que vous expliquez qu’on n’arrive pas à capitaliser davantage sur l’image d’une joueuse comme Marielle Giroud ?

«Ce que vit Marielle, toutes les sportives du monde le vivent. La promotion de la meilleure joueuse de foot du monde n'est pas celle de Leo Messi. Les fédérations et les instances politiques du sport ont, tout comme les médias, leur rôle à jouer. Pour nous, c'est déjà une chance qu'hier les deux finales, féminine et masculine, soient retransmises en direct à la télévision, comme c'est le cas pour la Patrick Baumann Swiss Cup et les finales de play-off. On essaie de faire le maximum, mais il est vrai que l'impact médiatique du sport féminin est très faible. C'est un travail de longue haleine qui doit être mené par tous les acteurs du sport : les dirigeants de clubs, les dirigeants de fédérations, les médias, les instances politiques, ... Bref, tout le monde.»

A Swiss Basketball, vous entendez donc mettre l'accent sur cet aspect dans les années à venir ?

«Oui, et j'ai envie de dire plus par le sport, tout d'abord car vient de recruter un responsable technique national, en la personne d'Hervé Coudray, qui est très sensible au basket féminin. Ensuite, le travail de la fédération sur les équipes nationales et le 3x3 va se poursuivre. On a également un énorme projet de revitalisation autour du mini-basket (6-12 ans). On va s'attacher à promouvoir l'activité auprès des jeunes filles de cette tranche d'âge.»