Enseignements de l'Histoire Voilà pourquoi nos avions doivent pouvoir atterrir sur les routes

Philipp Dahm/Trad

14.1.2024

Entre 1970 et 1991, les forces aériennes suisses ont utilisé des autoroutes comme pistes. Il est tout à fait logique que le commandement militaire veuille à nouveau utiliser cette alternative, à l'aune de ce qui se passe en Ukraine.

Exercice Nosta : décollage d'urgence d'un Hunter le 1er juin 1978 sur la N8 près d'Alpnach (Obwald).
Exercice Nosta : décollage d'urgence d'un Hunter le 1er juin 1978 sur la N8 près d'Alpnach (Obwald).
Archives de l'Etat d'Obwald

P. Dahm

Les routes sont une alternative aux pistes de décollage et d'atterrissage fixes: il suffit d'une ligne droite d'environ trois kilomètres sur laquelle aucun pont ne gêne le passage d'un jet.

La Suède développe d'ailleurs ses avions de combat en ayant en tête le scénario selon lequel il n'y aurait plus d'aéroports en cas d'urgence. Le Jas 39 Gripen de Saab est conçu pour fonctionner sur des pistes de fortune et dispose même d'un système de freinage ABS.

La Suisse teste le concept pour la première fois le 16 septembre 1970 avec des jets de type De Havilland Venom: un tronçon de l'A1 d'un peu plus de trois kilomètres et demi est fermé près d'Oensingen SO par le régiment d'aviation et d'aérodrome 3 et transformé en piste.

Malgré le secret, le public suisse est également informé de la manœuvre. Dans le cadre de la guerre froide, les autoroutes ont été construites de manière à devenir une alternative pour les avions de combat en cas de guerre. Ce n'est pas par hasard si le tronçon de l'A1 entre Morat et Payerne, achevé en 1990, est par exemple parallèle à la piste de la base aérienne de Payerne.

L'exemple ukrainien

Après la chute du mur de Berlin en Allemagne et l'effondrement de l'Union soviétique qui s'ensuit, le concept passe toutefois de mode. En 1995, l'armée suisse le classe d'abord dans les archives. D'une part, la menace disparaît, d'autre part, le risque d'accident est accru sur les tronçons concernés, car des câbles d'acier y sont tendus à la place des glissières de sécurité.

D'autres États abandonnent également l'idée. La République fédérale d'Allemagne, notamment, fait atterrir pour la dernière fois des jets sur des autoroutes en 1984 lors de l'«opération Highway 84». Les pistes potentielles sont toutefois conservées - comme en Ukraine.

Et là-bas, il est clairement apparu depuis février 2022 que ces alternatives redeviendraient importantes dans un contexte de guerre (voir vidéo ci-dessous).

Ukrainische Jets nutzen Strasse als Piste

Ukrainische Jets nutzen Strasse als Piste

Ein im April 2023 veröffentlichtes Video zeigt, wie eine ukrainische Su-27 und eine Mig-29 von Strassen aus in den Einsatz starten.

11.01.2024

Le DDPS l'a également compris: il est donc logique que les Forces aériennes suisses veuillent à nouveau s'entraîner à de tels décollages et atterrissages sur l'A1, comme les Américains continuent de le faire.

La dernière manœuvre de ce type a eu lieu en 1991 près de Lodrino TI - voir la vidéo ci-dessous. De tels exercices ont eu lieu dix fois : en 1970 près d'Oensingen SO, en 1974 près de Münsingen BE, en 1977 près de Flums SG, en 1978 près d'Alpnach OW, en 1980 près de Bex VD, en 1982 à nouveau près de Münsingen, en 1985 à nouveau près de Flums, en 1988 à nouveau près d'Alpnach et près de Sion ainsi qu'en 1991 à Lodrino.

Le fait que les Forces aériennes suisses doivent à nouveau s'entraîner à être flexibles en matière de décollages et d'atterrissages a déjà été rappelé par leur commandant Peter Merz en avril dernier. «Notre objectif est de pouvoir à nouveau décoller et atterrir le plus rapidement possible avec des avions à partir d'anciens aérodromes militaires ou d'autoroutes», avait-il déclaré selon la «Südostschweiz». La Confédération passe désormais de la parole aux actes.