«Polluants éternels» Nettoyer l'Europe des PFAS coûterait 95 à 2000 milliards d'euros

ATS

14.1.2025 - 07:25

Nettoyer les eaux et sols européens des «polluants éternels» (PFAS) coûterait au moins 95 milliards d'euros sur 20 ans dans les conditions les plus favorables. La facture pourrait même atteindre 2000 milliards d'euros, selon une enquête de plusieurs médias coordonnée par Le Monde.

Quasi indestructibles, les PFAS regroupent plus de 4700 molécules et s'accumulent avec le temps dans l'air, le sol, les rivières, jusque dans le corps humain.
Quasi indestructibles, les PFAS regroupent plus de 4700 molécules et s'accumulent avec le temps dans l'air, le sol, les rivières, jusque dans le corps humain.
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Keystone-SDA

La fourchette haute «est fort probablement la plus réaliste», écrit Le Monde, s'appuyant sur des travaux universitaires et une enquête réalisée dans le cadre du consortium de médias «Forever Lobbying Project» sur ces substances substances per- et polyfluoroalkylés.

D'autant plus que l'estimation «n'inclut ni l'impact des PFAS sur nos systèmes de santé, ni une myriade d'externalités négatives trop difficiles à quantifier», ajoute le quotidien.

Il s'agit de la suite d'une vaste enquête parue en 2023, qui a mis en évidence «au moins 23'000 sites pollués» sur le continent par ces substances chimiques prisées pour leurs propriétés antiadhésives, déperlantes ou antitaches.

Quasi indestructibles

Quasi indestructibles, ces «polluants éternels» regroupent plus de 4700 molécules et s'accumulent avec le temps dans l'air, le sol, les rivières, jusque dans le corps humain. En cas d'exposition sur une longue période, ils peuvent avoir des effets sur la fertilité ou favoriser certains cancers d'après de premières études.

Pour chiffrer les coûts du nettoyage, les médias, en collaboration avec deux chercheurs, se sont appuyés sur «les rares informations scientifiques et économiques disponibles» ainsi que sur «des données locales collectées auprès de pionniers de la dépollution».

«Chacun des scénarios de notre évaluation est fondé sur des séries de choix conservateurs, ce qui permet d'affirmer que les coûts sont très certainement sous-estimés», détaille l'enquête.

«Immense défi»

La fourchette basse – 4,8 milliards d'euros par an – correspond à «un scénario irréaliste» avec des hypothèses «ultra-optimistes»: plus aucune nouvelle pollution aux PFAS «dès demain», une dépollution limitée aux sites prioritaires et aux polluants aujourd'hui réglementés – ignorant de nouvelles substances utilisées depuis «le début des années 2000».

Si la pollution se poursuit et si l'on procédait à un nettoyage poussé, «la facture grimperait à 2000 milliards d'euros sur vingt ans», soit 100 milliards d'euros par an, selon Le Monde, d'autant plus que «la décontamination pose un immense défi technologique et logistique».

Certaines techniques avancées de filtration d'eau, par exemple, sont très gourmandes en eau et énergie. Et les incinérateurs conventionnels, pas assez puissants, ne permettent pas de détruire les PFAS dans les ordures ménagères, souligne l'enquête.

Le problème des boues

Un autre vecteur de pollution pourrait démultiplier les besoins en incinération, et donc les coûts: les boues. Les résidus solides issus de certaines stations d’épuration urbaines contiennent en effet de fortes concentrations de PFAS. Or, ces engrais à bas prix ont depuis longtemps trouvé un débouché dans nos champs, écrit Le Monde.

«Aux Etats-Unis et en Suisse, la fertilisation par des boues d’épuration est suspectée d’avoir contaminé des hectares de terres agricoles ainsi que le bétail qui s’y trouvait. D’après nos calculs, brûler ces boues au lieu de les épandre coûterait au bas mot 20 milliards d’euros par an en Europe, sans compter les pertes pour le secteur agricole», écrit le journal.

Au vu des montants colossaux nécessaires, «restreindre les émissions de PFAS pour arrêter de faire grimper l'addition s'impose», conclut Le Monde.

L'enquête, qui s'appuie sur des «milliers de documents», relève par ailleurs une campagne des industriels, qualifiée de «harcèlement des pouvoirs publics par une armada de lobbyistes», pour «édulcorer, voire tuer» un projet d'interdiction des PFAS au niveau européen.

L'enquête implique 46 journalistes et 29 partenaires médias dans 16 pays, dont la SSR pour la Suisse.