EuropéennesL'extrême droite française triomphe, défaite cinglante pour Macron
AFP
9.6.2024
L'extrême droite de Jordan Bardella a remporté dimanche une victoire historique aux élections européennes, selon les premières estimations à 20H00, infligeant une claque au camp d'Emmanuel Macron qui arrive juste devant la liste des socialistes menée par Raphaël Glucksmann.
AFP
09.06.2024, 20:06
09.06.2024, 20:51
Marc Schaller
Avec 31,5 à 32,4% des voix selon les instituts Ipsos et Ifop, le Rassemblement national réalise son meilleur score dans une élection nationale (hors second tour) et va contribuer de manière décisive à la montée en puissance du camp nationaliste et souverainiste au Parlement européen, principal enseignement du scrutin au niveau des Vingt-Sept.
La liste macroniste de Valérie Hayer, eurodéputée sortante peu connue du public, est reléguée très loin derrière avec moins de la moitié des voix, à 15,2%, annonçant une fin de quinquennat compliquée pour le président Macron. Il doit s'adresser aux Français dans la soirée, a annoncé l'Elysée avant même 20H.
Elle n'est pas totalement assurée d'obtenir la deuxième place, talonnée par Raphaël Glucksmann (PS-Place publique) qui s'inscrit entre 14 et 14,3%, soit plus du double de son résultat de 2019.
Derrière, La France insoumise de Manon Aubry, dont plusieurs élus ont dénoncé des irrégularités tout au long de la journée, améliore son score par rapport aux précédentes européennes (8,3 à 8,7%), lors d'un scrutin qui va redistribuer les cartes à gauche en vue de la présidentielle de 2027.
Participation en hausse
Mené par François-Xavier Bellamy, le parti Les Républicains n'a pas réussi à faire mieux que 7 à 7,2%, devant la liste Reconquête de Marion Maréchal, tout juste au-dessus des 5% nécessaires pour envoyer des députés au Parlement européen.
Grande surprise de l'élection de 2019, la liste écologiste, menée cette année par Marie Toussaint, est annoncée par les instituts en nette baisse, elle aussi juste au-dessus de la barre fatidique des 5%.
Sur 38 listes, un record, seules cinq semblent donc déjà assurées d'avoir des eurodéputés.
Signe d'une campagne qui a suscité plus d'intérêt que prévu, l'affluence aux urnes a encore progressé par rapport à 2019, quand elle s'était déjà affichée en hausse à 50,12%.
Ce surcroît de participation n'a pas pesé sur le score du grandissime favori: à seulement 28 ans, Jordan Bardella confirme son ascension sur la scène nationale en binôme avec Marine Le Pen. Il augmente de près de dix points son score déjà haut de 2019 (23,34%).
Emmanuel Macron, qui a voté en début d'après-midi au Touquet (Pas-de-Calais) après s'être offert un long bain de foule sous un grand soleil, doit maintenant digérer cette lourde défaite qui l'affaiblit pour la seconde partie de son mandat et confirme la possibilité de voir l'extrême droite accéder à l'Elysée en 2027.
Les leçons de Macron
Le chef de l'Etat, qui s'est investi personnellement dans la campagne jusqu'à son interview télévisée de jeudi pendant les commémorations du Débarquement allié de 1944, avait laissé entendre qu'ils n'entendait pas tirer d'enseignements nationaux d'un scrutin européen. Mais ces dernières heures, son entourage n'excluait pas un «acte politique fort» en cas d'échec d'ampleur à cette élection présentée comme «existentielle» pour le pays et le continent, où la guerre a fait son retour depuis deux ans avec l'invasion russe de l'Ukraine.
Le président, qui passe la soirée à l'Elysée, pourrait aussi être tenté de renvoyer ses décisions à l'automne, après les Jeux olympiques de cet été à Paris.
Bulletins non disposés sur les tables ou légèrement déchirés, radiations «abusives» des listes électorales, bureaux déplacés: la régularité du scrutin a été mise en cause tout au long de la journée par plusieurs députés insoumis, comme Hadrien Clouet à Toulouse et Farida Amrani dans l'Essonne.
Une contestation encouragée par les responsables du mouvement de la gauche radicale, à l'instar de Mathilde Panot et Manuel Bompard qui ont appelé leurs sympathisants à signaler «tous les dysfonctionnements».
En additionnant toutes ses listes, l'extrême droite approche la barre des 40%.
A travers le pays, le RN a donc confirmé le succès de sa stratégie de dédiabolisation, avec des percées y compris chez les retraités et les cadres, des électorats jusque-là rétifs.
«On a donné sa chance à tout le monde, c'était la droite, c'était la gauche, ça n'a pas donné grand-chose. Pourquoi pas essayer les extrêmes?», lance Arnaud Bigotte, chauffeur routier de 41 ans, rencontré à la sortie du bureau de vote à Bully-les-Mines, dans le bassin minier du Pas-de-Calais.
Selfies et réseaux sociaux
A Toulouse, Claudia Robert 18 ans, approuve aussi le candidat Bardella et le RN, «pour leurs idées». «Ce dont ils parlent le plus, c'est l'immigration je trouve qu'ils comprennent vraiment cet enjeu», dit-elle.
Surfant sur sa popularité à coups de selfies et de vidéos sur les réseaux sociaux, la tête de liste RN a fait du scrutin un «référendum anti-Macron». Son parti a d'ores et déjà prévenu qu'il la réclamerait une dissolution de l'Assemblée nationale en cas de victoire éclatante.
En face, Emmanuel Macron, son Premier ministre Gabriel Attal et leur son camp ont tenté jusqu'au bout de «débusquer» le «Frexit caché» du RN. Mais la liste menée par Valérie Hayer, n'a jamais décollé, signe de sa difficulté à mobiliser l'électorat pro-européen du chef de l'Etat.
Dans les territoires d'Outre-mer qui avaient commencé à se rendre aux urnes pour certains dès samedi, la participation est en revanche en baisse.
En Nouvelle-Calédonie, la majorité des bureaux de vote ont ouvert, mais le scrutin s'est déroulé sous haute sécurité après les récentes émeutes et alors qu'autour de Nouméa des barrages perturbent toujours la circulation.
Les européennes, «ici ce n'est pas le souci majeur, on n'est pas concernés», a estimé Gaëtan Kohueinui, rencontré sur un barrage indépendantiste.