«Tous les candidats mentent» Le débat Trump-Harris, immense défi pour les fact-checkeurs

ATS

8.9.2024 - 12:17

Faut-il souligner en direct les mensonges de Donald Trump? Avec le retour du républicain sur la scène d'un débat télévisé, mardi face à Kamala Harris, les fact-checkeurs américains sont à nouveau confrontés à la difficulté de l'exercice.

ABC News, qui organise mardi le débat, n'a pas dit si les modérateurs comptent intervenir en direct à propos d'éventuelles affirmations douteuses (archives).
ABC News, qui organise mardi le débat, n'a pas dit si les modérateurs comptent intervenir en direct à propos d'éventuelles affirmations douteuses (archives).
KEYSTONE

En juin, beaucoup avaient critiqué CNN pour n'avoir pas vérifié, en direct sur le plateau, les mensonges à répétition prononcés par l'ancien président face à Joe Biden, dont la prestation catastrophique l'a finalement poussé à retirer sa candidature.

Selon l'équipe de vérification de la chaîne américaine, Donald Trump a prononcé le 27 juin plus de 30 contre-vérités, dont l'accusation, dénuée de toute base factuelle, que des Etats américains gérés par des démocrates laisseraient faire des «exécutions» de bébés à leur naissance.

Pour faire face au défi, les rédactions américaines investissent d'importantes ressources.

En juin, le prestigieux New York Times avait une équipe d'investigation numérique composée de 29 journalistes.

Pour le site dédié au fact-checking PolitiFact, c'était 27 personnes. «Nous avons nos plus gros chiffres de visites les soirs de débat, donc on y va à fond pour les effectifs», dit à l'AFP sa rédactrice en chef Katie Sanders.

Son équipe se prépare pour mardi en passant en revue les lignes d'attaque de la démocrate Kamala Harris et les mensonges réguliers de Donald Trump. «Derrière la vérification factuelle en direct le soir du débat, il y a des jours, des semaines de fact-checking des candidats au quotidien.»

«Mensonges comme stratégie»

Mais la difficulté avec Donald Trump, c'est qu'en bousculant toutes les règles de la politique américaine, il invente régulièrement des affirmations fausses ou trompeuses, en plus de ses mensonges répétés. Il ne cesse d'ailleurs d'affirmer, à tort, que l'élection de 2020 a été constellée de fraudes.

Durant son mandat de président, entre 2017 et 2021, le Washington Post avait décompté 30'573 déclarations fausses ou trompeuses de la part de Donald Trump.

Reparti à la conquête de la Maison Blanche, il «utilise délibérément les mensonges comme stratégie de campagne», souligne à l'AFP Alan Schroeder, auteur d'un livre sur les débats. «Il n'y a jamais eu de candidat à l'élection présidentielle comme M. Trump».

Et ce professeur émérite de rappeler qu'en 1976, une erreur factuelle de Gerald Ford sur l'Union soviétique lors d'un débat est vue aujourd'hui comme l'une des raisons de sa défaite.

Mais Donald Trump, en «balançant autant de contre-vérités dans le dialogue», rend «impossible d'apporter, en direct, des corrections ou du contexte», estime Alan Schroeder.

«Tous les candidats mentent»

Et quand bien même, le faire en tâchant d'apparaître équilibré mettrait les modérateurs du débat «dans une position impossible», dit-il. «Tout le temps passé à réfuter ou clarifier des affirmations erronées pendant le débat, c'est du temps en moins pour échanger sur des questions de fond.»

ABC News, qui organise mardi le débat, n'a pas dit si les modérateurs comptent intervenir en direct à propos d'éventuelles affirmations douteuses. En juin, CNN ne l'avait pas fait, mais son site internet reprenait les vérifications menées par PolitiFact au fil de la soirée.

Les courts articles qui démentent les contre-vérités des candidats «arrivent toujours plusieurs minutes après», fait toutefois remarquer à l'AFP Linda Qiu, fact-checkeur au New York Times. Son équipe travaille depuis des semaines à se préparer avec les éléments de langage des candidats.

Mais, même en retard, «en tant que journaliste, c'est un service public que d'informer le grand public sur la vérité derrière la rhétorique», insiste auprès de l'AFP Glenn Kessler, le responsable du fact-checking au Washington Post. Et de rappeler que «tous les candidats à la présidentielle mentent».

ATS