Silence assourdissant? Face à la tempête Trump, l'UE joue, pour l'heure, la prudence

ATS

10.1.2025 - 07:39

Confrontée à une avalanche de déclarations tonitruantes de la part du président américain élu Donald Trump avant même sa prise de fonction, l'Union européenne a choisi, pour le moment, la prudence. Elle risque cependant de donner l'impression d'un silence assourdissant.

Le milliardaire américain a menacé d'annexer le Groenland, un territoire sous la souveraineté du Danemark, pays de l'Union européenne et membre de l'OTAN.
Le milliardaire américain a menacé d'annexer le Groenland, un territoire sous la souveraineté du Danemark, pays de l'Union européenne et membre de l'OTAN.
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«Nous prenons tout cela très au sérieux, mais il y a de bonnes raisons de ne pas mettre de l'huile sur le feu», résumait jeudi un diplomate européen, à l'issue d'une réunion des ambassadeurs des 27, qui ont évoqué les propos du président américain élu.

Le milliardaire américain a menacé d'annexer le Groenland, un territoire sous la souveraineté du Danemark, pays de l'Union européenne et membre de l'OTAN.

Interrogée jeudi sur cette visée impérialiste, la cheffe de la diplomatie européenne a, certes, réaffirmé la nécessité de respecter la «souveraineté et l'intégrité territoriale» du Groenland, mais elle a aussi souligné qu'il était «bon» que le président élu Donald Trump s'intéresse à l'Arctique, reprenant les déclarations, très mesurées, des autorités danoises.

«Ne pas réagir à tout»

Plusieurs pays, dont la France et l'Allemagne, ont vivement réagi aux propos du futur président américain. Mais l'UE s'est montrée de son côté particulièrement discrète, se contentant de remarquer mercredi que cette annexion du Groenland était «très hypothétique». La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, est, quant à elle, restée muette.

Les raisons de s'alarmer ne manquent pas néanmoins. Elon Musk, l'homme le plus riche au monde, devenu proche conseiller du milliardaire américain, multiplie les menaces contre les démocraties européennes, dont l'Allemagne, à la veille d'élections cruciales. Mais là encore, Bruxelles a choisi de faire le gros dos, et de temporiser.

Il y a un consensus pour ne pas s'engager dans des combats inutiles, avant de savoir ce que Donald Trump fera vraiment une fois au pouvoir, expliqué à l'AFP un diplomate européen.

«Une des leçons du premier mandat du président Trump, c'est qu'il ne faut pas réagir à tout. Beaucoup de choses sont lancées avec comme seul objectif de lancer une discussion, qui, finalement, ne mène pas à grand-chose», a lancé le premier ministre belge Alexander De Croo.

«Par choix et par nécessité»

Cet attentisme agace néanmoins à Bruxelles et dans certaines capitales. «Il faut nous réveiller», a lancé mercredi le ministre français des affaires étrangères Jean-Noël Barrot, appelant la Commission européenne à «agir» face aux menaces représentées par X, le réseau social propriété d'Elon Musk.

«Chaque jour, Trump et Musk menacent les démocraties alliées des Etats-Unis [...] L'Europe doit se réveiller. Ou se résoudre au destin de paillasson», a lancé de son côté, sur X, l'eurodéputé français Raphaël Glucksmann.

L'UE a choisi la prudence «par choix et par nécessité», explique Vassilis Ntousas, du centre de réflexion German Marshall Fund. «Par choix, car la priorité de l'UE est clairement d'élaborer un agenda positif d'offres et de demandes pour s'aligner sur l'état d'esprit profondément transactionnel du président élu Trump».

Et «par nécessité, car l'UE n'est pas entièrement unie et donc manifestement pas préparée à un tel niveau d'imprévisibilité» de la part du futur président américain.

Ukraine

Le Groenland était pourtant l'occasion d'envoyer un «signal de mobilisation» des Européens, car «la seule position de force est à 27», juge de son côté Elvire Fabry, de l'institut Jacques Delors, particulièrement au moment où Donald Trump menace l'Europe de droits de douane.

«Cette stratégie consistant à attendre et voir ne peut pas être une stratégie durable sur le long terme», avertit de son côté Vassilis Ntousas.

Pourtant, l'Union européenne se montre d'autant plus prudente qu'elle attend avec anxiété ce que Donald Trump va décider sur l'Ukraine. Sans le soutien américain, que le milliardaire républicain a menacé d'interrompre, Kiev redoute une défaite sur le champ de bataille ou à la table de négociations et reste sceptique sur la capacité des Européens à la soutenir sans l'appui américain.

Le 20 janvier, il s'agira d'"un moment où nous devrons coopérer encore plus, compter encore plus les uns sur les autres et obtenir ensemble des résultats encore plus importants», a réaffirmé jeudi à Ramstein en Allemagne le président ukrainien Volodymyr Zelensky.