Barrages routiers La Cisjordanie paralysée: «C'est comme si on nous avait mis à l'isolement»

ATS

24.1.2025 - 07:46

«Dans une cage»: partout en Cisjordanie occupée, les mêmes récits décrivent les barrages routiers israéliens qui se multiplient et paralysent la circulation depuis le cessez-le-feu dans la bande de Gaza, l'autre territoire palestinien.

Des camionnettes de transport public attendent au point de contrôle israélien d'Atara sur la route 465 près de Ramallah, en Cisjordanie occupée, le 22 janvier 2025. Partout en Cisjordanie, les navetteurs constatent que leur trajet vers leur lieu de travail prend beaucoup plus de temps depuis le début du cessez-le-feu à Gaza.
Des camionnettes de transport public attendent au point de contrôle israélien d'Atara sur la route 465 près de Ramallah, en Cisjordanie occupée, le 22 janvier 2025. Partout en Cisjordanie, les navetteurs constatent que leur trajet vers leur lieu de travail prend beaucoup plus de temps depuis le début du cessez-le-feu à Gaza.
AFP

Keystone-SDA

Les groupes sur le réseau social WhatsApp partageant des informations sur la circulation en Cisjordanie sont en effervescence. Dans les messages, en face du nom des points de passage et des intersections, de plus en plus de ronds rouges. On ne passe pas.

«Cela a commencé dans la nuit de dimanche à lundi. On s'est réveillé en découvrant qu'il y avait des barrières métalliques sur les routes qui mènent à Jéricho, à Jérusalem et à Naplouse», raconte à l'AFP Bachar Basiel, prêtre du village de Taybeh, au nord-est de Ramallah.

«Le lundi soir, les gens revenaient de Ramallah» après leur travail «et ils sont restés dans leur voiture de 16h00 à 02h00», explique-t-il, précisant que chaque véhicule est fouillé par l'armée israélienne.

Inédit depuis 2005

Plusieurs habitants racontent avoir quitté leur travail plus tôt mardi et mercredi, en prévision de trajets cauchemardesques, durant lesquels, une fois engagés dans une file, ils ne peuvent plus faire demi-tour, sans visibilité sur ce qui les attend.

«Nous n'avions pas vécu une situation aussi difficile depuis la seconde Intifada», résume le père Basiel, en référence au soulèvement palestinien entre 2000 et 2005.

Du nord au sud, à intervalles réguliers, se répètent les mêmes goulets d'étranglement, où des dizaines de voitures, parfois des centaines, patientent pare-choc contre pare-choc.

Anas Ahmad s'est retrouvé coincé plus de cinq heures près de la ville universitaire de Birzeit, sur une route d'autant plus embouteillée que les chemins parallèles étaient fermés. «C'est une telle perte de temps», soupire ce policier.

La Cisjordanie est un territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967 et morcelé par la colonisation israélienne, considérée comme illégale par le droit international.

«898» barrières

Des barrages permanents la ponctuent, d'une part, entre elle et Israël et, d'autre part, à certaines grandes intersections, entre les différents gouvernorats ou à proximité des colonies israéliennes.

De nouveaux points de contrôle avaient déjà été installés au lendemain du 7 octobre 2023, jour de l'attaque du Hamas sur Israël. Mais la situation a empiré après le début d'une trêve, le 19 janvier, entre Israël et le mouvement islamiste dans la bande de Gaza.

«Le gouvernement israélien en fait payer le prix au peuple palestinien», assure M. Ahmad, qui y voit «un moyen de pression». Au moins 146 barrières ont été installées en Cisjordanie depuis le début de la guerre à Gaza, dont 17 en janvier 2025, selon la commission palestinienne pour la lutte contre le mur et les colonies, qui assure compter 898 de ces points de filtrage.

«Nous nous assurons que les terroristes ne s'enfuient pas, mais que les civils puissent aller et venir comme ils le souhaitent», a déclaré un porte-parole de l'armée israélienne, sans confirmer la multiplication des barrages.

«A l'isolement»

«On se sentait déjà en prison, mais là c'est comme si on nous avait mis à l'isolement», décrit un habitant des environs de Ramallah qui requiert l'anonymat par crainte des répercussions, avant d'expliquer qu'un déplacement qui lui prend habituellement vingt minutes lui a pris deux heures mercredi.

«Chaque village est isolé, ce sera quoi ensuite? Un poste de contrôle dans chaque rue? Devant chaque maison?» «C'est comme pour des lapins», poursuit-il, «le matin, ils peuvent sortir manger, faire des choses, et puis le soir, ils doivent rentrer dans une cage pour la nuit».

Notant que les barrages semblent «permanents», il pose à haute voix la question à laquelle beaucoup pensent: «Peut-être est-ce le début de l'annexion totale de la Cisjordanie?»

Soulignant également l'augmentation des restrictions de mouvement, l'ONG israélienne B'tselem a déclaré mardi que l'Etat hébreu ne faisait «que déplacer son attention de Gaza vers d'autres zones qu'il contrôle en Cisjordanie».

Plusieurs personnalités politiques israéliennes n'ont pas fait mystère de leur souhait d'annexion, notamment le ministre des finances d'extrême droite, Bezalel Smotrich.

«On ne se sent pas en sécurité et on ne peut pas vivre comme cela», renchérit le père Basiel, qui redoute chaque déplacement. «On ne sait pas exactement quel est le plan des Israéliens», tranche-t-il, «mais ils veulent que nous quittions le pays».