Brisé par ses addictionsPierre Palmade, le naufrage stupéfiant d'un humoriste
AFP
17.11.2024
L'humoriste Pierre Palmade, qui comparaît mercredi au tribunal correctionnel de Melun (Seine-et-Marne) pour blessures involontaires, est devenu un paria après le grave accident de voiture causé sous l'empire de drogues.
AFP
17.11.2024, 09:02
17.11.2024, 09:11
Marc Schaller
Le 10 février 2023, prenant le volant après trois jours à consommer des drogues sans dormir, le comédien, alors âgé de 54 ans, rentre dans une voiture roulant sur la voie opposée et fait trois blessés graves au sein d'une même famille.
Cet accident ultra-médiatisé, qui entraîne une cascade de révélations sur ses addictions (alcool, stupéfiants, chemsex), révèle la face sombre d'un humoriste populaire, bien qu'un peu passé de mode, qui mettait en scène depuis 30 ans sa lutte contre ses terreurs existentielles.
Le grand public découvre avec stupeur un artiste incapable de travailler depuis plusieurs années tant il est englué dans sa toxicomanie, enchaînant les décrochages de cures de désintoxication et criblé de dettes à hauteur de 250.000 euros.
Consommateur de cocaïne depuis ses 20 ans, Pierre Palmade était tombé deux ans auparavant dans les injections de 3-MMC, une drogue de synthèse encore plus dure et addictive qui booste le désir sexuel.
«Je ne suis plus son amie»
Après l'accident, ses proches gardent d'abord le silence. Son amie l'actrice Michèle Laroque, qui fut sa partenaire de scène, évoquera six mois après son «immense chagrin»: «Tout ce que j'avais à lui dire, je le lui ai dit, et je continuerai. Mais ça reste entre lui et moi». Muriel Robin a, elle, définitivement coupé les ponts: «Je ne suis plus son amie».
Avec son regard exorbité, sa silhouette dégingandée, Pierre Palmade avait conquis un large public, enchaînant les succès avec des spectacles comme «Ils s'aiment» (1996), «Ils se sont aimés» (2001), «J'ai jamais été aussi vieux» (2010), ses pièces de boulevard et des records d'audience à la télévision ("Le grand restaurant").
Burlesque, son humour cible d'abord l'homme ordinaire avec ses petits mensonges et ses mesquineries puis va, au fil des années, se centrer sur lui-même, fêtard angoissé.
«C'est mon exhibitionnisme intellectuel qui me pousse à monter sur scène. Mes peurs de mourir et mes rapports compliqués aux autres: ma mère, mes amours, ma sexualité», confiait-il à Paris Match en 2001.
Cette même année, alors qu'il est marié depuis six ans avec Véronique Sanson, il révèle sa bisexualité. «Je ne peux me réduire à l'homosexualité sous prétexte que je suis régulièrement attiré par des garçons».
Après son divorce en 2004, son orientation sexuelle nourrit de plus en plus ses spectacles. Il fera polémique en avouant sa «tristesse d'être homo».
Né le 23 mars 1968 à Bordeaux, d'une professeure d'anglais et d'un obstétricien, Pierre Palmade affirme avoir perdu «tous repères masculins à huit ans».
Son père, appelé pour un accouchement, meurt une nuit, sa voiture lancée contre un arbre. Sa mère refuse qu'il assiste aux obsèques, il en garde une impossibilité à faire son deuil.
C'est au milieu de femmes qu'il forme son sens de l'humour, versé dans l'autodérision. Il singe Jacqueline Maillan, fasciné par ses jeux de rupture et son outrance. A 19 ans, il arrête sa prépa HEC et part pour Paris.
Premières rencontres: l'humoriste Guy Bedos, qui interprète ses premiers sketchs, puis Sylvie Joly qui met en scène son premier one-man show, «Ma mère aime beaucoup ce que je fais». Le spectacle remporte un large succès.
La critique lui reconnaît un talent d'écriture qui ramasse en peu de mots l'absurdité du quotidien et de troublantes intonations communes à Muriel Robin, «son double».
En 2020, avec son spectacle «Assume, bordel !», il abordait toutes les thématiques du couple homo. «Avec cette pièce, j'espère me faire pardonner des gens qui m'ont mal compris.»
Dans une expertise psychiatrique réalisée dans le cadre de l'enquête sur l'accident de la route, l'expert estime que la consommation de drogues a eu raison du «comédien humoriste, travailleur acharné à jeun, intéressé par les femmes d'âge mûre» au profit du «+noceur+ débridé, vivant son homosexualité de façon affichée et toute-puissante».
«Progressivement, c'est ce deuxième visage qui a pris le dessus, dans une recherche toujours plus poussée d'hédonisme, au risque du reste de sa vie», analyse l'expert. Une vie désormais fracassée.