Viols de Mazan Les psys se penchent sur le mari, «chic type» le jour, «pervers manipulateur» la nuit

ATS

9.9.2024 - 11:57

Qui est Dominique Pelicot, ce septuagénaire accusé d'avoir drogué et fait violer son épouse par des hommes recrutés sur internet, pendant dix ans? Lundi, experts psychiatres et psychologues ont commencé à répondre à cette question, devant la cour criminelle de Vaucluse à Avignon.

La plupart des 32 accusés comparaissant libres (NDLR: 18 sont détenus, le 51e, en fuite, sera jugé par défaut) sont arrivés lundi avec un masque anti-Covid cachant leur visage, baissant la tête face aux nombreuses caméras des medias du monde entier.
La plupart des 32 accusés comparaissant libres (NDLR: 18 sont détenus, le 51e, en fuite, sera jugé par défaut) sont arrivés lundi avec un masque anti-Covid cachant leur visage, baissant la tête face aux nombreuses caméras des medias du monde entier.
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Après avoir écouté les victimes lors de la première semaine de ce procès prévu pour durer quatre mois, les cinq magistrats professionnels composant la cour vont désormais se tourner vers les 51 accusés, en commençant donc par le mari, décrit par un de ses coaccusés comme le «chef d'orchestre» de cette affaire hors norme.

Mais avant les experts, ce sont les avocats de la défense qui ont pris la parole les premiers lundi matin, demandant au président de la cour, Roger Arata, de «tout faire pour garantir la sérénité des débats».

Ils ont annoncé que des plaintes vont être déposées après des menaces, parfois physiques, reçues par certains accusés et des membres de leur famille, voire même leurs enfants. Des listes des 50 coaccusés de Dominique Pelicot, ainsi que parfois leurs photos, ont été diffusées ces derniers jours sur les réseaux sociaux avec des menaces, bafouant la présomption d'innocence.

Dr Jekyll et Mr Hyde

La plupart des 32 accusés comparaissant libres (NDLR: 18 sont détenus, le 51e, en fuite, sera jugé par défaut) sont arrivés lundi avec un masque anti-Covid cachant leur visage, baissant la tête face aux nombreuses caméras des medias du monde entier.

L'accusé principal, le mari, a lui a été dispensé d'audience lundi, en raison de douleurs intestinales. Il était apparu très diminué en entrant dans son box, s'appuyant sur sa canne et la vitre. Il ne devait pas prendre la parole.

Violeur la nuit mais grand-père «très attentionné» et «tant aimé» le jour, décrit comme un «chic type», «un super mec» par son épouse, juste avant que celle-ci apprenne l'horreur des faits, à l'automne 2020: cette personnalité «à double facette» de «pervers manipulateur» avait déjà été esquissée par un premier expert psychologue vendredi, quand celui-ci avait évoqué «Dr Jekyll» (et Mr Hyde).

«Le jour, on peut être cohérent et la nuit avoir un autre visage», avait expliqué Bruno Daunizeau, citant en comparaison l'affaire du violeur de la Sambre, Dino Scala, ce père de famille reconnu coupable de 54 agressions sexuelles et viols entre 1998 et 2018.

Première experte à s'exprimer lundi, la psychologue Marianne Douteau a souligné le caractère «colérique» de Dominique Pelicot, «inspirant la crainte», «le mensonge et le secret». Des traits semblables à ceux de son père, qu'il honnissait. Ses parents tenaient un hôtel-restaurant et lui avait travaillé notamment comme ouvrier dans le secteur nucléaire avant de se lancer dans l'immobilier, avec un succès mitigé.

«La sexualité de monsieur Pelicot apparaît comme calquée sur sa personnalité: elle est décrite comme ordinaire en public mais au sein de son couple il a une sexualité tenace, comme l'échangisme que refusait son épouse et qu'il compense par l'utilisation de sites de discussions pornographiques», a-t-elle poursuivi.

Personnalité «perverse»

«En 50 ans, je ne l'ai jamais vu avoir une phrase déplacée sur une femme ou des paroles obscènes», avait assuré jeudi Gisèle Pelicot, lors d'un bouleversant témoignage, en racontant ce «jeune homme séduisant, pull marin, cheveux longs» dont elle était «tombée amoureuse» à l'été 1971, formant avec lui «un couple fusionnel», sans «rapport de force». Ils sont désormais divorcés.

Ses petits-enfants l'adoraient: il les aidait dans leurs devoirs et les emmenait aux activités sportives. Avec ses voisins, Dominique Pelicot effectuaient régulièrement des sorties en vélo autour du mont Ventoux, proche de leur domicile, à Mazan (Vaucluse), où le couple avait déménagé en mars 2013 et où ont eu lieu la plupart des viols.

Mais personne ne se doutait que la nuit la plupart du temps, parfois dans la journée, il se transformait en violeur et en recruteur pour faire violer son épouse: 200 faits recensés par les enquêteurs, entre juillet 2011 et octobre 2020.

L'accusé ne souffre «d'aucune pathologie ou d'anomalie mentale» mais d'une «déviance sexuelle ou paraphilie de type voyeurisme», selon plusieurs examens psychiatriques réalisés lors de l'enquête. Il y était qualifié de «manipulateur», doté d'une personnalité «perverse», utilisant sa femme comme «appât».

Il serait tombé dans une «dynamique d'addiction sexuelle». Dominique Pelicot avait affirmé avoir accueilli avec «soulagement» son interpellation, à l'automne 2020, car il n'était «pas capable» de s'arrêter.

Mais sa parole est dorénavant mise en doute systématiquement par sa famille. Selon sa fille Caroline, il «délivre une partie de la vérité uniquement quand il est mis au pied du mur».

Si le programme prévisionnel de ce procès est respecté, Dominique Pelicot devrait livrer ses premières explications mardi après-midi.

ATS