Vers une suspension du procès? Procès des viols de Mazan: le principal accusé hospitalisé

AFP

10.9.2024

Dominique Pelicot - accusé d'avoir drogué et fait violer son épouse par des dizaines d'hommes recrutés sur internet- devait s'exprimer mardi pour la première fois à son procès dans le sud de la France mais a été hospitalisé, ce qui pourrait conduire à une suspension du procès.

«Madame Pelicot, comme ses enfants, ne souhaitent pas déposer hors sa présence», a déclaré mardi matin un de leurs avocats.
«Madame Pelicot, comme ses enfants, ne souhaitent pas déposer hors sa présence», a déclaré mardi matin un de leurs avocats.
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«Il est hospitalisé aujourd'hui même», a expliqué son avocate, Me Béatrice Zavarro, à la mi-journée de ce septième jour d'audience où son client devait être entendu pour la première fois, à Avignon (sud de la France), dans l'après-midi.

Face à cette annonce, le président de la cour, Roger Arata, a ordonné une expertise médico-légale de la santé de l'accusé et répété qu'il pourrait demander la suspension du procès, «le temps que son état s'améliore».

«Ça n'aurait aucun sens de continuer hors sa présence»

Dès l'ouverture de l'audience mardi, constatant la nouvelle absence de l'accusé, malade depuis lundi, le magistrat avait évoqué une interruption de ce procès hors norme pour plusieurs jours.

«Ça n'aurait aucun sens de continuer hors sa présence, parce qu'un procès criminel ne se tient pas hors la présence d'un accusé», a confirmé Me Zavarro.

Une position partagée par les parties civiles. «Madame Pelicot, comme ses enfants, ne souhaitent pas déposer hors sa présence», avait déclaré plus tôt mardi matin un de leurs avocats, Me Stéphane Babonneau, avant l'officialisation de cette hospitalisation. «Il y a une absolue nécessité que Monsieur Pelicot soit pris en charge médicalement et qu'il puisse assister aux débats», avait-il ajouté.

Lundi matin, Dominique Pelicot, 71 ans, était apparu très diminué en pénétrant dans son box, aidé de sa canne mais en s'appuyant aussi contre la vitre. Son avocate avait indiqué qu'il souffrait de douleurs intestinales.

Ces douleurs «pour lesquelles il n'a pas forcément reçu de soins sur les 48 heures du week-end» auraient débuté vendredi, a précisé Me Zavarro mardi, assurant que ce n'était pas une manoeuvre de la part de son client.

«J'ai entendu ce matin dans la salle d'audience des choses laissant entendre que manifestement son absence serait à dessein. Pas du tout ! Pour qu'on soit très clair, M. Pelicot ne s'est pas dérobé. M. Pelicot ne se dérobera pas. M. Pelicot sera là, il répondra à toutes les questions», a-t-elle insisté.

«Basse besogne»

Selon elle, aucun risque ne plane sur le procès: «l'amplitude d'agenda de quatre mois a été suffisamment large, j'espère, pour pouvoir caler un rattrapage éventuel des séquences qui n'auront pas eu lieu».

Accusé d'avoir drogué, violé et fait violer son épouse par des dizaines d'hommes recrutés sur internet, de juillet 2011 à octobre 2020, principalement à leur domicile de Mazan (sud du pays).  Dominique Pelicot n'a donc pas entendu mardi matin la déposition de Stéphan Gal, le second directeur d'enquête de ce dossier tentaculaire pour lequel il est jugé aux côtés de 50 autres hommes, âgés de 26 à 74 ans.

Une déposition au cours de laquelle l'enquêteur a confirmé les dires d'un collègue auditionné la semaine dernière: à la vue des milliers de photos et vidéos des faits méticuleusement enregistrées et classifiées par son désormais ex-mari, aucun des agresseurs «ne pouvait ignorer que Gisèle Pelicot était inconsciente».

«Certains sont revenus à plusieurs reprises d'ailleurs, et tous ne pouvaient pas ne pas être conscients qu'elle était dans un état d'inconscience profond, pour venir effectuer leur basse besogne», a-t-il estimé.

Evoquant l'interrogatoire d'un des accusés, Mathieu D., alias «Gaston», 62 ans, lors de l'enquête, le policier a expliqué que celui-ci «savait que Dominique Pelicot allait endormir sa femme»: «Mais il pensait que ça faisait partie d'un +jeu sexuel+. Il dit que cela lui avait été présenté +comme un scénario et qu'il avait foncé, naïvement, tête baissée+».

C'est la question principale de ce procès, où 35 des 51 accusés reconnaissent les actes sexuels mais contestent l'intention de violer, prétendant avoir été «manipulés» par M. Pelicot.

Plusieurs experts entendus lundi avaient évoqué le penchant du principal accusé «à considérer l'autre comme un objet qu'on peut manipuler».

Ce procès hors norme suscite toujours un intérêt énorme, comme en témoigne le nombre croissant de journalistes du monde entier présents à Avignon, mais aussi le public qui se masse désormais quotidiennement pour assister aux retransmissions des audiences dans une salle annexe.

Gisèle Pelicot avait dès l'ouverture du procès annoncé vouloir que les débats soient «publics» pour que son cas serve «d'exemple» pour d'autres victimes de soumission chimique.

Mardi, une cinquantaine de personnes ont pu entrer dans cette salle annexe où le débats sont retransmis sur trois écrans. Et une trentaine d'autres, des étudiants en droit ou des militantes féministes, attendaient qu'une place se libère.

Ce public, hommes, femmes de tous âges, restait silencieux, certains écarquillant les yeux ou se plaçant une main devant la bouche, lorsque l'enquêteur entendu dans la matinée décrivait sans éluder les détails les plus crus les faits qui se sont déroulés dans la chambre du couple Pelicot.