Voilà ma vengeance, pauvre c** Affaire Grégory : 40 ans après, la fascination reste intacte

AFP

15.10.2024

Un garçonnet tué, les menaces d'un mystérieux «corbeau», un suspect assassiné, un juge qui se suicide : 40 ans d'enquête chaotique ont laissé entier le mystère du meurtre en 1984 du «petit Grégory», qui continue à susciter intérêt et fascination en France, largement relayées par l'édition.

Il y a 40 ans, la mort du «petit Grégory» : pourquoi cette affaire fascine autant

Il y a 40 ans, la mort du «petit Grégory» : pourquoi cette affaire fascine autant

Le 16 octobre 1984, le corps de Grégory Villemin a été retrouvé, pieds et poings liés dans la Vologne, une rivière des Vosges. Depuis 40 ans, l'affaire du «petit Grégory» passionne la France.

14.10.2024

AFP

Le 16 octobre 1984, le corps de Grégory Villemin, 4 ans, est retrouvé noyé et ligoté dans la Vologne, une rivière des Vosges, dans le nord-est de la France.

«Un anéantissement total (...). Je me demande comment nous avons survécu», confesse son père, Jean-Marie Villemin, dans «Grégory» (éditions Les Arènes), un roman graphique sorti tout récemment, comme tant d'ouvrages consacrés à cette affaire tentaculaire.

«17.765 pièces de procédure, 42 tomes, sept magistrats instructeurs», résume pour l'AFP Philippe Astruc, procureur général à Dijon (nord-est), où l'enquête est encore instruite.

«Voilà ma vengeance - Pauvre con», revendique à l'époque une lettre anonyme adressée au père par un «corbeau» qui harcèle depuis plusieurs années la famille de Jean-Marie Villemin, 26 ans, et son épouse Christine, 24 ans. L'enquête s'oriente vers le «clan» Villemin.

Sous la pression de journalistes avides, dont l'un ira jusqu'à cacher un micro dans l'armoire d'un membre de la famille, Jean-Michel Lambert, juge d'instruction de 32 ans à l'allure d'étudiant en droit, veut briller pour son premier poste.

Et il fait vite: moins de trois semaines après la mort de Grégory, Bernard Laroche, un cousin du père, est inculpé. Le coupable semble découvert. A tel point que le père de Grégory en est persuadé et le tue, en mars 1985, alors que son cousin a été relâché quelques semaines plus tôt.

Peu avant cet assassinat, la belle-sœur de Bernard Laroche, Murielle Bolle, une adolescente de 15 ans un peu perdue, avait retiré ses déclarations accusant Laroche.

Les enquêteurs s'étaient d'ailleurs déjà tournés vers la mère, Christine. Inculpée le 5 juillet 1985, son procès aux assises est ordonné fin 1986. Mais la Cour d'appel de Dijon, à qui a été transférée l'enquête en 1987, après les erreurs de celle de Nancy, prononce en 1993 un non-lieu en sa faveur.

Une «justice lamentable»

«La justice a été complètement lamentable. Le juge d'instruction était incompétent», résume Thierry Moser, avocat historique de l'affaire, qui défend les époux Villemin depuis 39 ans. Le juge Jean-Michel Lambert ne peut répondre: il s'est donné la mort le 11 juillet 2017.

L'affaire a suscité tant d'intérêt en France, et continue tant de fasciner, que de nombreux curieux viennent depuis des décennies dans le village de Lépanges-sur-Vologne (Vosges) se rendre sur la tombe du «petit Grégory». De quoi susciter le «ras-le bol» chez les habitants de cette bourgade paisible de 850 âmes.

Aujourd'hui, l'enquête tente même de rebondir. En mars dernier, de nouvelles expertises ont été ordonnées : sur des ADN mais aussi sur la «fréquence vocale», sorte «d'ADN de la voix», des appels téléphoniques du corbeau.

Des livres, des séries, une chaîne YouTube et désormais des bandes dessinées relancent aussi l'intérêt de l'affaire. Le gendarme Etienne Sesmat a ressorti une version augmentée de son livre «Les Deux Affaires Grégory» (Presses de la Cité), dans lequel il estime «établi» que Bernard Laroche a bien enlevé et tué Grégory.

Une «famille normale»

Une docu-BD qui relate l'affaire chronologiquement, «Le Corbeau» (éditions Petit à petit), est sortie mercredi. Le roman graphique publié aux Arènes, avec Pat Perna au scénario et Christophe Gaultier au dessin, est quant à lui préfacé par Jean-Marie Villemin, pour qui le livre «honore la mémoire de Grégory».

Le récit se focalise sur le procès en 1993 pour l'assassinat de Bernard Laroche. Jean-Marie Villemin y fut condamné à cinq ans de prison, dont un avec sursis. Une peine alors déjà effectuée en détention préventive.

«Il y a les minutes du procès, les échanges à la barre, donc ça c'est fort. Et ça permet de faire des flashbacks sur les événements du bonheur d'avant, sur tout ce qui arrive dans la tête de Jean-Marie Villemin», explique à l'AFP Laurent Beccaria, patron de la maison d'édition.

Dans cette BD, «une des choses les plus saisissantes, c'est que ce couple ait résisté au tsunami» familial, médiatique, judiciaire, note M. Beccaria. Mari et femme se sont «reconstruits» loin des Vosges et sont des «parents et grands-parents heureux», dit-il: «une famille normale.»