Economie «Notre pays va s’effondrer» - L’Allemagne ne soigne pas ses maux

AFP

21.2.2024

Exportations en berne, prix élevés de l'énergie, transition climatique semée d'embûches : l'économie allemande ne trouve pas la sortie d'une crise multiforme, une «situation dramatique» qui risque de durer et menace la coalition au pouvoir.

La coalition au pouvoir d’Olaf Scholz est menacée.
La coalition au pouvoir d’Olaf Scholz est menacée.
IMAGO/Bernd Elmenthaler

AFP

La présentation, mercredi, de nouvelles prévisions du gouvernement va confirmer l'enlisement de la première économie européenne. Pour l'année en cours, Berlin a raboté son estimation de croissance du PIB à 0,2%, contre 1,3% prévu cet automne, selon des informations de presse.

Pire, l'Allemagne s'expose à un tunnel de croissance anémique pour les années à venir, autour de 0,5% en moyenne, si aucune mesure drastique n'est prise pour redresser la barre, selon ces sources.

Après une contraction de 0,3% du PIB l'an dernier, cette situation explosive provoque de vifs débats entre les partenaires de gouvernement d'Olaf Scholz.

«Tempête»

Cette crise est causée par une multitude de facteurs qui s'accumulent et jouent contre le secteur industriel allemand. Pilier de l'économie représentant environ 20% du PIB, il n'a même pas encore retrouvé ses niveaux de production d'avant la pandémie. C'est «une situation dramatique», a résumé récemment le ministre écologiste de l’Economie Robert Habeck devant des chefs d'entreprises.

L'industrie souffre depuis la guerre en Ukraine des coûts de l'énergie trop élevés avec la fin des livraisons de gaz russe, et des taux d'intérêts établis à un haut niveau par la BCE contre l'inflation, ce qui freine la demande et les investissements.

Le commerce international, plombé par une Chine au ralenti, ne permet pas de compenser la faible demande domestique ni de maintenir le haut niveau d'exportation qui fait la force de l'économie allemande.

A cela s'ajoute une transition climatique difficile pour de nombreuses branches, qui estiment qu'elles n'ont pas autant de subventions que leurs concurrents, notamment américains.

Une soixantaine de groupes industriels européens a publié lundi un appel aux dirigeants de l'UE demandant des mesures de soutien. Parmi eux, les géants allemands de la chimie BASF, Bayer et Covestro. Ce secteur a connu l'an dernier une chute de 8% de sa production et de 12% de ses revenus.

«Sans une politique industrielle ciblée, l'Europe risque de devenir dépendante pour certains produits de base. L'Europe ne peut pas se le permettre», déclarent les signataires.

L'industrie automobile, un autre pilier, souffre elle du ralentissement des ventes de véhicules d'électriques après l'arrêt d'aides publiques à l'achat, alors même qu'elle mobilise des milliards pour mener cette difficile transition.

«Minuit moins une»

«Il est minuit moins une. Ce qui se joue, ce n'est pas moins que la survie du +Mittelstand+ allemand», ont alerté, dans une lettre ouverte, dix-huit organisations représentant les PME, colonne vertébrale de l'économie allemande.

Mais les partis de la coalition au pouvoir, qui allie sociaux démocrates, écologistes, et libéraux se déchirent sur les réponses à apporter. Le chef de file des libéraux, le ministre des Finances Christian Lindner, mise sur les suppressions de taxes et allégements de la «bureaucratie». «Si on ne fait rien, notre pays va s’effondrer, et l'Allemagne va devenir plus pauvre», a-t-il prévenu.

Un texte promettant aux entreprises 7 milliards d'euros d'allègements fiscaux chaque année doit être adopté mercredi, après plusieurs mois de débats. Mais pour Robert Habeck, cela ne suffit pas. Il appelle à assouplir les règles budgétaires pour pouvoir investir dans les secteurs d'avenir.

Le «frein à l'endettement», inscrit dans la Constitution, limite le déficit public annuel à 0,35% du PIB. La suppression de ce totem du sérieux budgétaire allemand est une ligne rouge pour les libéraux.

Ces tensions internes mettent en péril l'avenir de la coalition, alors que les trois partis sont en chute libre dans les sondages avant des élections régionales cruciales à l'est du pays cette année.

Le secrétaire général du parti libéral-démocrate FDP, Bijan Djir-Sarai, a même ouvertement évoqué l'hypothèse d'une sortie de son parti de la coalition.

«Un changement économique est maintenant nécessaire (...) Et le point décisif est de savoir si cette coalition pourra amorcer un tel changement dans les prochaines semaines et mois», a-t-il dit dimanche au quotidien Bild.