Catherine Frot «Je me suis dit : pourvu qu'il ne faille pas être nue»

AFP

11.10.2024

De l'importance du pas de côté : Catherine Frot, l'un des visages les plus populaires du cinéma français, est à l'affiche de «Miséricorde» d'Alain Guiraudie, cinéaste pointu et transgressif qui dit signer son film «à la fois le plus tordu et le plus grand public».

Catherine Frot est l'un des visages les plus populaires du cinéma français.
Catherine Frot est l'un des visages les plus populaires du cinéma français.
IMAGO/Bestimage

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Parachutée dans ce thriller rural qui marie une nouvelle fois sexe, mort et désir masculin, «je ne me suis pas sentie étrangère», assure cependant l'actrice, dans une interview à l'AFP.

Catherine Frot, 67 ans et deux César pour «Un air de famille» (1997) et «Marguerite» (2016), près de 100 films au compteur, s'est même délectée de jouer le rôle d'une femme insaisissable, qui vient de perdre son mari mais dont le désir affleure.

Quelle est votre première réaction quand un réalisateur aussi confidentiel et transgressif qu'Alain Guiraudie vous contacte ?

«Je connaissais son univers, donc je me suis dit : pourvu qu'il ne faille pas être nue ! Parce que je n'aurais pas pu... Il y en a qui peuvent, qui savent le faire, moi, je ne sais pas.J'ai tout de suite trouvé qu'il y avait une atmosphère. J'ai trouvé que c'était très réussi, le côté thriller dans une atmosphère vide, avec des gens un peu vides. C'était beau.»

Vous jouez vous-même Martine, un personnage mystérieux...

«Il y a beaucoup de mystère dans le film, tout est un peu secret, il y a beaucoup de silence et on ne sait pas ce que les gens pensent. Martine, on ne sait pas ce qu'elle ressent mais, pourtant, ça lui donne une profondeur, on imagine des choses. On s'est dit qu'on allait explorer un personnage qui est à la fois dans le désir et qui est toute nouvelle veuve, dans la mort. Ça renvoie à sa solitude, à son désarroi, à son sentiment d'inutilité dans l'existence et du coup, là, je l'ai trouvée marrante ! Et en même temps, c'est une histoire tragique.»

C'est un changement de ton radical pour vous ?

«Je ne me suis pas sentie étrangère, curieusement. Le ton du film, l'ambiance d'Alain Guiraudie, j'y suis étrangère. Mais je fais partie, quand même, d'un mouvement choral où je ne suis pas le personnage principal. (...). Dans le métier d'acteur, on peut s'ennuyer vite, on revient toujours vous chercher pour les même choses. C'est un drôle de métier, en pointillé, même quand on a la chance, comme moi, de travailler régulièrement. J'ai besoin de me surprendre pour surprendre le public, mais je sais qu'il y a des choses vers lesquelles il faut que je revienne quand même : la comédie d'un côté, mais finalement pas seulement, et le théâtre.»

Vous continuez de jouer tous les soirs, jusqu'à la fin de l'année, dans «Lorsque l'enfant paraît», au théâtre à Paris...

«Vraiment, je me régale, c'est incroyable ! J'ai une partition à jouer fantastique. L'échange avec le public, ça me donne du grain à moudre et c'est vraiment jouissif, génial !»

Beaucoup d'actrices ont du mal à se voir proposer des rôles passé un certain âge, pas vous ?

«Pour l'instant, ça tient le choc ! Ça va peut-être se calmer avec le temps mais, pour l'instant, il y a de bonnes choses à faire. Être présente dans ce film-là, je ne m'y attendais pas, je ne pensais pas que je verrai cette porte là s'ouvrir. Je suis contente. Je n'ai jamais eu tellement encore le sentiment de ralentissement. Par contre, de faire des choix un peu différents. Il m'arrive de devenir difficile. Je reçois des choses très régulièrement et j'ai moins envie de certaines choses qu'avant.»

On vous a beaucoup vu dans des rôles de femme bourgeoise, coincée...

«Je pense que ça vient de ma grand-mère et de mes tantes. Il y a un petit côté petite bourgeoisie chez moi dans l'enfance, qui a donné des figures féminines marquantes. Et que j'aime jouer, imiter. Je pense que ça vient de ça.»