Les skieurs alpins suisses se sont exprimés sur le retour à la compétition de Lucas Braathen et de Marcel Hirscher. S’ils voient tous d’un bon œil ce double «come-back» pour l’intérêt de leur sport, les privilèges accordés à la légende autrichienne, devenue hollandaise, posent problème.
Alors que l’hiver arrive à grands pas, la nouvelle saison de ski alpin, qui débute fin octobre avec les traditionnels géants de Sölden, marque le retour à la compétition de deux figures de la technique : l’Autrichien Marcel Hirscher et le Norvégien Lucas Braathen, qui défendront désormais les couleurs des Pays-Bas et du Brésil, pays d’origine de leur mère respective.
Avec l’octuple lauréat du gros Globe de cristal (entre 2012 et 2019) et le vainqueur du classement du slalom 2023 dans le portillon de départ, ce sont deux sérieux prétendants au podium qui reviennent sur le devant de la scène. Une aubaine pour le ski alpin. «Cela amène une certaine histoire autour du ski», a ainsi reconnu Loïc Meillard mardi devant la presse à Dübendorf.
Marco Odermatt n'en a pas pensé moins : «Pour le sport, pour le ski, c’est évidemment une très bonne nouvelle. C’est une belle histoire pour les fans et les médias». «En tant que fan de ski, je trouve cela génial. Ça met un peu de piment et ça donne un certain intérêt», a ajouté Daniel Yule. «Je m’en réjouis. En tout cas, ça fait parler d’eux et du ski. Ce n’est qu'un bonus pour notre sport», a également surenchéri Ramon Zenhäusern.
Les stars helvétiques du Cirque blanc sont unanimes : ce double «come-back» va donner un coup de projecteurs sur leur sport. «Pour l'aspect marketing, c'est intéressant. Même pour moi, je trouve super que Marcel revienne parce que ça va donner un boom. Tout le monde va vouloir le regarder la télé et voir où il en est», a estimé Justin Murisier.
«Braathen c'est un phénomène et un garçon particulier avec une personnalité forte», a expliqué pour sa part Marc Rochat, qui ose la comparaison avec Alberto Tomba. Avant d’ajouter : «D’un point de vue médiatique, c'est une bonne chose pour nous tous. Je vais faire en sorte de ne pas me faire battre par un Hollandais ni par un Brésilien...»
Une invitation «pas fair-play pour les autres»
Mais si la sortie de retraite de Braathen, qui avait dit stop à la surprise générale à l’aube de l’exercice 2023/2024, en réjouit plus d’un, celle de Hirscher fait grincer des dents sur un sujet. Alors que le technicien de 24 ans bénéfice encore d'un classement FIS suffisant pour s’élancer parmi les meilleurs, la légende de 35 ans, qui n’a plus dévalé une piste en compétition depuis 5 ans, aurait dû, elle, se présenter dans le portillon de départ avec un dossard beaucoup plus élevé.
Mais le nouveau système de «wild card», mis en place par la Fédération internationale de ski (FIS) et octroyé aux athlètes ayant remporté un Globe ou une médaille d’or olympique ou mondiale, permettra ainsi à Hirscher de figurer au 31e rang de la liste de départ à Sölden et, sans doute, pour le reste de la saison. «Je peux donc faire une pause et revenir skier à Adelboden et à Wengen à l’âge de 40 ans ? Si Swiss-Ski me le permet, alors oui, avec plaisir», a ainsi ironisé Odermatt.
«Ce n’est pas du tout dans l'esprit du ski, du moins pas dans mon esprit du ski», a pesté de son côté Yule. «Ils (ndlr : la FIS) disent que c'est pour tous les athlètes, mais il ne faut pas se mentir... Si cette ‘wild card’ est apparue cette année, ce n'est sûrement pas un hasard.»
Même son de cloche chez ses coéquipiers du slalom. «Cela va quand même l’aider, parce que sur certaines courses, avec le dossard 50, tu n’as plus aucune chance. Alors avec le 31...», a avancé Luca Aerni. «Ça m'embête tout de même un petit peu. C’était son choix d'arrêter il y a 5 ans. Maintenant, il revient et il peut partir avec le 31. Je trouve que ce n’est pas vraiment fair-play pour les autres.»
«Pour son petit plaisir, on lui donne le dossard 31. Ce n’est pas correct»
à propos de la «wild card» de Marcel Hirscher
Au-delà de pouvoir profiter de meilleures conditions de piste, c’est surtout la question d’équité et de traitement de faveur qui dérangent. «J’adore Marcel, mais ce n’est pas correct pour les athlètes blessés ou qui reviennent de blessure et pour les jeunes qui se battent depuis longtemps pour gagner leur vie et avoir un jour une carrière», a ainsi argumenté Murisier.
«Il le dit lui-même : il revient pour le plaisir. Et pour son petit plaisir, on lui donne le numéro 31. Ce n’est pas correct vis-à-vis de tous ces athlètes qui veulent gagner leur vie. Lui, il a assez d’argent, il a déjà tous les avantages d'avoir une firme derrière lui. S'il a envie de revenir, oui, mais il faudrait le faire revenir comme n’importe quel athlète», a poursuivi le Bagnard de 32 ans.
Pour Marc Rochat, son «cœur balance un peu» dans cette controverse. «C’est compliqué d'une part et d'autre. Évidemment, c'est une très bonne chose pour le monde du ski qu'un Marcel Hirscher soit rapidement sur les avant-postes pour que le monde entier puisse le voir à la télévision», a assuré le Vaudois. «Mais c'est assurément un statut qui est un peu injuste face aux garçons qui se battent corps et âme pour pouvoir décrocher une place dans les 30 meilleurs mondiaux. Je pense qu'on aura encore quelques polémiques qui vont suivre...»
À l'heure actuelle, difficile en effet d'imaginer le ski alpin et sa fédération traverser leur hiver sans quelques critiques. Affaire à suivre.