Tao Geoghegan Hart, jeune Londonien branché aux ascendances écossaises et irlandaises, est devenu dimanche le deuxième Britannique au palmarès du Giro, deux ans après son aîné Chris Froome.
Tao - à prononcer Tayo, qui veut dire «silence» en gaélique - s'inscrit à merveille dans le croisement des influences de Londres, la métropole branchée, même s'il est établi depuis plusieurs années à Gerone, en Catalogne.
Par sa dégaine, sa couleur de cheveux qui tire sur le roux, son aisance et son sens de la répartie, bien plus que par son profil technique, il se rapproche d'un autre Londonien, Bradley Wiggins, premier Anglais vainqueur du Tour de France en 2012.
Par son penchant pour les modes du moment aussi: passionné de café, il voyage avec son percolateur personnel et disserte à l'infini, sur son site internet, sur la nature des grains et des filtres utilisés.
A 25 ans, Geoghegan Hart incarne à merveille le cyclisme «tendance» du monde anglophone, intéressé par la compétition et les nouvelles formes de business qui l'accompagnent.
Aîné d'une fratrie de cinq enfants, le vainqueur du Giro 2020 a grandi à Hackney, un quartier situé à l'est de la capitale. Son père, un maçon aux origines mi-irlandaises mi-écossaises, travaille d'arrache pied. Lui touche à différents sports, le football évidemment, la natation aussi. A 13 ans, il est le plus jeune élément d'un relais qui a traversé la Manche à la nage.
Mais il choisit le cyclisme, un sport qui permet dans les jeunes catégories de ne pas dépendre des autres, au sein du Hackney Cycling Club Keir Apperley, son premier club.
Têtu et perfectionniste
Son caractère, têtu, perfectionniste, est remarqué. «Nous nous sommes occupés de lui quand il était junior en lui fournissant des vélos, mais aussi pour un job le samedi dans le magasin pendant l'hiver, pour qu'il ait un peu d'argent», a raconté au Guardian Greg Needham, du fabricant de cycles Condor. «On savait qu'il avait quelque chose: il était super motivé et concentré».
Geoghegan Hart, dont le patronyme s'explique par son ascendance irlandaise, tâte de la piste comme tout bon espoir britannique. Il préfère cependant la route, quitte à s'éloigner momentanément de la filière grande ouverte devant lui après des premiers résultats prometteurs (médaillé d'argent aux championnats d'Europe juniors).
C'est dans l'équipe d'Axel Merckx, grand éleveur de talents, qu'il entre en 2014 dans la catégorie espoirs. Deux ans plus tard, il passe stagiaire chez Sky et intègre complètement l'équipe de Dave Brailsford en 2017. Dans un rôle d'appoint pour commencer, mais il se fait vite remarquer.
En 2018, il contribue grandement à la victoire du Gallois Geraint Thomas dans le Dauphiné. Il participe la même année à son premier grand tour, la Vuelta, découvre le Giro l'année suivante (clavicule fracturée et abandon 13e étape), quelques jours après avoir gagné deux étapes au Tour des Alpes, et revient en 2020 avec ardeur sur le Tour d'Italie.
«J'ai vraiment aimé le Giro», disait-il en début d'année à la lumière de l'édition 2019 gagnée par l'Equatorien Richard Carapaz. «Il y a beaucoup plus d'opportunités qu'au Tour de France», ajoutait-il. L'histoire lui a donné raison.
Tao Geoghegan Hart
- «Incroyable! Au départ, je n'aurais jamais imaginé gagner ce Giro, même en rêve. J'espérais peut-être être top 10 ou top 5 d'une course comme le Giro. Je vais mettre du temps à réaliser. Ce n'est que dans les derniers kilomètres que j'ai compris que j'avais de l'avance, quand on m'a dit de ne surtout pas prendre de risques. Après la ligne, la première chose que j'ai faite est de chercher ma fiancée. Je n'ai pas vu souvent ma famille, elle me manque. Je vais rester la même personne, le même coureur. Avec le souci de bien faire mon travail. Je sais que c'est un grand privilège d'être coureur cycliste, d'avoir cette vie.»