Coach personnel de Lea Sprunger et Ajla Del Ponte, Laurent Meuwly attend impatiemment de pouvoir retrouver ses protégées et de lancer véritablement une saison estivale tronquée.
«Nous sommes amenés à nous réinventer», souligne le Fribourgeois. «Il n'y aura pas de meetings tels qu'on les connaît en 2020», assure-t-il.
«Lea et Ajla commencent à trouver le temps long», glisse le chef sprint/haies/relais de la Fédération néerlandaise, qui est resté confiné aux Pays-Bas depuis que la crise du coronavirus a éclaté alors que Lea Sprunger et Ajla Del Ponte sont rentrées en Suisse depuis près de deux mois. «L'effet de groupe leur manque», juge-t-il.
Une nouvelle dynamique
L'ancien décathlonien a pu s'en rendre compte le 30 avril, date à laquelle les sportifs bataves ont pu reprendre le chemin de l'entraînement. «Nous nous entraînons par groupes de deux athlètes. Mais le simple fait de se revoir, d'échanger quelques mots quand nous nous croisons, amène une nouvelle dynamique», souligne-t-il.
«Lea et Ajla sont restées chacune de leur côté. Ajla s'est beaucoup entraînée physiquement avec son frère Karim, hockeyeur aux Ticino Rockets. Lea a pour sa part une salle de musculation à la maison», explique Laurent Meuwly. «Nous avons pu prendre plus de temps pour travailler certains aspects que l'on néglige en temps normal.»
Et les gros efforts fournis notamment dans le travail de force sont payants. «Les tests que j'ai pu mener depuis que j'ai retrouvé mes athlètes néerlandais montrent que le niveau est équivalent à celui qu'on avait à pareille époque l'an dernier», assure l'ancien patron des relais 4x100 m chez Swiss Athletics.
Un planning qui change peu
«Lea et Ajla sont également en forme», poursuit-il, même si la Vaudoise ressent actuellement quelques douleurs à un tendon. «A part simuler un virage suivi d'une ligne droite, on peut presque tout faire sur des routes ou des chemins. Un sprint effectué sur un terrain plat et dur n'est pas si éloigné de ce que l'on produit sur une piste. Ajla a par ailleurs pu faire quelques sprints sur les tartans que l'on trouve près des écoles au Tessin», précise-t-il.
Bien sûr, il manque chez Lea Sprunger tout le travail technique. L'assouplissement des mesures en vigueur dès ce lundi en Suisse permettra à la Vaudoise de retrouver une certaine normalité dans sa préparation. «Il est prévu que Lea fasse des séances de haies à Lausanne, avec Peter Haas», ancien spécialiste du 400 m haies et ex-chef technique de Swiss Athletics, explique Laurent Meuwly.
Mais ce retour programmé sur la piste ne change pour l'heure pas foncièrement la donne pour la Vaudoise, championne d'Europe du 400 m haies, et pour la Tessinoise, 4e des Mondiaux 2019 au sein du relais 4x100 m helvétique. «Leur planning hebdomadaire reste à peu près le même, mais les exercices de vitesse peuvent désormais être effectués sur la piste», souligne Laurent Meuwly.
«L'une des variantes, c'est de faire en sorte qu'elles puissent me rejoindre le plus rapidement possible aux Pays-Bas», enchaîne le technicien fribourgeois, qui doit pour l'heure garder patience en attendant que les frontières ne se rouvrent. Et qui fait évidemment face à de nombreuses inconnues alors que le déconfinement démarre à peine dans les deux pays.
Laurent Meuwly, qui estime que ses deux protégées seront compétitives à leur meilleur niveau en juillet, ne se fait toutefois guère d'illusions concernant l'élaboration d'un calendrier international. «Cette saison, il n'y aura pas de meetings tels qu'on les connaît avec des athlètes venus de toute la planète et des milliers de spectateurs. Même pas en Chine en octobre», assure-t-il.
Des meetings non officiels
Comme pour cette première phase de préparation perturbée par la pandémie, il s'agira donc de faire preuve d'innovation. «Nous allons mettre sur pied nos propres compétitions aux Pays-Bas, dès le mois de juin. Les premières ne seront peut-être pas officielles», lâche Laurent Meuwly, qui devra pour cela n'utiliser qu'un couloir sur deux afin de respecter les mesures de distanciation.
«L'objectif, c'est de pouvoir organiser aux Pays-Bas des meetings à huis-clos avec des athlètes internationaux dès septembre», poursuit le Fribourgeois, qui ne craint pas une saison blanche: «Nous sommes amenés à nous réinventer. Il faudra de la créativité et de la bonne volonté, mais nous devons pouvoir proposer une forme de compétition aux athlètes.»
Peut-on imaginer voir Lea Sprunger et Ajla Del Ponte s'exiler définitivement aux Pays-Bas pour cette saison estivale? «C'est évident qu'elles courront en Suisse si l'occasion se présente. Elles auront un calendrier individualisé, comme toujours, et feront des allers-retours entre les deux pays», glisse Laurent Meuwly, qui attend que Swiss Athletics élabore un calendrier helvétique.
«J'attends des propositions concrètes. J'ai rapidement pris l'initiative de contacter Swiss Athletics pour savoir ce qui serait prévu pour les athlètes. Il sera ainsi probablement possible d'organiser des championnats de Suisse en septembre, peut-être sur trois jours, avec des athlètes accrédités seulement pour les journées durant lesquelles ils seront en lice», propose-t-il.
Pour lui, «il est primordial de donner des perspectives aux athlètes», privés en 2020 de Mondiaux en salle, de championnats d'Europe en plein air, de JO, d'Athletissima et du Weltklasse. «Pour des athlètes expérimentés, ce n'est pas un problème. Mais la situation que vivrait par exemple un lanceur de disque qui n'aurait pas de vrai concours entre septembre 2019 et avril 2021 serait catastrophique.»