Justine Mettraux est toujours en course pour boucler son premier Vendée Globe dans le top 10. Une belle performance pour la navigatrice genevoise, qui ne s'attendait pas à être aussi proche des bateaux les plus performants de la flotte.
«Justine la machine», comme certains la surnomment dans le milieu de la voile, est en train de réussir un véritable tour de force. En pleine remontée de l'Atlantique, elle fait toujours partie du groupe de poursuivants dans lequel figurent presque uniquement des monocoques de dernière génération.
«C'est chouette d'être au contact des Jérémie Beyou ou Thomas Ruyant, dont les bateaux ont un potentiel supérieur au mien, même si la météo m'a beaucoup aidée», raconte Justine Mettraux lors d'un entretien téléphonique accordé lundi à Keystone-ATS, alors qu'elle se trouvait au large des côtes brésiliennes.
Certes, son bateau ne fait pas partie des antiquités de la flotte – Oliver Heer, le troisième Suisse engagé dans ce Vendée Globe avec Alan Roura, navigue sur un IMOCA mis à l'eau en 2007 –, mais Justine Mettraux a tout de même du mérite. Le sien date de 2018 et a déjà un Vendée Globe dans les foils avec Jérémie Beyou, 13e en 2020-21. Et hormis le Britannique Sam Goodchild (2019), tous les skippers du top 10 voguent sur des bateaux dernier cri.
Le bon train
Cela n'a pas empêché la Suissesse de revenir à hauteur de ce groupe alors qu'elle comptait plus de 700 milles de retard sur Paul Meilhat aux abords du Cap de Bonne-Espérance. Avec la Française Clarisse Crémer, la Britannique Samantha Davies et l'Allemand Boris Herrmann, elle est parvenue à réduire l'écart dans l'Indien. Puis, à l'entrée du Pacifique, elle a recollé, laissant ses deux concurrentes dans le rétroviseur.
«Il y a eu un front qu'il ne fallait pas rater et avec lequel j'ai réussi à avancer alors que les conditions étaient très dures. Cela m'a permis de rester dans le coup, au contraire de Clarisse et Samantha qui ont raté le train de peu», explique Justine Mettraux. «Ensuite j'ai eu une météo un peu plus favorable que le groupe qui était devant moi. Cela m'a permis naturellement de revenir mais ce n'est pas parce que j'ai fait quelque chose de spécial. J'ai pu suivre une route rectiligne alors qu'eux ont dû tirer des bords», poursuit-elle avec modestie.
Après avoir brièvement grimpé à la 8e place provisoire, la Genevoise de 38 ans a retrouvé le 10e rang au pointage de 11h00 mercredi, à 2’352 milles du leader Charlie Dalin, qui semble se diriger vers une victoire qui lui avait échappé pour 2h31' en 2021.
La route du nord
Dans sa remontée vers les Sables-d'Olonne, Justine Mettraux a opté pour une route proche des côtes du Brésil. «Elle nous permet d'aller toucher l'alizé sud-est qui souffle au nord de Rio. Pour tous les bateaux qui avaient un peu de retard, ce n'était plus possible de passer par l'est car les vents ne nous permettaient plus de prendre une route assez efficace. Du coup, cette option nord nous donne temporairement l'avantage, mais on fera les comptes dans quelques jours», détaille la skippeuse, qui apprécie ces quelques jours de navigation au soleil, dans la mer bleutée des tropiques.
Avant de retrouver les alizés, la navigatrice basée à Lorient a toutefois dû passer par une zone de faible vent, dans laquelle la voile avant qu'elle a perdue fin novembre – un J0 qui s'est déchiré – aurait pu s'avérer utile. «Je savais que cette voile ne me manquerait pas trop dans les mers du sud car elle est trop grande pour être efficace dans les zones très ventées. C'est un peu plus pénalisant maintenant», regrette-t-elle.
A 80% du parcours, Justine Mettraux est déjà satisfaite de sa course, même si elle rappelle que l'objectif principal est de revenir à bon port. «Les bateaux commencent à fatiguer et on n'est jamais à l'abri d'un souci quelconque. Je vais essayer de tout garder en un seul morceau et de continuer à tirer mon épingle du jeu», dit la première femme du classement provisoire.
A deux semaines du but
La Genevoise parviendra-t-elle aussi à profiter de ce sprint final ? «Des fois, les conditions sont dures et c'est difficile de prendre du plaisir. Il y a clairement eu des jours où ce n'était pas le cas, typiquement dans le Pacifique quand les conditions étaient fortes. Lorsque la météo est compliquée, il y a toujours de l'incertitude et on ne sait pas si on fait les bons choix», confie-t-elle.
Cette première expérience autour du monde, Justine Mettraux la juge malgré tout «positive». «Globalement, je peux être contente de ce que j'ai fait et je vais essayer de continuer de naviguer comme cela jusqu'à mon arrivée aux Sables.» Une arrivée que les organisateurs estiment entre le 22 et 24 janvier.