Un père en prison quand il était bébé, un placement chez sa tante: Fred Kerley a surmonté bien des obstacles dans son enfance avant d'atteindre son rêve américain, en devenant Champion du monde du 100 m sur ses terres à Eugene.
Comme de nombreux autres athlètes, le Texan de 27 ans, a la peau constellée de tatouages. Mais l'un d'entre eux, «Meme», a sans doute plus de valeur que d'autres, c'est le surnom de sa tante Virginia, aujourd'hui âgée de 66 ans, qu'il a fait graver sur son bras «pour qu'elle soit toujours avec moi».
Kerley n'avait que 2 ans, quand il est allé vivre chez elle avec ses quatre frères et soeurs, alors que son père était en prison.
«Je pense à elle tous les jours, parce que sans elle, je ne serais pas en train de vous parler maintenant, a-t-il déclaré après son titre. Elle a sacrifié sa vie pour moi, mes frères, mes soeurs et mes cousins. On a tous été adoptés par notre tante, on était 13. On avait une chambre, on dormait tous les treize dedans. Et il y avait 26 enfants à la maison.»
«C'est incroyable de réussir quelque chose que peu de gens dans ma position ont réussi. Je la remercie de m'avoir donné les moyens de réussir ma vie. Elle est sûrement en train de faire exploser mon téléphone pendant qu'on parle. Ils sont tous à San Antonio à la maison», a-t-il ajouté.
Polyvalence
«Aujourd'hui je parle à mes parents chaque jour, du passé et du présent. Je suis un adulte et maintenant je peux avoir une relation avec eux. Ils n'étaient pas là ce soir (samedi) mais je peux vous garantir qu'ils ont regardé», a-t-il poursuivi.
Son parcours sportif ne tient pas davantage de la ligne droite. Au lycée, il brille au football américain et au basket, mais une fracture d'une clavicule le pousse définitivement sur la piste.
Avec la fac Texas A&M, il fait déjà parler sa polyvalence. Chose rare à ce niveau, le nouvel homme le plus rapide du monde est en effet à la base un spécialiste du 400 m, à qui il doit sa puissance et le maintien de sa vitesse maximale qui lui ont permis de revenir samedi pour coiffer sur le fil ses compatriotes Marvin Bracy et Trayvon Bromell.
C'est sur le tour de piste qu'il a décroché ses premières médailles mondiales: l'argent en 2017 puis l'or deux ans plus tard avec le relais 4 x 400 m et le bronze en individuel aux Mondiaux-2019 de Doha.
Le costaud de 27 ans, a définitivement réussi sa transition sur les distances courtes après l'argent olympique du 100 m l'été dernier à Tokyo, même s'il assure ne pas avoir abandonné le tour de piste.
«Accomplir de grandes choses»
«J'ai fait quelque chose que peu de coureurs de 400 m ont fait. Je faisais du 100 m, du 200 m et du saut en longueur au lycée. Je reviens à mes amours de jeunesse», s'amuse Kerley, qui rêve de records du monde du 100 au 400 m en passant par le 200 m, qu'il disputera dès lundi à Eugene.
Membre également du relais 4 x 100 m, il peut réaliser un carton plein dans la Mecque de l'athlétisme US. «Il est de la trempe des tout meilleurs comme les Bolt et Van Niekerk», a d'ailleurs salué son compatriote Marvin Bracy.
«L'avenir s'annonce radieux pour moi, estime d'ailleurs Kerley. Ce qui me motive, en venant d'où je viens, c'est de continuer à accomplir de grandes choses parce que vous ne voulez pas vous retrouver dans la même situation difficile que celle dans laquelle vous étiez plus jeune.»