FranceProcès du double infanticide: «Je me déteste tous les jours»
AFP
11.12.2024
«Je me déteste tous les jours». Ingride Jesus Van Der Kellen, jugée pour avoir tué ses deux jeunes enfants, reste très fragile psychologiquement et n'a pas vraiment su expliquer son geste, mercredi devant les assises à Nancy.
AFP
11.12.2024, 20:45
Marc Schaller
«J'avais qu'une idée en tête, me suicider», déclare cette femme de 37 ans titulaire d'un doctorat en sciences, après avoir démarré son récit de ce 15 février 2022.
Le matin, elle s'est disputée violemment avec son conjoint qui voulait la quitter et emmener les enfants, lui mettant même un coup de marteau. Un épisode dont elle ne se souvient pas. «Le trou noir».
«Quand j'ai compris ce que j'avais fait, c'était trop tard»
Ensuite, elle ira chercher ses enfants de deux ans et demi et neuf mois à la crèche à la mi-journée et les étranglera dans sa voiture.
Son témoignage est entrecoupé de sanglots et de longs silences. Elle donne cependant très peu d'éléments sur la manière dont elle a procédé. «Je suis désolée de ne pas pouvoir apporter plus de réponses. Je ne me souviens pas».
Elle ajoute qu'elle aimerait comprendre, qu'elle est rongée par les remords. «J'aimerais me suicider, c'est tout». «Quand j'ai compris ce que j'avais fait, c'était trop tard. C'était trop tard... Je suis vraiment désolée de ce que j'ai fait. Je me déteste tous les jours».
«Rien ne justifie ce que j'ai fait ! J'ai toujours aimé mes enfants plus que tout au monde. Je n'ai pas compris pourquoi j'ai fait ça», poursuit-elle, tentant parfois maladroitement de rejeter une partie de la faute sur son ancien compagnon, qu'elle soupçonnait de l'avoir trompée. Ce qu'il a formellement nié la veille.
«Début d'explication»
«J'aurais dû me séparer, c'est tout. Avec le recul, je sais, mais j'étais prise dans une parano...»
Ingride Jesus Van Der Kellen, qui encourt la perpétuité, relate aussi le rendez-vous chez le psychiatre qu'elle n'avait pas réussi à avoir assez rapidement. Elle ne prenait pas les anti-dépresseurs qui lui avaient été prescrits car elle allaitait son bébé. «Tous ces gens auraient dû m'interner parce que je n'allais pas bien».
L'avocat général insiste : elle ne voulait pas abandonner ses enfants, «mais les seuls qui sont morts, ce sont eux». Elle éclate en sanglots, son avocate demande une suspension de 10 minutes.
À la reprise, l'avocat général lit une lettre de pardon envoyée par l'accusée à son ex-compagnon. Puis l'avocate de la défense demande une nouvelle suspension: l'état de sa cliente ne permet pas de continuer. Des soignants viennent lui redonner un traitement.
«Madame Van Der Kellen était en pleurs, il ne m'a pas été possible de parler avec elle», a déclaré à l'issue de l'audience son avocate, Me Sahra Amm. «Les infirmiers présents à ses côtés lui ont administré du Tertian pour la calmer. Elle était effondrée. J'espère qu’elle tiendra jusqu'à vendredi mais je n'ai aucune certitudes là-dessus.»
L'accusée «est venue à l'audience surtout pour la famille des victimes. Elle ne m'a pas mandatée pour faire baisser sa peine mais j'ai à cœur qu'elle puisse être entendue et de donner les éléments qui selon moi peuvent contribuer à donner un début d'explication à son terrible geste», a poursuivi l'avocate.
«Tremblement de terre»
Plus tôt dans la journée, un des frères de son ancien compagnon est venu témoiger du «tremblement de terre», qui s'est propagé dans toute la famille, qu'a constitué le meurtre des deux enfants.
Il évoque aussi la situation de son frère, Jean, après le drame. Celui-ci a été hébergé chez leur mère, dans un premier temps. «Il était anéanti». «Depuis, il y a des hauts et des bas», explique t-il encore. «Il travaille comme il peut, à son rythme, il ne baisse pas les bras, il fait ce qu'il peut. A ce titre, il est admirable».
Et d'insister : «Jean était un papa exceptionnel».
Le père des enfants avait témoigné mardi: depuis février 2022, il a perdu 15 kilos, abandonné sa thèse, n'a plus la force de travailler.