Après plus de trois journées en mer, aucun des 40 skippers inscrits au 10e Vendée Globe n'a encore signalé d’avarie majeure à bord de son voilier. Une rareté qui s’explique autant par la météo clémente que la bonne préparation des équipes engagées.
Depuis la toute première édition de la course autour du monde en solitaire en 1989, des abandons et des grosses casses surviennent fréquemment dans les premiers jours du périple, tant le défi physique et technologique devant les étraves est grand.
«C'est très compliqué pour les marins de passer de la kermesse du village au solitaire», note le journaliste spécialisé Didier Ravon, auteur d'un livre très documenté, «Le Vendée Globe : 35 ans d'aventure» (Editions Gallimard Loisirs 2024).
En 1992, un coup de vent maltraite la flotte en plein coeur du golfe de Gascogne. Le Britannique Nigel Burgess se noie tandis que Loïck Peyron se voie contraint de jeter l'éponge après avoir constaté du délaminage - effritement de la coque pouvant causer une voie d'eau - sur son bateau.
Cette année, à l'exception d'avaries mineures - problème de vérin pour Boris Herrmann, petite voie d'eau pour Thomas Ruyant... - et de la perte dans la nuit de mardi à mercredi d'une grand-voile pour Clarisse Crémer, tout roule pour les skippers.
Une météo clémente
«Cela me surprend pas vraiment, la météo était très favorable, quand tu pars avec le vent dans les fesses c'est plus facile pour tout le monde car les bateaux souffrent moins», explique Didier Ravon.
Depuis le départ des Sables-d'Olonne dimanche, les marins ont bénéficié d'une météo très clémente avec quasi-exclusivement des allures de portant, les poussant tranquillement le long de l'Atlantique Nord. «S'ils étaient partis avec un gros coup de vent dans le Golfe de Gascogne et avec des bords au près, ils auraient plus de chance de se prendre des mats sur la tête», estime Didier Ravon.
Comme en 2008, où Kito de Pavant, Yannick Bestaven et Marc Thiercelin ont tous les trois démâtés au même endroit, deux jours seulement après le coup de canon. Le futur vainqueur Michel Desjoyeaux est lui retourné aux Sables-d'Olonne pour en repartir 48 heures plus tard.
Seule ombre tableau de ce «départ de rêve», des pépins physiques signalés par plusieurs marins qui espèrent pouvoir se soigner au fil du temps : Maxime Sorel et Jingkun Xu doivent tous les deux composer avec une blessure à la cheville.
«Jamais aussi bien préparé»
«La traumatologie devient centrale avec ces nouveaux bateaux : ils sont tellement puissants, les chocs sont plus violents, tu ne peux pas naviguer dans le gaz sans risquer de te faire mal», raconte Didier Ravon. Si la météo a bien aidé la flotte à «tenir le choc» du départ, la préparation des équipes n'a également jamais été autant poussée avant un Vendée Globe, ce qui a également contribué à ce sans-faute.
Tous les engagés ont dû participer à un éreintant parcours de qualification pour se présenter sur la ligne, avec trois transatlantiques en solitaire en deux ans. «C'était essentiel afin de se sentir bien sur le bateau, tester ses limites, savoir quelles voiles on utilise dans quelles conditions», détaille Violette Dorange, benjamine des partants à 23 ans seulement.
«Les couples bateau-skipper sont de plus en plus prêts», abonde Didier Ravon. «Les quatre premières éditions, à 23 heures la veille du départ, on entendait encore des mecs avec des chignoles (perceuses, NDLR) en train de travailler sur les bateaux. Cette année même les petites équipes avaient tout terminé samedi», raconte-t-il.
Jusqu'à l'Atlantique sud, la flotte devrait être relativement épargnée par la météo, selon les dernières prévisions. Et si le redoutable Pot-au-noir comportera probablement son lot d'aléas, les premiers gros coups durs sont à attendre dans l'Océan Indien. «Cela peut-être violent, mais ils seront bien amarinés», juge le journaliste spécialisé.
Un Vendée Globe sans aucun abandon serait du jamais-vu. Sur les 200 tentatives de boucler le tour du monde depuis la création de la course, 86 ont échoué.