(ETX Daily Up) – Depuis des siècles, philosophes et psychologues débattent de la moralité des enfants. Certains les considèrent comme amoraux, c’est-à-dire dépourvus de toute notion de bien et de mal. Il y a vingt ans, l’idée d’un sens moral inné semblait faire consensus. Mais une nouvelle étude d’envergure menée par le consortium ManyBabies vient bouleverser cette perspective.
ETX Studio
26.12.2024, 16:38
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Cette recherche remet en cause les conclusions d’une étude réalisée en 2007 par Kiley Hamlin, Paul Bloom et Karen Wynn, du Laboratoire d’étude de la cognition des bébés de l’Université Yale, et publiée dans Nature. Dans cette expérience, des bébés de six à dix mois observaient un spectacle de marionnettes dans lequel un personnage tentait de gravir une colline, aidé par un «bienfaiteur» ou gêné par un «obstructeur». Les chercheurs avaient constaté que les nourrissons semblaient préférer le bienfaiteur, suggérant ainsi un sens moral précoce leur permettant de distinguer les comportements prosociaux de ceux antisociaux.
Cependant, la petite taille de l’échantillon initial avait suscité des interrogations sur la fiabilité de ces résultats. Pour y remédier, ManyBabies, un consortium international de psychologues du développement, a conduit une étude à plus grande échelle, en collectant des données auprès de 567 nourrissons. Les conclusions, publiées dans The Conversation, diffèrent radicalement: les bébés n’ont montré aucune préférence pour le personnage «aidant».
Malgré ces résultats, les chercheurs invitent à la prudence. «Certains s'empresseront d’interpréter cette étude comme montrant que la découverte initiale était incorrecte (et donc que les autres réplications étaient également incorrectes, et que les non-réplications antérieures étaient justes). C'est une possibilité, mais il ne faut pas tirer de conclusions hâtives», prévient Michael Frank, fondateur de ManyBabies, sur BlueSky. Les différences observées pourraient notamment s’expliquer par des ajustements méthodologiques, comme l’utilisation de vidéos numériques au lieu de spectacles de marionnettes.
Une question fondamentale demeure: naissons-nous réellement avec une conscience du bien et du mal? À ce jour, la science n’a pas tranché. L’absence de résultats concluants ne rejette pas pour autant l’idée d’un sens moral inné. Celui-ci pourrait nécessiter des conditions particulières ou plus de temps pour émerger, peut-être en lien avec le développement du langage. En attendant, cette énigme continue d’alimenter les réflexions et de remettre en question nos certitudes sur la nature humaine.