Toute l'Italie, du sélectionneur Roberto Mancini aux millions de tifosi fous de calcio, s'apprête à souffrir pendant un mois en regardant les meilleures nations se disputer la Coupe du monde au Qatar, sans les Azzurri champions d'Europe. Mais aussi sans Serie A pour se consoler.
La blessure «va saigner jusqu'au bout», a admis Mancini, toujours sonné par la défaite en barrages de qualification contre la modeste Macédoine du Nord (0-1), en mars. La Nazionale, championne d'Europe en titre, rate le grand rendez-vous mondial pour la deuxième fois de suite. Du jamais vu pour le pays arborant sur son maillot quatre étoiles de champion du monde (1934, 1938, 1982, 2006).
Le 20 novembre, quelques heures après que le Qatar aura officiellement donné le coup d'envoi de son Mondial contre l'Equateur, l'Italie disputera un match amical sans intérêt, en Autriche, quatre jours après un autre déplacement en Albanie. Cruel.
L'absence des Azzurri au Qatar est une «honte», estimait cet été Roberto Baggio, finaliste du Mondial 1994, ne comprenant pas qu'ils n'aient pas bénéficié d'une «place assurée» en tant que champion d'Europe.
Énervés ou résignés, les tifosi se préparent à cette étrange fin d'année, sans Italie au Mondial mais aussi sans championnat, la Serie A faisant relâche de la mi-novembre à début janvier pour libérer les nombreux internationaux étrangers qui, eux, joueront la Coupe du monde.
«C'est dur»
«La déception, on l'a un peu oubliée grâce à l'AC Milan (champion d'Italie en mai), mais elle va revenir pendant le Mondial», soupire Gianluca Meloni, 31 ans, supporter sarde des Rossoneri croisé aux abords du stade San Siro à Milan. «C'est dur de ne pas y être pour la deuxième fois, c'est un moment où malgré tout, la nation se réunit», ajoute-t-il.
«On va regarder les matches, malgré la tristesse. Je ne sais pas encore qui on va supporter, peut-être l'Argentine», ajoute un tifoso de l'Inter Milan, Luigi Giarrusso, 67 ans, originaire de Brescia, accompagné de son petit-fils de huit ans qui n'a encore jamais pu voir l'Italie jouer en Coupe du monde – le dernier match des Azzurri en phase finale remonte à juin 2014, une défaite 1-0 face à l'Uruguay en phase de poules. «La Nazionale, on l'aime toujours, ça reviendra...», ajoute-t-il.
Le cabinet d'études StageUp, qui mesure deux fois par an depuis 2000 l'audience en Italie des différents événements sportifs et internationaux et la cote des équipes nationales, n'a pas constaté un désamour envers la Nazionale.
«La vague de juin 2022 attribue à l'équipe nationale de football 28,3 millions de personnes intéressées, un nombre en ligne avec octobre 2021», explique son président Giovanni Palazzi, au sujet de cette enquête menée auprès de 1800 Italiens de 14 à 64 ans.
Si on est loin du pic enregistré en 2006 après le dernier sacre mondial (34 millions), ce chiffre prouve que la Nazionale et le football en général comptent toujours un noyau solide de fans, selon cet expert. Et cette base populaire met la Fédération italienne à l'abri de secousses économiques trop importantes, même s'il y aura peut-être un «manque à gagner» lié aux primes et éventuels contrats de sponsoring de «dernière minute» dont elle aurait pu bénéficier en cas de bons résultats au Mondial, souligne Giovanni Palazzi.
Gagner en 2026
Certains sports moins en vue pourraient toutefois en profiter pour gagner un peu de temps d'exposition médiatique, comme le volleyball ou le rugby. L'Italie du football se consolera avec ses quelques représentants attendus au Qatar: quelques arbitres, des militaires participant à la sécurité de l'événement et l'équipementier Kappa, qui fournit les maillots de la Tunisie.
L'Italie se souviendra aussi, le jour de la finale, le 18 décembre, que le trophée en or remis aux vainqueurs est né en 1971 en Italie, créé par l'entreprise GDE Bertoni.
«C'est une partie de l'Italie qui est toujours assurée d'être au Mondial, et même sur le podium, à la première place...», observe la directrice de l'entreprise milanaise qui réalise aussi les médailles et la réplique officielle du trophée (en plaqué or) que les lauréats conservent.
La déception, elle, ne passera vraiment «qu'en gagnant le prochain» Mondial en 2026, a déjà souligné Roberto Mancini, résumant l'état d'esprit de tout un pays revanchard.