A 44 ans, l'Argentin Lionel Scaloni est le plus jeune sélectionneur du Mondial. Il affronte vendredi en quart de finale le plus âgé, le maître néerlandais Louis van Gaal, une légende des bancs de touche de 71 ans.
Sur le papier, tout sépare les deux hommes: l'âge, l'expérience, la personnalité.
L'un, l'Argentin, n'a dirigé que son équipe nationale. L'autre, le Néerlandais, a déjà été trois fois sélectionneur des Pays-Bas et a usé les bancs des plus grands clubs du vieux continent: l'Ajax, le Barça, le Bayern et Manchester United. Le premier a une riche carrière de joueur professionnel qui l'a même vu disputer une Coupe du monde en 2006, avec le jeune Messi; celle du second est beaucoup plus modeste.
Assistant de Jorge Sampaoli au Mondial-2018, Scaloni était dans le staff lors de la défaite de Messi et consorts dès les huitièmes de finale contre la France (4-3). Après le départ de son patron, il a été bombardé intérimaire, sans aucune expérience préalable.
Contrat prolongé
Il s'est accroché, et a finalement signé un contrat, qui vient d'être prolongé jusqu'en 2026.
Restait à gagner la confiance des joueurs. Ce fut chose faite avec la victoire en Copa America 2021, le premier trophée de Lionel Messi sous le maillot bleu et blanc et le premier titre international de l'Argentine au 21e siècle.
«Au début on n'avait pas trop confiance» en lui, a avoué le milieu de terrain Rodrigo De Paul après ce titre continental, «mais maintenant il peut nous emmener n'importe où».
«Le père de Dieu»
L'Albiceleste est arrivée au Qatar avec un statut de favori, mais la défaite initiale contre l'Arabie Saoudite (2-1) a provoqué la panique dans la presse et chez les fans au pays.
Scaloni a alors démontré son calme, et sa capacité à prendre beaucoup de recul: «Il faut garder son bon sens, ce n'est qu'un match de foot», a-t-il immédiatement tempéré: «J'ai reçu un message de mon frère qui m'a dit qu'il avait pleuré. Ce n'est pas possible! (...) C'est difficile d'expliquer aux gens que le soleil se lèvera demain, qu'on perde ou qu'on gagne. La seule chose qui importe, c'est comment on fait les choses.»
Deux victoires 2-0 contre le Mexique et la Pologne ont permis à ses joueurs de se remettre dans le sens de la marche et de sortir premiers de leur groupe. La victoire 2-1 contre l'Australie en huitième a conforté l'impression que cette équipe est forte, portée par un Messi au sommet de son art.
Van Gaal, lui, est au contraire connu pour son caractère volcanique. Son ego est son arme. «Le problème avec Van Gaal, ce n'est pas qu'il se prend pour Dieu, mais qu'il se prend pour le père de Dieu», avait lâché un jour son ancien patron au Bayern Uli Hoeness, mi-sérieux, mi-rigolard.
«Éminence»
Mais le Néerlandais n'a jamais gagné de titre avec son équipe nationale, contrairement à Scaloni. Et s'il a conduit les «Oranje» à la troisième place du Mondial-2014, il n'a certainement pas oublié qu'il avait perdu la demi-finale aux tirs au but contre... l'Argentine.
Peu importe, Scaloni admet que Van Gaal est une référence dans un métier où lui n'est qu'un débutant: «Je jouais au Deportivo La Corogne lorsqu'il entraînait Barcelone, et il était déjà une référence, c'est une fierté de l'affronter», a lâché l'Argentin, arrivé à tout juste vingt ans comme défenseur central en Europe. A l'époque, le Néerlandais comptait déjà une Ligue des champions à son palmarès, avec l'Ajax d'Amsterdam en 1995.
L'avenir des deux hommes diverge aussi, fatalement. Van Gaal, qui avait déjà annoncé une première fois la fin de sa carrière en 2016, pourrait se retirer définitivement après ce Mondial, même s'il a plaisanté sur la possibilité de prendre en main la Belgique, après la démission de Roberto Martinez.
Scaloni lui, peut rêver d'une carrière à la Van Gaal. Une victoire vendredi serait une nouvelle ligne dorée sur son CV.