Coupe du monde Douze années de polémiques autour du Qatar

ATS

8.11.2022 - 12:00

Une Coupe du monde sous le signe de la controverse: depuis la désignation du Qatar comme pays hôte en 2010, les polémiques autour du Mondial 2022 se sont succédées, s'amplifiant à l'approche du tournoi dont le coup d'envoi est programmé le 20 novembre.

Officiellement, il y a eu trois décès dans les huit stades du Mondial.
Officiellement, il y a eu trois décès dans les huit stades du Mondial.
Keystone

Dès son attribution surprise le 2 décembre 2010 à Zurich, le Mondial qatari fait couler beaucoup d'encre. Dans la foulée de l'annonce de la FIFA, qui a préféré le Qatar aux États-Unis au 4e tour de scrutin, Barack Obama, alors président américain, s'exclame: «C'est une mauvaise décision».

Le 3 décembre, le gouvernement allemand fait part de son étonnement: «On peut qualifier le choix que la FIFA a fait de partiellement surprenant», dit son porte-parole Steffen Seibert. À l'inverse, le président brésilien Lula félicite la FIFA pour sa «sagesse».

À l'époque, un seul des huit stades prévus pour le Mondial existe et la venue de plus d'un million de supporters incite à s'interroger sur la capacité d'accueil, notamment hôtelière, du petit émirat.

2012, les soupçons de corruption

En août 2012, la chambre d'instruction du comité d'éthique de la FIFA engage une enquête sur l'attribution des Mondiaux 2018 à la Russie et 2022 au Qatar, dirigée par l'ancien procureur américain Michael Garcia.

Hans-Joachim Eckert, président de la chambre de jugement du comité d'éthique de la FIFA, relève dans le rapport Garcia «des comportements douteux» mais pas de quoi remettre en cause le processus d'attribution. Garcia dénonce une présentation «erronée et incomplète» de son enquête et annonce faire appel.

Le 27 juin 2017, le rapport Garcia, sans son principal instigateur, est publié par la FIFA, après des fuites dans la presse. Il relève une série de transactions financières potentiellement suspectes mais pas de preuves suffisantes pour retirer au Qatar l'organisation du Mondial.

En France, la justice enquête depuis 2019 pour «corruption active et passive» sur un déjeuner tenu le 23 novembre 2010 entre Nicolas Sarkozy, alors président de la République, deux hauts dirigeants qataris et Michel Platini, à l'époque patron de l'UEFA, qui a apporté les quatre voix européennes à l'émirat.

Le 13 octobre 2022, une enquête conjointe de France Télévisions et Radio France révèle une note de la cellule diplomatique de l'Élysée, en vue de ce déjeuner, prévoyant d'aborder, outre le Mondial, les sujets «avions de combat» et «défense antimissile globale». L'ex-secrétaire général de l'Élysée Claude Guéant confirme «des discussions avec le Qatar» sur la vente d'avions Rafale, finalement conclue en 2015, mais écarte tout lien avec l'attribution du Mondial.

2014, le changement de calendrier

Le 8 janvier 2014, Jérôme Valcke, alors secrétaire général de la FIFA, déclare que le Mondial ne se déroulera «pas en juin-juillet» mais «entre le 15 novembre et le 15 janvier au plus tard», dans un entretien diffusé par les radios France Info et France Inter.

C'est la confirmation d'une option déjà avancée par Sepp Blatter, alors président de la FIFA, face à «des problèmes liés à la chaleur». En plein été au Qatar, les températures peuvent grimper jusqu'à 50 degrés.

Le comité exécutif de la FIFA tranche le 25 septembre 2015 en faveur d'une compétition qui aura lieu du 21 novembre au 18 décembre 2022. Finalement, le match d'ouverture est avancé d'un jour, le 20 novembre, pour permettre au Qatar d'ouvrir le bal.

Pour la première fois, une Coupe du monde de football est organisée en fin d'année civile, interrompant les championnats de clubs européens, ce qui fait grincer des dents parmi ces derniers, employeurs des stars du ballon rond.

2014, les droits humains

De nombreuses voix critiquent le petit émirat gazier au sujet des droits humains, à commencer par la Confédération syndicale internationale, auteure en 2014 d'un rapport sans concession sur le traitement des travailleurs migrants.

Le total de 6500 morts avancé début 2021 par le journal britannique The Guardian est sujet à caution. Il correspond à l'ensemble des morts recensés dans la population venue d'Asie du Sud entre 2010 et 2020, toutes causes confondues.

Officiellement, il y a eu trois décès dans les huit stades du Mondial. Un rapport de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui a un bureau à Doha, a conclu que 50 travailleurs étaient morts dans des accidents du travail en 2020 et que 500 autres avaient été blessés gravement. L'OIT note cependant des lacunes dans le système d'enquête et de recensement des décès et indique que leur nombre pourrait être plus élevé.

Sous la pression d'ONG, de sponsors et de plusieurs fédérations qui demandent un fonds d'indemnisation, la FIFA a dit le 17 octobre «dialoguer» sur des «initiatives» en faveur des ouvriers des chantiers du Mondial.

L'accueil des membres de la communauté LGBT+ sera aussi scruté dans cet État musulman conservateur où la législation criminalise les relations sexuelles entre personnes du même sexe. Les organisateurs promettent d'accueillir «tous» les visiteurs sans discrimination.

2021, l'impact environnemental

«Impact carbone nul» contre «aberration écologique», les analyses des organisateurs et des opposants diffèrent sur l'empreinte environnementale du Mondial. Selon un rapport publié par la FIFA en juin 2021, plus de 3,6 millions de tonnes de CO2 seront émises en raison de la Coupe du monde, contre 2,1 millions de tonnes lors de la précédente édition en Russie en 2018.

Mais ce bilan est incomplet, juge l'ONG Carbon Market Watch, qui estime que l'empreinte carbone de la construction des stades pourrait avoir été sous-estimée d'un facteur huit: il faudrait comptabiliser 1,6 million de tonnes de CO2 et non 0,2 million.

Du côté des organisateurs, on fait valoir que la proximité des huit stades, dans un rayon de 75 km, va réduire le trafic aérien au profit du métro et des bus électriques. Mais des voix évoquent le risque d'une augmentation des émissions en raison des nombreuses navettes aériennes destinées à acheminer les supporters en provenance des pays voisins, pour limiter la pression sur l'offre hôtelière au Qatar.

La climatisation des stades, souvent retenue comme symbole de gâchis énergétique et environnemental, ne pèse pas très lourd dans le bilan. Mais pour la Première ministre française Élisabeth Borne, cette climatisation à ciel ouvert «n'est pas un bon signal» en matière de sobriété énergétique.

ATS