«A trop jouer avec les allumettes...» LPP: la presse tacle la droite et le Parlement

dv, ats

23.9.2024 - 06:58

La droite est «la seule responsable» de l'échec de la réforme de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle (LPP). A l'instar de 24 heures et la Tribune de Genève, la presse estime que la droite ne peut s'en prendre qu'à elle-même pour son échec dimanche.

La réforme de la LPP a échoué par 69%

La réforme de la LPP a échoué par 69%

Les Suisses infligent une grosse gifle à la réforme de la LPP. Celle-ci a été rejetée par 69% des voix, selon une projection de gfs.bern. L'USS, à l'origine du référendum, signe une nouvelle victoire sur les retraites. La claque est d'ampleur en Suisse romande. Neuchâtel balaie le texte par 76,9% des voix selon les résultats définitifs. Ce sont 72,6% de non dans le canton de Vaud, et 71,1% en Valais.

22.09.2024

«A trop jouer avec les allumettes, on finit par se brûler les doigts», constate La Liberté. Et le quotidien fribourgeois de rappeler que l'origine du projet était un compromis élaboré par les partenaires sociaux. Il prévoyait une contribution de solidarité financée par les hauts revenus, dont la droite n'a pas voulu. En «détricotant le dossier», cette dernière a «signé son arrêt de mort en votation».

Des tracts sont photographies durant une manifestation a l'appel du syndicat UNIA contre la réforme de la prévoyance professionnelle LPP21 soumise au verdict des urnes lors des votations fédérales du 22 septembre 2024. (KEYSTONE/Salvatore Di Nolfi)
Des tracts sont photographies durant une manifestation a l'appel du syndicat UNIA contre la réforme de la prévoyance professionnelle LPP21 soumise au verdict des urnes lors des votations fédérales du 22 septembre 2024. (KEYSTONE/Salvatore Di Nolfi)
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Cette «faute originelle» est aussi soulignée par 24 heures et la Tribune de Genève. «L'arrogance de la droite s'est retournée contre elle. À vouloir être plus royaliste que le roi, elle se retrouve désormais réduite à faire le laquais de la gauche. Réduite à quémander un nouveau compromis».

«A un certain moment, la révision de la LPP ressemblait à un petit miracle», rappelle Le Temps. «Quand les partenaires sociaux se sont mis d'accord et que le Conseil fédéral a transmis un compromis solide au Parlement, l'assurance mal-aimée avait une réelle chance de moderniser ses atours. Puis les élus se sont mis au travail, perdant les syndicats et une partie du patronat en route».

Le site en ligne Watson impute aussi le rejet de la réforme LPP à des erreurs des partisans mais également à une campagne de non à la limite du raisonnable. «Les opposants, en particulier les syndicats, n'ont reculé devant rien. Leur slogan 'Payer plus. Moins de rentes' était tout simplement faux dans cette globalité. Ils ont utilisé des chiffres et des exemples douteux et ont parlé d'une compensation du renchérissement qui n'est pas prévue dans le deuxième pilier. Ce faisant, ils ont exploité la complexité de la matière avec une insolence rare».

Déconnexion

Si la défaite était annoncée, le résultat, avec 67,1% de «non», est «sévère», constate Le Courrier, pour qui la réforme «a bu la tasse». «Cette déroute» est due à «une posture arrogante et jusqu'au-boutiste» de députés «ivres de néolibéralisme et ayant perdu tout sens des proportions, voire des réalités» en détricotant l'accord trouvé avec les partenaires sociaux, analyse le journal genevois. Il remarque aussi que «lorsque la gauche se concentre sur ses fondamentaux et répond aux problèmes de fin de mois de sa base, elle est en mesure de l'emporter».

Le niveau du refus montre également que la droite n'a pas été désavouée que par les électeurs de gauche, mais aussi par sa propre base, soulignent ArcInfo et Le Nouvelliste. Et d'ajouter, à l'instar du Courrier, que les résultats démontrent surtout que le Parlement semble «de plus en plus déconnecté de la population», surtout sur les questions sociales.

Pour les journaux alémaniques du groupe de presse Tamedia, le rejet massif de la révision de la prévoyance professionnelle témoigne d'une méfiance fondamentale à l'égard du deuxième pilier.

Le projet, complexe, ne permettait pas à de nombreux assurés d'évaluer les conséquences de la réforme pour leur propre prévoyance. Et la remarque de la ministre de la santé et des affaires sociales Elisabeth Baume-Schneider, qui invitait les salariés à se renseigner auprès de leur caisse de pension, a fait long feu. Ceux qui l'ont fait se sont généralement vu répondre qu'il n'était pas possible d'obtenir des informations précises, souligne le commentateur de Tamedia.

En outre, la réforme n'aurait que partiellement tenu sa promesse d'améliorer la situation des femmes et n'aurait pas résolu le problème de la baisse des rentes, ajoute-t-il.

Réforme nécessaire

Plusieurs journaux soulignent toutefois la nécessité d'une réforme. «Synonyme de dignité et de liberté individuelle», le 2e pilier mérite tout autant que l'AVS que l'on s'en préoccupe. «Personne en Suisse n'a intérêt au statu quo, soit une loi dessinée pour un monde du travail qui n'existe plus», écrit Le Temps. Et d'exhorter les parties à se remettre au travail.

Si elle relève aussi la nécessité d'agir dans la prévoyance, non dans l'immédiat mais à long terme, La Liberté constate que le deuxième pilier sera sans doute «figé pour longtemps». Et de prédire que le débat va probablement se porter sur le relèvement de l'âge de la retraite plutôt que sur la LPP et il «promet d'être explosif».

La NZZ estime quant à elle que la Suisse devrait s'épargner à l'avenir une nouvelle tentative de baisse du taux de conversion du capital de la prévoyance professionnelle. Une telle mesure n'est pas à même de réunir une majorité.

Et d'ajouter que le vote de dimanche incitera les caisses à continuer à procéder à un subventionnement croisé caché des retraités au détriment des plus jeunes. Elles poursuivront surtout sur une voie déjà empruntée depuis longtemps, soit le renforcement de la partie surobligatoire de la prévoyance.

Le taux de conversion légal devrait ainsi continuer à perdre de son importance jusqu'à ce qu'il devienne, à plus long terme, «totalement inopérant», prévoit la NZZ.

dv, ats