«Capitaine»Karin Keller-Sutter, la femme forte du Conseil fédéral
nipa, ats
3.12.2024 - 15:03
Karin Keller-Sutter entame son année présidentielle avec la stature de «capitaine» du Conseil fédéral. Sortie indemne de la crise de Credit Suisse, la ministre PLR des finances défend les coupes budgétaires avec rigueur, malgré les critiques.
nipa, ats
03.12.2024, 15:03
ATS
Hasard du calendrier, la St-Galloise, qui fêtera ses 61 ans le 22 décembre, sera élue présidente de la Confédération au moment où la commission d'enquête parlementaire publiera son rapport très attendu sur la débâcle de Credit Suisse. Le rôle joué par Karin Keller-Sutter en sera d'autant plus scruté et pourrait marquer son année.
A peine installée au Département des finances début 2023, après quatre ans passés à la Justice, Karin Keller-Sutter a en effet dû faire face à une des pires crises bancaires de l'histoire suisse. Libérale convaincue mais très pragmatique, elle a dû trouver rapidement une solution et surtout la faire accepter aux deux géants bancaires.
Le rachat par UBS a suscité un torrent de commentaires et de critiques. La Suisse était du jour au lendemain à la une de la presse internationale, et Karin Keller-Sutter avec elle. Le «Financial Times» l'a d'ailleurs choisie parmi les 25 femmes les plus influentes de la planète pour l'année 2023.
Dans ce contexte, le Conseil national a symboliquement refusé les crédits étatiques. Mais l'annonce par UBS, quelques mois plus tard, du renoncement aux garanties financières de la Confédération, a en quelque sorte validé la stratégie de la St-Galloise. Karin Keller-Sutter a pu se présenter en vainqueure de l'opération, la Confédération empochant même au passage des intérêts.
Mesures d'austérité
Karin Keller-Sutter reste depuis la conseillère fédérale considérée comme la plus influente. Dans les sondages, son travail est apprécié par la population.
La donne pourrait toutefois évoluer quelque peu lors de son année présidentielle. Avec la mauvaise forme des finances fédérales, la ministre a endossé le rôle de «Mère-la-Rigueur» sans sourciller, et annoncé un plan d'austérité de quelque 4 milliards de francs par année. En attendant ses propositions concrètes, tous les domaines, sauf l'armée, doivent d'ores et déjà prévoir des coupes budgétaires.
Les solutions de la ministre, notamment une diminution des rentes de veuves, des coupes dans le financement fédéral des crèches ou un serrage de vis sur l'asile, ont provoqué la colère de la gauche et des cantons, mais aussi de la droite sur certains sujets.
Par exemple, sa proposition de nouvelles taxes sur les deuxième et troisième piliers a fâché dans son propre camp. La conseillère fédérale pourrait devoir faire face à des référendums.
Accord avec l'UE en vue?
Le dossier européen devrait être l'autre sujet important à marquer son année présidentielle. Elle devra défendre le paquet d'accords qui sortira des négociations entre Berne et Bruxelles.
Alors ministre en charge des migrations, la St-Galloise s'était engagée sans faille en 2020 contre l'initiative de limitation de l'UDC visant à résilier l'accord sur la libre circulation des personnes. Un moment que de nombreux observateurs ont dépeint comme sa première grande victoire personnelle.
La conseillère fédérale aura depuis enchaîné les succès en votation populaire. Elle n'en a perdu que deux, le même dimanche de juin 2021, sur la burqa et sur l'identité électronique.
Guerre
Elue en décembre 2018 au Conseil fédéral, elle a appliqué au Département fédéral de justice et police (DFJP) une politique plutôt conservatrice en matière d'asile. Sur les sujets qui lui tiennent à coeur, comme la lutte contre les violences contre les femmes, Karin Keller-Sutter n'a toutefois pas hésité à tendre la main aux forces plus progressistes.
Louée pour sa connaissance pointue des dossiers, elle a dû notamment gérer en tant que cheffe du DFJP les répercussions de la guerre en Ukraine et les nombreux réfugiés qui ont atteint la Suisse. Celle qui était souvent dépeinte comme dure sur les questions migratoires, une réputation héritée de ses années au Conseil d'Etat st-gallois, a montré un visage humain dès les premières heures de la guerre. Le Conseil fédéral a rapidement activé le statut de protection «S».
Première femme libérale-radicale à devenir conseillère fédérale depuis Elisabeth Kopp, interprète au français parfait, elle a suivi un parcours classique à tous les échelons de la politique, passant trois législatures au Conseil d'Etat de St-Gall. En 2011, elle a rejoint le Conseil des Etats, après son échec dans la course au Conseil fédéral, alors barrée par Johann Schneider-Ammann.