Histoire de sentiments «Y a de la joie»: comment Harris a pris Trump à son propre jeu

ATS

8.9.2024 - 08:52

En orchestrant sa première partie de campagne présidentielle sur fond d'hymne à la «joie», la vice-présidente américaine Kamala Harris a tenté de prendre son adversaire Donald Trump à son propre jeu: faire primer l'émotion d'un message sur l'explication d'un programme.

Mme Harris a remonté le retard que M. Biden accusait dans les sondages et les candidats sont désormais au coude-à-coude dans six Etats qui seront décisifs pour l'élection (archives).
Mme Harris a remonté le retard que M. Biden accusait dans les sondages et les candidats sont désormais au coude-à-coude dans six Etats qui seront décisifs pour l'élection (archives).
Keystone/

Moins de quatre mois: c'est le temps que la candidate des démocrates avait devant elle avant l'élection présidentielle du 5 novembre quand le président Joe Biden a retiré sa candidature.

Il lui a fallu appuyer sur «avance rapide» dans le discours comme dans la méthode: pas, ou peu, de conférence de presse, discussion ou long échange sur son programme, mais un message de «joie» délivré à l'envi, qui a donné à son couronnement lors de la convention démocrate, fin août à Chicago, des airs de fête populaire, de kermesse et parfois même de boîte de nuit. Et cela a marché.

Mme Harris a remonté le retard que M. Biden accusait dans les sondages et les candidats sont désormais au coude-à-coude dans six Etats qui seront décisifs pour l'élection, selon des sondages. D'après des experts, cet appel à l'émotion avant la raison s'est révélé être une stratégie efficace.

«Défendre leurs préférences»

«Les gens croient qu'ils pensent comme des scientifiques, soupesant les faits à leur disposition, alors qu'ils pensent comme des avocats qui cherchent à défendre leurs préférences», estime Jennifer Mercieca, professeure de communications à l'université Texas A&M.

«Et quand des orateurs se basent sur l'affect, c'est plus dur de les tenir responsables de quelque chose parce que c'est difficile d'argumenter contre une émotion», ajoute-t-elle. L'appel à un sentiment qui sonne «vrai», même s'il n'est pas fondé sur l'épreuve des faits, est puissant, résume-t-elle.

La différence avec la campagne de Joe Biden, qui ressassait l'argument de la menace contre la démocratie que représenterait Trump, est frappante. Un sondage New York Times/Siena assure que «la colère et la résignation ont diminué au sein du corps électoral des deux bords» depuis l'abandon du président.

Ce thème de «la peur [pour les institutions] ne parvenait pas à vraiment motiver un grand nombre de potentiels électeurs démocrates, dont beaucoup étaient épuisés par la négativité qui avait envahi le cycle de l'actualité, estime Mashail Malik de l'université Harvard.

«Une histoire bien connue»

Selon elle, le message sur la «joie» de Kamala Harris leur a offert une «alternative» positive, tout en offrant à la vice-présidente une façon de se démarquer de son actuel patron.

Le constat est peut-être moins vrai sur des sujets complexes, comme par exemple le soutien américain à la guerre qu'Israël mène dans la bande de Gaza, qui divise le parti démocrate. Mme Harris a cherché à contenter les critiques en changeant de ton sur le nombre massif de morts chez les Palestiniens, sans pour autant les convaincre à ce stade.

Donald Trump joue sur l'émotion de l'électorat depuis des années, avec des discours souvent riches en rhétorique et légers sur les faits, voire parsemés d'éléments fictifs, comme quand il parle d'une «invasion» de migrants aux Etats-Unis et de grandes villes devenues des «zones de guerre».

Il a récemment assuré que sa rivale sèmerait «le chaos, la destruction et la mort». Le message apocalyptique n'approche peut-être pas la vérité, mais il éveille des sentiments que des supporters de Donald Trump considèrent comme vrais.

Selon Mme Malik, les appels de l'ancien président américain à l'orgueil et au ressentiment sont «très similaires à ceux de dirigeants populistes à travers le monde, de l'Europe à l'Amérique latine en passant par l'Asie du Sud». «C'est une histoire bien connue», remarque-t-elle. «Et elle ne se termine généralement pas bien».

ATS