«Je ne sais pas dire non»Venu violer six fois Gisèle Pelicot, Jérôme V. avance «une sexualité incontrôlable»
AFP
2.10.2024
En plein confinement, de mars à juin 2020, Jérôme V. s'est rendu six fois à Mazan pour violer Gisèle Pelicot, préalablement droguée par son mari. Des faits qu'il a reconnus mais tenté de justifier mercredi par une «sexualité incontrôlable».
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02.10.2024, 18:34
02.10.2024, 18:36
Megane Bochatay
«Je n'y retournais pas parce que le +mode viol+ me correspondait, mais parce que je ne pouvais pas contrôler ma sexualité», a insisté devant la cour criminelle de Vaucluse, à Avignon, cet homme de 46 ans, ex-employé d'une supérette.
Actuellement détenu, comme 17 des 51 accusés de ce procès emblématique des violences sexuelles et de la soumission chimique, le quadragénaire fait partie des 10 venus à plusieurs reprises au domicile des Pelicot, dans le Vaucluse. Comme lui, trois sont revenus six fois.
Mais, à la différence de la quinzaine d'autres accusés interrogés depuis le 2 septembre, qui ont plaidé la «manipulation», expliquant avoir cru participer à un «jeu sexuel» libertin, Jérôme V. a mis en avant son caractère «soumis».
«J'avais une incapacité à m'affirmer face à monsieur Pelicot. Je ne sais pas dire +non+ à monsieur Pelicot, et je renonce», a expliqué ce grand sportif, aussi compulsif en matière de sports -marathons et randonnées- que de sexe.
Il renonce donc à résister aux invitations de M. Pelicot, mais pas à violer Mme Pelicot.
89 conquêtes
«Je pense avec le temps, à cause de mon addiction, avoir été de moins en moins regardant sur ce que j'attendais de mes partenaires, ce qui m'a aussi poussé à aller voir des travestis notamment», a poursuivi l'accusé, père de deux enfants dont il a perdu l'autorité parentale et d'un autre enfant illégitime.
«En effet, vous avez tout exploré en matière sexuelle», a réagi le président de la cour, Roger Arata, rappelant que l'accusé avait fréquenté de nombreux clubs libertins.
Lors de ses quelques relations de couple, Jérôme V. a reconnu s'être «lassé» rapidement et être allé voir ailleurs. S'il s'était engagé comme pompier volontaire, c'est que c'était «une bonne excuse pour aborder les femmes».
«J'ai eu besoin à un moment de compter mes conquêtes», a-t-il raconté, pour justifier cette liste de 89 noms féminins retrouvée chez lui: «C'était un challenge».
Sur celle-ci ne figure cependant pas le nom de Gisèle Pelicot. «Je n'estime pas que c'est une conquête», a-t-il lâché, avant de détailler sa rencontre avec Dominique Pelicot sur le site Coco.fr, fermé depuis par la justice.
«Son mode de fonctionnement était de balancer des photos (de sa femme) dans la foulée, pour espérer que cela puisse faire une réaction, et pour un profil comme le mien, ça en a eu une»: «Je voulais m'extraire de ça, je fuyais, j'espérais qu'il ne me contacte plus, mais je n'ai rien fait pour que cela cesse», a-t-il concédé.
Un caractère «peu affirmé»
«C'est compliqué de vous dire pourquoi je n'ai pas été capable de dire +il faut que ça cesse+. J'avais peur de l'impact, qu'il diffuse les photos», a-t-il ajouté depuis le box des accusés, sous le regard nonchalant de Dominique Pelicot, qui photographiait et filmait consciencieusement les hommes violant son épouse.
Victime enfant «de la violence psychologique et verbale» de ses parents, Jérôme V. est «pragmatique et utilitaire dans son rapport aux autres», avait expliqué lundi l'enquêtrice de personnalité, Elisa Scheidt.
«J'ai beaucoup plus de mal qu'une personne lambda à me représenter la souffrance de l'autre», a ainsi affirmé l'accusé, assurant cependant que son suivi psychologique en prison l'avait «changé».
Qualifié de caractère «faible», «naïf», «peu battant» et «peu affirmé» par les experts psychologues, Jérôme V. a estimé avoir été «sous l'emprise» de Dominique Pelicot.
Un argument aussitôt balayé par l'avocate du principal intéressé, Me Béatrice Zavarro, sur la base du rapport d'un expert psychiatre: il s'agit d'une «excuse que vous sortez auprès du juge pour vous justifier et éviter de perdre votre compagne».
En pleurs à la barre lundi, celle-ci avait indiqué chercher «à comprendre»: «Au niveau des relations humaines, il était particulier», mais «il n'avait pas de raison d'aller voir ailleurs», avait-elle insisté. Et elle continue à aller le voir au parloir, espérant que leur relation «reprenne».