Première femme présidente Une scientifique de gauche pour gérer les passions du Mexique

ATS

3.6.2024 - 07:34

L'ex-maire de Mexico, Claudia Sheinbaum, élue dimanche première femme présidente dans l'histoire du Mexique, est une politique aguerrie. Cette scientifique de gauche a été confrontée à deux catastrophes lorsqu'elle dirigeait la capitale.

Élections générales de 2024 au Mexique : Claudia Sheinbaum montre son doigt après avoir voté dans les urnes lors des élections générales de 2024 au Mexique.
Élections générales de 2024 au Mexique : Claudia Sheinbaum montre son doigt après avoir voté dans les urnes lors des élections générales de 2024 au Mexique.
IMAGO/aal.photo

Outre ses mérites propres, la docteure en ingénierie énergétique a été portée par la popularité du président sortant Andres Manuel Lopez Obrador, qui a installé la gauche au pouvoir en 2018.

Claudia Sheinbaum Pardo est née le 24 juin 1962 à Mexico de parents engagés dans les années 1960, quand les étudiants ou des guérillas voulaient secouer la «dictature parfaite» du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), hégémonique de 1930 à 2000.

«Matin, midi et soir»

«Chez moi, on parlait politique matin, midi et soir», a-t-elle confié dans une biographie. Sa mère, la biologiste Annie Pardo a été expulsée de l'université pour sa participation au mouvement de 1968.

Dans le melting-pot mexicain très inégalitaire, c'est une petite-fille de juifs d'Europe qui reprend le slogan du président sortant, «les pauvres d'abord», adressé entre autres aux communautés autochtones discriminées.

«Je viens d'une famille juive et je suis fière de mes grands-parents et de mes parents», écrivait-elle en 2009 dans le journal la Jornada pour dire son «horreur des images des bombardements d'Israël à Gaza» lors d'une précédente opération militaire. Elle expliquait que sa grand-mère maternelle et son grand-père paternel «communiste» avaient quitté la Lituanie et la Bulgarie pour fuir «la persécution nazie».

Militante assidue

Brillante étudiante, Claudia Sheinbaum mène de front dans les années 1980 un master en ingénierie énergétique à l'Université autonome nationale du Mexique (UNAM) et un engagement au sein du Conseil étudiant universitaire (CEU) contre une réforme de l'université.

C'est une militante assidue, même enceinte de sa fille Mariana née en 1988. «Elle était toujours partante. Dans les meetings, surtout», se souvient Guillermo Robles, son condisciple en master.

Claudia Sheinbaum a complété son doctorat par un séjour académique en Californie, qui fait qu'elle parle bien anglais à la différence du président sortant, laissant augurer d'une présidence davantage tournée vers l'international.

Sur une photo à la Une du Standford Daily en 1991, on voit la jeune femme protester contre une visite du président mexicain libéral de l'époque, Carlos Salinas de Gortari, une pancarte à la main: «Commerce équitable et démocratie maintenant!».

Périphérique et pistes cyclables

Claudia Sheinbaum a fait son entrée en politique avec le président actuel Andres Manuel Lopez Obrador, maire de Mexico entre 2000 et 2006. Il lui a confié le portefeuille de l'environnement, stratégique dans la mégapole qui compte aujourd'hui neuf millions d'habitants.

La jeune élue est à l'origine de la construction du second étage du «périphérique» pour désengorger l'une des autoroutes urbaines qui traversent Mexico. Mme Sheinbaum a également lancé les couloirs de bus et des pistes cyclables.

De retour à l'université en 2006, la scientifique mexicaine a contribué aux travaux du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC), prix Nobel de la paix en 2007. Son thème d'expertise: l'atténuation du changement climatique.

Deux tragédies

De retour en politique, elle a surmonté deux catastrophes survenues sous sa gestion. Maire du district de Tlalpan dans le sud de Mexico (2015-2017), elle a dû faire face à l'effondrement du collège Rebsamen lors du tremblement de terre du 19 septembre 2017, qui a tué 26 personnes dont 19 enfants.

Elle a affirmé que la mairie n'était pas responsable des irrégularités commises dans la construction de l'édifice.

Maire de Mexico (2018-2023), elle a dû gérer l'effondrement d'un pont aérien au passage du métro dans le sud de la ville le 3 mai 2021 (26 morts et 80 blessés). Elle a défendu ses équipes et négocié avec les constructeurs de la ligne – une entreprise du milliardaire Carlos Slim – l'indemnisation des victimes, en évitant les procès.

Claudia Sheinbaum a tenté de gérer en scientifique et sans mesure coercitive la pandémie dans la capitale, qui a enregistré le plus fort taux de décès pour 100'000 habitants (442,1) dans tout le pays, l'un des plus touchés au monde.

Recul de l'insécurité

A la tête de la capitale, Mme Sheinbaum se félicite d'avoir réduit l'insécurité «grâce à une stratégie intégrale de traitement des causes, plus et mieux de police, du renseignement, des enquêtes et de la coordination». Présidente, elle sera confrontée à la narco-violence qui mine le Mexique.

Pendant la campagne, «Claudia» a annoncé son mariage en novembre 2023 avec Jesús Tarriba, un amour de jeunesse retrouvé sur Facebook en 2016. En premières noces, elle s'était mariée avec Carlos Imaz, fondateur du parti de gauche PRD, le père de sa fille, et dont elle considère le fils comme son propre enfant.

ATS