Marine Le Pen fait monter la pression sur Michel Barnier, avant leur rencontre lundi à Matignon : elle assure que son parti n'hésitera pas à censurer le gouvernement à la veille de Noël si «le pouvoir d'achat des Français est amputé» dans le projet de budget 2025.
«Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure», a affirmé mercredi la cheffe de file des députés du Rassemblement national sur RTL.
Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget de l'Etat.
Si le RN et la gauche votaient conjointement cette motion alors la coalition Barnier, fragile attelage entre LR et la macronie, serait renversée et le projet de budget rejeté.
Menace de censure
Si elle n'a pas détaillé la liste précise de ses revendications, Marine Le Pen a en particulier jugé «inadmissible» la hausse envisagée par le gouvernement pour dégager trois milliards d'euros des taxes sur l'électricité, une mesure toutefois supprimée par l'Assemblée nationale en première lecture.
«Taper sur les retraités, c'est inadmissible», a-t-elle aussi affirmé, insatisfaite du compromis annoncé par le LR Laurent Wauquiez. Celui-ci prévoit d'augmenter les retraites de la moitié de l'inflation au 1er janvier, puis d'une deuxième moitié au 1er juillet pour les seules pensions sous le Smic.
Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. Si elles étaient suivies, celles-ci pourraient empêcher Mme Le Pen de participer à une quatrième élection présidentielle.
Face à cette menace de censure, Michel Barnier va recevoir en début de semaine prochaine, un par un, l'ensemble des présidents de groupes parlementaires, à commencer par Marine Le Pen dès lundi matin.
Ce premier tête à tête, depuis son entrée à Matignon, suffira-t-il ? «Et-ce que M. Barnier va respecter l’engagement qu’il a pris, que les groupes d’opposition puissent reconnaître dans son budget des éléments qui leur paraissent essentiels ?», s'est interrogée la cheffe de file des députés RN.
Les demandes de notre parti étaient «de ne pas alourdir la fiscalité sur les particuliers, de ne pas alourdir sur les entrepreneurs, de ne pas faire payer les retraités, de faire des économies structurelles sur les dépenses de fonctionnement de l'Etat», a-t-elle récapitulé. «Or nous n'avons pas été entendus, nous n'avons même pas été écoutés».
Poker menteur
Alors qu'il a déjà lâché du lest sur les économies demandées aux collectivités locales, aux retraités et aux entreprises face aux critiques de sa propre majorité, le Premier ministre, confronté à la colère sociale des agriculteurs, des fonctionnaires ou des cheminots, a très peu de marge de manoeuvres.
«L'objectif est d'arriver à un équilibre entre les ambitions des groupes parlementaires et les impératifs de rigueur» budgétaire, répète Matignon, alors que le déficit public est attendu à 6,1% du PIB fin 2024 contre 4,4% prévu initialement.
L'exécutif agite, à destination du RN mais aussi des socialistes, la menace du chaos. «Celui ou celle qui renversera le gouvernement privera le pays d'un budget et le précipitera dans le désordre et la chienlit», a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur CNews. «Le pire pour le pouvoir d'achat des Français, ce serait une crise financière», a alerté de son côté sur LCI sa collègue Astrid Panosyan-Bouvet (Travail).
Une question demeure : le RN bluffe-t-il ? «Si le gouvernement tombe, il faudra attendre juin pour qu'il y ait des élections législatives parce qu'il ne peut pas y avoir de dissolution pour le moment!», a semblé nuancer le porte-parole du RN Julien Audoul.
Dans tous les cas, ce jeu de poker menteur risque de durer jusque la veille de Noël, lorsque l'Assemblée nationale aura à se prononcer définitivement sur le projet de budget 2025 de l'Etat.
Le RN n'entend, en effet, pas déposer ou voter de motion de censure sur les deux autres textes (fin de gestion de 2024 et projet de budget de la Sécurité sociale) qui pourraient être adoptés par 49.3 avant.
Le portrait de Michel Barnier
Images d'archives de Michel Barnier, ex-commissaire européen de droite et ancien négociateur du Brexit, nommé Premier ministre par Emmanuel Macron.
05.09.2024