L’impossible négociation«Poutine est un menteur invétéré»
ATS
29.11.2023 - 10:18
Quand des pourparlers se sont tenus dans les premiers jours de l'invasion russe de l'Ukraine, il a fallu moins d'une heure aux Ukrainiens pour considérer que le Kremlin ne faisait que prétendre négocier. Depuis, cette conviction n'a fait que se renforcer.
29.11.2023, 10:18
ATS
Il faut dire que la Russie avait envoyé des seconds couteaux pour discuter du plus grave conflit en Europe depuis 1945: Vladimir Medinski, un ex-ministre de la Culture à la réputation entachée par un scandale de plagiat, et Léonid Sloutski, un parlementaire nationaliste accusé de harcèlement sexuel.
«Ces gens n'étaient pas prêts à négocier. Il s'agissait de personnel administratif n'exerçant pratiquement aucune influence en Russie. Ils sont venus, ont lu certains ultimatums, et c'est tout», relate à l'AFP un conseiller de la présidence ukrainienne, Mykhaïlo Podoliak, qui était alors un des négociateurs.
«Menteur invétéré»
Près de deux ans après l'échec de ces discussions qui s'étaient tenues en février et mars 2022, la possibilité de nouveaux pourparlers est quasi-inexistante.
D'autant qu'après l'annexion revendiquée en septembre 2022 par la Russie de quatre régions ukrainiennes en plus de la Crimée, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a signé un décret bannissant toute négociation tant que Vladimir Poutine est au pouvoir.
«Poutine est un menteur invétéré qui avait promis aux dirigeants mondiaux qu'il n'attaquerait pas l'Ukraine quelques jours avant de l'envahir», a encore récemment souligné le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kouleba, sur les réseaux sociaux.
Si les Américains et l'essentiel des Européens soutiennent le choix de Kiev, des voix commencent néanmoins à murmurer que des pourparlers s'imposent, notamment du fait de l'échec de la grande contre-offensive ukrainienne de l'été qui semble, pour certains, démontrer que cette guerre ne se décidera pas sur le champ de bataille.
A cela s'ajoute l'opposition croissante de républicains américains à la poursuite de l'aide à l'Ukraine du fait de son coût, à un an de la présidentielle américaine.
Le Kremlin en profite donc pour essayer de se poser en belligérant raisonnable, se disant à la fois ouvert à des négociations et à vaincre sur le terrain militaire. «La Russie n'a jamais rejeté les pourparlers de paix avec l'Ukraine», a ainsi affirmé Vladimir Poutine aux dirigeants du G20 en novembre. «Nous devons réfléchir à la façon de mettre fin à cette tragédie», a dit le président russe qui continue de nier avoir agressé l'Ukraine.
Selon Nigel Gould-Davies, un ancien ambassadeur britannique au Bélarus, cette rhétorique et les intentions du Kremlin sont deux choses bien différentes. Interrogé par l'AFP, il estime, comme les autorités ukrainiennes, que Moscou cherchera avant tout à profiter de pourparlers longs et ardus pour reconstituer son armée décimée.
En outre, à quelques mois de la présidentielle russe prévue en mars 2024, soit deux ans après le début de l'invasion, «Poutine n'a rien à perdre à assurer qu'il veut la paix», explique Nigel Gould-Davies.
Pour autant, les conditions publiquement fixées par les Russes pour mettre fin à la guerre sont inacceptables pour Kiev: une Ukraine «démilitarisée»,qui renonce à son objectif d'adhérer à l'Union européenne ainsi qu'à l'Otan et reconnaît ses territoires occupés par Moscou comme russes.
L'ancien ministre russe des affaires étrangères Andreï Kozyrev, qui vit désormais aux Etats-Unis, estime donc aussi que le Kremlin ne veut que «faire croire, au moment opportun, à un compromis, pour mieux se relancer en guerre ensuite».
Pour lui, la seule façon d'arriver à la paix est de donner à l'Ukraine «les armes les plus puissantes possible afin qu'elle puisse vaincre l'envahisseur aussi vite que possible».
Pour Mykhaïlo Podoliak, même si les délégations russe et ukrainienne se retrouvaient autour d'une même table, elles n'auraient rien de plus à se dire. «Ils ont leur argument militaire: 'on continuera de vous attaquer'. Et nous avons comme argument: 'nous vous vaincrons'».
«Ce ne sont pas des positions de négociation», dit-il. «Le point de non-retour est passé.»