«Un enfer glacial» «Un enfer glacial» : le point au 27ème jour du conflit en Ukraine

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22.3.2022 - 12:54

Les autorités ont annoncé mardi un nouvel effort pour tenter d'évacuer les civils coincés dans Marioupol. Les habitants de Kiev eux, sous couvre-feu, se terrent chez eux.

Pour les Russes, le centre commercial était un dépôt d'armements

Pour les Russes, le centre commercial était un dépôt d'armements

L'armée russe a affirmé que le centre commercial détruit par une puissante frappe dans la nuit à Kiev, était vacant et servait de dépôt d'armements et de munitions.

22.03.2022

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Dans la nuit, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'est pour la première fois dit ouvert à «essayer d'aborder tout ce qui contrarie et mécontente la Russie» avec son homologue russe Vladimir Poutine pour «arrêter la guerre», s'il accepte de négocier directement avec lui.

Sur le terrain, les bombardements de l'armée russe se sont poursuivis en ce début de semaine sur nombre de villes ukrainiennes: Kiev, Kharkiv, Marioupol, Odessa, Mykolaïv...

Confrontée à de lourdes pertes et une défense acharnée, l'armée russe a «renforcé sa présence dans l'espace aérien de l'Ukraine» lundi, a indiqué mardi l'armée ukrainienne sur Facebook. «Outre l'utilisation de drones, l'ennemi utilise des bombardiers, des avions d'attaque et de combat, des missiles ballistiques et de croisière».

Des sources du renseignement américain citées par le quotidien américain New York Times avancent plus de 7000 Russes tués depuis le début de la guerre.

«Un enfer glacial»

«Aujourd'hui (mardi) nous nous concentrons sur l'évacuation des habitants de Marioupol», où la situation humanitaire est dramatique, a indiqué la vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk dans une vidéo.

Des habitants ayant fui la ville ravagée ont décrit à l'ONG Human Rights Watch «un enfer glacial, avec des rues jonchées de cadavres et de décombres d'immeubles détruits», et «des milliers de personnes coupées du monde dans une ville assiégée», terrées dans des sous-sols sans eau, nourriture, électricité ni communications. L'ONU a également décrit une situation «extrêmement grave», avec «une pénurie critique et potentiellement mortelle de nourriture, d'eau et de médicaments».

Trois couloirs humanitaires devaient être ouverts mardi entre trois localités proches de Marioupol et la ville de Zaporojie, à 250 km au nord-est, selon Mme Verechtchouk. «Il n'y aura pas suffisamment de place pour tout le monde» mardi, mais «nous allons poursuivre l'évacuation selon le même algorithme jusqu'à ce qu'on ait sorti tous les habitants de Marioupol», a-t-elle ajouté.

Plus de 200'000 personnes se trouvent toujours dans la cité, selon Petro Andryushchenko, adjoint au maire cité par Human Rights Watch. Selon lui, plus de 3000 civils y ont péri depuis le début des combats, mais le bilan exact reste inconnu.

«Crime de guerre majeur»

Majoritairement russophone, Marioupol, stratégiquement située entre la Crimée (sud) et le territoire séparatiste de Donetsk (est), est bombardée depuis des semaines par les Russes. Le gouvernement ukrainien a rejeté un ultimatum de Moscou exigeant la reddition de la ville, où des chars russes sont entrés et les combats se poursuivent.

L'Union européenne a qualifié lundi les «bombardements indiscriminés» sur la ville, qui «tuent tout le monde», de «crime de guerre majeur» et décidé de doubler son soutien financier pour les achats d'armements envoyés à Kiev. Le président ukrainien a accusé la Russie de «tout simplement détruire» Marioupol. «Ils la réduisent en cendres, mais nous leur survivrons», a-t-il assuré lundi soir.

A Kiev, touchée dimanche soir par une puissante frappe russe – la plus puissante jusque-là, selon habitants et secouristes – qui a détruit un centre commercial, tuant huit personnes, et secoué toute la capitale, un nouveau couvre-feu est entré en vigueur lundi soir jusqu'à mercredi 07h00 (06h00 en Suisse).

Plus de cent enfants morts

Selon Moscou, le centre commercial Retroville était «inopérant» et servait de dépôt d'armements. L'AFP a vu, sous leur linceul de plastique, six cadavres vêtus d'effets militaires.

Depuis le début du conflit le 24 février, «65 habitants (...), dont quatre enfants, sont morts» et environ 300 personnes, dont 16 enfants, ont été blessées dans «les bombardements des militaires russes», selon le maire Vitali Klitschko.

Un think-tank américain, l'Institute for the study of war (ISW), a prévenu que les Russes «se préparent à déployer davantage» d'artillerie autour de la capitale, qu'ils n'ont toujours pas réussi à encercler, «repoussés par une résistance ukrainienne féroce».

Dans tout le pays, au moins 117 enfants ont été tués depuis le début de l'invasion russe, a indiqué mardi le parquet général d'Ukraine. 548 établissements scolaires ont été endommagées, dont 72 complètement détruits, selon la même source.

Défections russes

Dans le Nord-Est, l'état-major de l'armée ukrainienne a affirmé mardi que près de 300 soldats russes avaient fait défection près d'Okhtyrka, dans la région de Soumy, assurant que les troupes russes n'avaient que pour trois jours de munitions, de nourriture et de carburant.

Dans le Donbass (est), en proie à un mouvement séparatiste prorusse depuis 2014, au moins 124 civils ont été tués dans la région de Lougansk depuis le début de l'invasion, a indiqué l'administration régionale sur Facebook. Le ministère russe de la défense a fait état mardi de la prise d'une dizaine villages du Donbass par les séparatistes prorusses.

La ville d'Avdiivka, tout proche de Donetsk, a été la cible d'une attaque russe dans la soirée de lundi, faisant au moins cinq morts et 19 blessés, a indiqué mardi Lioudmila Denissova, chargée des droits humains auprès du Parlement ukrainien. Dans une interview à plusieurs médias, le président ukrainien s'est dit prêt à discuter de la Crimée et du Donbass, tout en prévenant que l'Ukraine serait «détruite» avant de se rendre.

Mais mardi matin, le Kremlin a jugé que les pourparlers en cours n'étaient pas assez «substantiels». «Un certain processus (de négociations) a lieu, mais nous souhaiterions qu'il soit plus énergique, plus substantiel», a dit à la presse Dmitri Peskov, le porte-parole de la présidence russe.

«La question de la Crimée et du Donbass est une histoire très difficile pour tout le monde», a estimé M. Zelensky dans son interview. Il faut «des garanties de sécurité» et la fin des hostilités, et «une fois que ce blocage sera levé, parlons», a-t-il à propos de la presqu'île annexée par la Russie en 2014 et de la région de l'Est ukrainien.

«Dos au mur»

Le président ukrainien a dit vouloir parler directement à son homologue russe. Tout en prévenant: «Nous devons tout faire pour que le Donbass et la Crimée nous reviennent (...) Une question de temps? Oui. Mais l'arrêt de la guerre, maintenant, c'est ça la question». Près de 3,5 millions de personnes – essentiellement des femmes et des enfants – ont fui l'Ukraine depuis le 24 février, selon l'ONU.

Plusieurs sessions de tractations entre Kiev et Moscou se sont déroulées en présentiel et par visioconférence depuis le déclenchement de la guerre, sans résultat pour l'heure. Le ministre ukrainien de la Défense Oleksii Reznikov a admis que «la situation est très difficile» face à «un ennemi très supérieur numériquement et la menace d'une invasion terrestre de l'armée» du Bélarus, allié de Moscou.

Des armes chimiques et biologiques seront-elles utilisées par les Russes? Moscou a suggéré que l'Ukraine en détenait, ce qui est «un signe clair qu'il (Vladimir Poutine) envisage d'utiliser ces deux types d'armes», a estimé le président américain Joe Biden lundi soir, estimant que son homologue russe était «dos au mur».

Moscou avait plus tôt déclaré que Joe Biden avait conduit les relations russo-américaines «au bord de la rupture» par ses déclarations «indignes» visant Vladimir Poutine, qu'il a qualifié de «criminel de guerre». L'ambassadeur américain a été convoqué lundi.

La fin de semaine sera marquée par une intense activité diplomatique. M. Biden participera jeudi à Bruxelles à un sommet extraordinaire de l'Otan, une réunion du G7 et un sommet de l'UE, avant de séjourner vendredi et samedi en Pologne, principal pays d'arrivée des réfugiés ukrainiens.