«Nous sommes très inquiets» Les agences de l'ONU tremblent avec l'arrivée de Trump

ATS

16.1.2025 - 07:41

A quelques jours de l'investiture de Donald Trump, les agences de l'ONU craignent que le président américain élu ne les bouscule encore plus.

A quelques jours de l'investiture de Donald Trump, les agences de l'ONU craignent que le président américain élu ne les bouscule encore plus. (archives)
A quelques jours de l'investiture de Donald Trump, les agences de l'ONU craignent que le président américain élu ne les bouscule encore plus. (archives)
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Keystone-SDA

Pendant son premier mandat (2017-2021), les Etats-Unis avaient notamment réduit leurs contributions financières à des opérations et agences de l'ONU, quitté le Conseil des droits de l'homme, l'accord de Paris sur le climat et l'Unesco, et lancé le retrait de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Les mesures les plus sévères avaient été prises vers la fin. Cette fois, les choses iront plus vite, selon des experts. «Il est probable qu'il délaissera ces accords et mécanismes de l'ONU sans grande cérémonie», a ainsi estimé à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

De nombreux observateurs s'attendent à une réduction drastique des financements des Etats-Unis, plus grand contributeur des Nations unies.

A l'ONU, les responsables s'empressent de souligner l'importance du partenariat américain. «La coopération entre les Etats-Unis et les Nations unies est un pilier essentiel des relations internationales et du système onusien», a déclaré Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.

Mais cet amour n'est pas toujours réciproque. L'élue républicaine Elise Stefanik, nommée par Trump pour être ambassadrice américaine à l'ONU, voit dans l'ONU «une institution corrompue, défunte et paralysée».

Et certains craignent que les républicains fassent adopter un projet de loi visant à retirer les Etats-Unis de l'ONU.

«Peu probable»

Jussi Hanhimaki, professeur d'histoire internationale au Graduate Institute (HEID) à Genève, minimise cette menace, estimant que Washington ne tient pas à céder son influence à la Chine. «Le retrait total est peu probable», affirme-t-il à l'AFP.

D'autant que pendant le premier mandat de Trump, Pékin et ses alliés sont devenus plus présents au sein des organisations délaissées par les Américains à Genève, comme le Conseil des droits de l'homme.

L'ambassadrice américaine sortante auprès de l'ONU à Genève, Sheba Crocker, le souligne: «certains de nos rivaux stratégiques sont fortement investis dans la promotion de leurs intérêts à Genève». «C'est pourquoi je pense que les Etats-Unis resteront engagés et qu'il est dans notre intérêt de le faire», a-t-elle déclaré à l'AFP.

Le président américain Joe Biden a pris les devants l'an dernier en ne présentant pas la candidature américaine pour un second mandat consécutif au Conseil des droits de l'homme, évitant ainsi une nouvelle sortie fracassante de Trump.

L'Organisation mondiale du commerce (OMC) pourrait en revanche être rapidement confrontée à des moments difficiles, alors que le président élu a brandi la menace des droits de douane avant même son entrée en fonction, selon M. Hanhimaki.

«Très inquiets»

Certains observateurs s'inquiètent aussi pour les financements de programmes liés aux droits reproductifs. Pendant le premier mandat de Trump, Washington avait supprimé le financement du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), accusant l'organisation de pratiques coercitives incluant le recours forcé à l'avortement en Chine.

«Nous sommes très inquiets», a affirmé à l'AFP Rachel Moynihan, directrice adjointe du bureau du FNUAP à Washington.

Mais l'agence, qui estime avoir empêché 3800 femmes de mourir pendant leur grossesse en 2023 grâce aux contributions américaines, a l'habitude de voir ses financements réduits sous les administrations républicaines. «Nous sommes une agence résiliente», a relevé Mme Moynihan.

D'autres agences onusiennes pourraient être moins bien préparées. ONU Femmes et le Haut-Commissariat aux droits de l'homme devraient également être dans la ligne de mire de Trump.

Douloureux

Et il se murmure à Genève qu'un retrait de l'OMS pourrait être annoncé dès le premier jour. Ce serait une erreur, selon Suerie Moon, codirectrice du Global Health Center à l'Institut universitaire de Genève. «Avoir une OMS impartiale et qui fonctionne est tout à fait dans l'intérêt national des Etats-Unis», a-t-elle souligné à l'AFP.

L'OMS a cherché à élargir sa base de donateurs, mais les Etats-Unis restent en tête. Interrogé le mois dernier sur cette menace, son directeur général, Tedros Adhanon Ghebreyesus, a semblé confiant: «je crois qu'ils feront ce qu'il faut».

L'OMS pourrait survivre à un départ américain «, mais ce serait douloureux», estime Mme Moon, qui s'interroge toutefois sur l'attitude des autres pays.

La dernière fois que Trump était au pouvoir, les pays européens se sont mobilisés pour aider à maintenir à flot les agences onusiennes visées. Cette fois, ils «ont clairement fait savoir qu'ils n'avaient pas d'argent de côté (...) pour venir à la rescousse des Nations unies», fait valoir M. Gowan.

Certaines agences de l'ONU songent déjà à réduire leurs coûts, selon divers observateurs, et continuent de chercher d'autres contributeurs.

En effet, «compter sur un pays politiquement instable comme source de financement à long terme est assez imprudent», commente M. Hanhimaki.