Trombes d'infoxLe soutien occidental à Kiev, cible numéro 1 de la désinformation
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19.2.2024 - 09:53
Deux ans de guerre en Ukraine et le flot de désinformation pro-russe sur internet n'est pas tari. Il cible désormais clairement le soutien des pays occidentaux, vital pour le gouvernement ukrainien face à l'invasion russe.
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19.02.2024, 09:53
ATS
Faux panneaux publicitaires anti Ukraine à New York ou au Japon, prétendus graffitis anti Zelensky à Los Angeles ou Paris, faux documents immobiliers faisant croire que les dirigeants ukrainiens achètent yachts et villas à tour de bras: autant d'infox, démystifiées par les équipes de vérification de l'AFP, destinées à accréditer ou exacerber l'idée d'une lassitude croissante des opinions publiques en Europe et aux Etats-Unis.
En difficulté croissante sur le terrain, l'Ukraine appelle régulièrement les Occidentaux à lui envoyer plus d'armes et de munitions. Une aide qui pèse lourd financièrement mais aussi politiquement pour les pays occidentaux.
Aide «inutile»
Ces discours sur les réseaux «créent l'idée que l'argent européen et américain est envoyé inutilement, sans que cela ne change l'issue du conflit», pointe Valentin Châtelet, chercheur associé au laboratoire d'analyse numérique de l'Atlantic Council (DFRLab).
«Il y a toujours cette volonté de torpiller les négociations», surtout «des partenaires occidentaux parce que ce sont les soutiens les plus importants financièrement et en termes de livraisons d'armement», poursuit-il.
Les dirigeants européens ont trouvé début février un accord sur une aide de 50 milliards d'euros pour l'Ukraine, jusque-là bloquée par la Hongrie de Viktor Orban. Principal soutien militaire de Kiev, Washington échoue pour sa part depuis des mois à faire voter par le Congrès de nouveaux fonds pour Kiev.
Avec l'arme de la désinformation, «il s'agit de saper le soutien européen à l'Ukraine» en appuyant sur les problèmes économiques et énergétiques engendrés par les sanctions contre la Russie, en soulignant l'arrivée sur le marché européen de produits ukrainiens et en faisant des migrants ukrainiens «des boucs-émissaires», donne en exemple Elina Treyger, politologue au sein de l'institut américain Rand Corporation.
Saturer l'espace informationnel
Visible aussi, la volonté de saturer l'espace informationnel: en témoigne par exemple l'opération Matriochka, révélée en janvier par l'AFP. Elle visait à interpeller directement les médias occidentaux pour les inciter à vérifier des infox anti-ukrainiennes, sorte d'opération de diversion pour «occuper» les journalistes et favoriser la diffusion des infox, selon les experts.
Parmi les initiatives les plus vastes, l'opération «Doppelgänger», consistant à diffuser des infox anti-Ukraine via des visuels imitant des médias occidentaux et clairement attribuée à la Russie par le renseignement français, reste toujours très active en ligne selon un rapport d'Insikt Group, entité de la société de renseignement Recorded Future.
Utiliser une problématique existante
La désinformation pro-russe concernant le pouvoir d'achat ou l'immigration trouve un certain écho en Europe. «Les narratifs les plus efficaces sont ceux qui s'appuient sur une problématique existante, c'est beaucoup plus compliqué de partir de zéro», rappelle Elina Treyger.
Au début du conflit, c'était le Moyen-Orient et l'Afrique qui ont par exemple été particulièrement ciblés par des narratifs «sur mesure», jouant «sur l'anti-américanisme, l'anti-occidentalisme et le colonialisme», explique Christine Dugoin-Clément, professeure associée à l'IAE Paris.
«En multipliant autant les contenus, vous êtes assurés d'atteindre votre cible», assure Jakub Kalenský du Centre européen d'excellence pour la lutte contre les menaces hybrides (Hybrid CoE).
Liste de «mercenaires français morts»
En Allemagne, une vaste «campagne de désinformation pro-russe» utilisant plus de 50'000 faux comptes X (ex-Twitter) et visant à attiser la colère à l'encontre du soutien accordé par le pays à l'Ukraine a ainsi été identifiée à partir de décembre 2023, selon le quotidien allemand Der Spiegel.
Outre l'Allemagne, la France est aussi en ligne de mire. Ainsi, en janvier, le ministère de la Défense russe affirmait avoir «éliminé» une soixantaine de combattants, la plupart des «mercenaires français», dans une frappe à Kharkiv, dans le nord-est de l'Ukraine.
Dans la foulée de ces accusations, plusieurs listes, dont une censée dévoiler l'identité d'une trentaine de «mercenaires français morts», ont été relayées massivement par des chaînes Telegram et des activistes pro-Kremlin. Cela avant que des volontaires français en Ukraine ne démentent eux-mêmes l'information, dont trois auprès de l'AFP.
Elections européennes
L'ampleur de la désinformation pro-russe dans le cadre de la guerre en Ukraine renforce les craintes qui pèsent sur les élections européennes, en juin.
«Il y aura des opérations de désinformation sur l'Ukraine (et) sur tout un tas de problématiques qu'on voit en Europe aujourd'hui pour promouvoir un agenda conservateur ou nationaliste», anticipe Valentin Châtelet.