Une «opération russe»? L'UE veut une enquête après la victoire des pro-Russes en Géorgie

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27.10.2024 - 20:46

L'Union européenne a demandé dimanche une enquête sur de possibles fraudes après les législatives en Géorgie remportées par le parti au pouvoir pro-russe. La présidente pro-européenne de ce pays du Caucase a dénoncé une «falsification» du scrutin et une «opération russe».

Certains dirigeants du Rêve géorgien sont très critiques envers les Occidentaux. Son chef, Bidzina Ivanichvili, les a qualifiés de «parti mondial de la guerre», qui traiterait la Géorgie, sa victime, comme de la «chair à canon».
Certains dirigeants du Rêve géorgien sont très critiques envers les Occidentaux. Son chef, Bidzina Ivanichvili, les a qualifiés de «parti mondial de la guerre», qui traiterait la Géorgie, sa victime, comme de la «chair à canon».
KEYSTONE

Charles Michel, le président du Conseil européen, a exhorté les autorités électorales à «enquêter rapidement» sur des «irrégularités» de manière «transparente et indépendante».

Attendu dès lundi pour une visite officielle de deux jours, le Premier ministre hongrois Viktor Orban, seul de l'UE à être resté proche de Moscou et dont le pays assure la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne, a lui salué dès samedi la victoire «écrasante» du parti au pouvoir.

Les observateurs craignent désormais une montée des tensions.

Appels à des «manifestations massives»

L'opposition a appelé à manifester lundi dans cette ex-république soviétique. Tout comme la présidente Salomé Zourabichvili, en rupture avec le gouvernement, qui a fustigé une «falsification totale» des élections.

«Nous sommes témoins et victimes d'une opération russe spéciale, une forme moderne de guerre hybride contre le peuple géorgien», a-t-elle également déclaré, sans préciser ses allégations.

L'ex-président Mikheil Saakachvili, aujourd'hui emprisonné et également très critique du gouvernement, a lui aussi appelé à des «manifestations massives» afin de «montrer au monde que nous luttons pour la liberté».

L'opposition clame que le parti du Rêve géorgien, aux affaires depuis 2012, rapproche ce pays du Caucase de Moscou et l'éloigne d'une adhésion à l'Union européenne et à l'Otan, un objectif pourtant inscrit dans sa constitution.

Victoire du Rêve géorgien

Mikheil Saakachvili a affirmé que «personne» ne devait entrer au parlement. Une des composantes de l'opposition, la Coalition pour le changement, a déjà affirmé renoncer à ses mandats parlementaires pour ne pas «donner de légitimité» à ce scrutin.

Le Rêve géorgien a remporté 54,08% des voix, contre 37,58% à la coalition pro-européenne, selon le dépouillement réalisé dans plus de 99% des circonscriptions, a annoncé la commission électorale centrale.

Le scrutin a été «entaché par des inégalités (entre candidats, ndlr), des pressions et des tensions», ont toutefois estimé dimanche les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), de l'Otan ou encore d'organes de l'UE.

Le parti au pouvoir bénéficiait de «nombreux avantages», notamment financiers, il y a eu «des cas d'achats de vote», des atteintes au «secret du vote», ont-ils énuméré dans un communiqué.

Un de ces observateurs, le député européen espagnol Antonio Lopez-Isturiz White, a regretté un «recul de la démocratie» en Géorgie.

«Instabilité»

L'opposition, qui avait initialement revendiqué la victoire sur la foi de sondages à la sortie des urnes, a refusé de concéder sa défaite.

Le gouvernement devrait disposer de 91 sièges sur 150 au Parlement. Une majorité suffisante pour gouverner mais sous la barre des trois quarts qu'il voulait obtenir pour modifier la Constitution et, en vertu de son projet, interdire les partis d'opposition pro-occidentaux.

Le pays entre «dans une période d'instabilité», dit l'analyste Gela Vasadzé du centre d'analyse stratégique sur la Géorgie. Mais «l'opposition manque de leaders charismatiques qui pourraient canaliser la colère populaire», poursuit-il.

Convaincu que le Rêve géorgien «a volé l'élection», Mariam, 32 ans et qui ne donne pas son nom, ne sait pas quelle attitude adopteront les opposants: «Continuer encore et encore à manifester, ou faire ce que les Bélarusses ont fait, quitter le pays».

La Géorgie a été secouée en mai par de grandes manifestations contre une loi sur «l'influence étrangère», inspirée d'une législation russe sur les «agents de l'étranger» utilisée pour écraser la société civile.

Bruxelles a gelé dans la foulée le processus d'adhésion à l'UE et les Etats-Unis ont pris des sanctions contre des responsables géorgiens.

L'opposition accuse le Rêve géorgien de dérive autoritaire prorusse et d'éloigner la Géorgie de l'UE et de l'Otan, à laquelle elle ambitionne également d'adhérer.

«Grand voisin»

Certains dirigeants du Rêve géorgien sont très critiques envers les Occidentaux. Son chef, Bidzina Ivanichvili, les a qualifiés de «parti mondial de la guerre», qui traiterait la Géorgie, sa victime, comme de la «chair à canon».

Ce pays des rives de la mer Noire reste très marqué par une brève guerre en 2008 avec l'armée russe.

A son issue, la Russie a installé des bases militaires dans deux régions séparatistes géorgiennes, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud, dont elle a reconnu l'indépendance unilatéralement proclamée.

Dans ce contexte, le Rêve géorgien s'est présenté comme le seul capable d'empêcher une supposée «ukrainisation» de la Géorgie.

C'est l'argument qui a guidé Temuri Titovi, entrepreneur de 52 ans: «C'est comme ça, il y a un si grand voisin. Qu'on le veuille ou non, il faut avoir des relations» avec lui.

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