«Illusoire» Javier Milei et Donald Trump : une idylle enfiévrée ?

AFP

15.1.2025

Ils s'admirent, se félicitent, s'enlacent: l'Argentin Javier Milei au pouvoir depuis un an, et Donald Trump investi lundi, affichent affinités idéologique et personnelle, vouées à se concrétiser en une forme d'alliance ou d'accord, aux contours pourtant encore incertains.

Javier Milei au pouvoir depuis un an, et Donald Trump investi lundi, affichent affinités idéologique et personnelle.
Javier Milei au pouvoir depuis un an, et Donald Trump investi lundi, affichent affinités idéologique et personnelle.
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L'utralibéral Milei, qui claironne sa stabilisation de l'économie argentine à coup d'austérité traumatique, n'en démord pas et l'a affirmé à plusieurs reprises : les deux politiciens «les plus importants de la planète Terre» sont Donald Trump, et lui.

De Mar-a-Lago, en Floride, où Milei s'est réuni avec Trump en novembre, aux forums de la CPAC, messe conservatrice dont Buenos Aires a accueilli une étape, les occasions ne manquent pas de chanter les affinités entre les deux chefs d'Etat: sur «les idées de liberté», la dérégulation, la réaction contre le «wokisme» ou le «socialisme global», au sein d'une «internationale de droite».

Ils partagent aussi une fascination pour le milliardaire patron d'X et Tesla Elon Musk, chargé par Trump d'une commission pour «l'efficacité gouvernementale».

Musk, que Milei a déjà rencontré à plusieurs reprises, qu'il courtise assidûment pour investir en Argentine, et admire comme un «Thomas Edison du 21e siècle» en référence à l'inventeur et industriel américain du 19-20e siècle.

La Chine pèse aussi

«Il est clair qu'il y aura une très forte affinité politique: l'Argentine sera très alignée sur les priorités des Etats-Unis, tant au niveau mondial que régional», prédit à l'AFP Ariel Gonzalez Levaggi, du Conseil argentin pour les Relations internationales.

«L'amitié entre Trump et Milei va au-delà des éloges constants du dirigeant argentin à l'égard de son homologue», acquiesce Benjamin Gedan, directeur Amérique latine au think tank Wilson Center. «Milei s'est imposé comme un des alliés étrangers les plus importants de Trump».

Important, vraiment? Jorgue Argüello, qui fut ambassadeur argentin à Washington sous trois présidents (Obama, Trump, Biden) assure «n'y avoir jamais vu un intérêt particulier non seulement pour l'Argentine, mais pour l'Amérique latine». C'est seulement lorsqu'il y a présence dans la région «d'acteurs extérieurs comme la Chine, la Russie, que des signaux d'alarme s'allument» à Washington, ajoute-t-il.

Une Chine, partenaire clef de l'Argentine -deuxième partenaire commercial après le Brésil- avec lequel Milei va devoir compter. Compte déjà, en réalité, comme l'a montré sa réunion avec Xi Jinping en novembre à Rio, en marge du G20, où tous deux se sont mutuellement invités. Ou la prolongation pour un an d'un accord d'échange de devises, dit «swap», pour l'équivalent de cinq milliards de dollars, oxygène pour les réserves argentines de change.

En outre, l'exemple du récent mégaport financé par la Chine au Pérou atteste d'une capacité d'investissement en infrastructures «que les Etats-Unis ne peuvent pas offrir», rappelle Alejandro Frenkel, expert en relations internationales à l'Université San Martin.

«Par moments il (Milei) ressemble à un Trumpiste capable d'accepter qu'en même temps il a besoin de Xi» Jinping, résume le quotidien La Nacion, voyant un trait pragmatique du président argentin, au-delà de sa rhétorique incendiaire.

En outre, si Milei n'a pas manqué de saluer la réélection de Trump comme la revalidation de sa propre ascension et ses idées, les analystes sont très partagés sur l'avantage réel que l'Argentine pourrait tirer d'un alignement systématique sur Washington.

Quelle aide de Trump ?

Une indulgence du FMI, auquel l'Argentine rembourse un prêt record de 44 milliards de dollars octroyé (avec l'appui alors de Trump) en 2018? «Peut-être quelque décaissement additionnel pourrait-il se débloquer», spécule Ariel Gonzalez Levaggi. Mais un nouvel accord, un nouveau prêt? «Difficilement».

D'autant que Trump a nommé au Département d'Etat pour l'Amérique latine l'ex-chef de la Banque interaméricaine de développement (BID), Mauricio Claver-Carone, par le passé critique de la gestion Milei. Qui estimait, il y a quelques mois, que miser sur un lobbying de Trump pour davantage de fonds du FMI est «une illusion», une «perte de temps».

Et au-delà des affinités, proclamées, Trump et Milei ont aussi des différences marquées: sur l'immigration, qui pour l'Argentin n'est pas un sujet. Sur le libre commerce: l'Américain est un protectionniste, partisan de tarifs douaniers protégeant l'industrie nationale tandis que Milei est ardent défenseur de l'économie ouverte.

«Dans ce contexte, Milei pourrait se trouver fort déçu si Trump impose de nouveaux droits de douane au monde entier, y compris sur les exportations argentines», estime Claudio Loser, ex-responsable Hémisphère occidental du FMI. «Eventuellement, avance-t-il, ils pourraient conclure un accord de libre-échange» bilatéral. «Mais pas dans le court terme». Une idylle enfiévrée, peut-être, mais à l'épreuve du temps et des gestes concrets.

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