Fuites judiciaires Numéro un du parquet espagnol mis en examen

ATS

13.1.2025 - 17:55

Le plus haut magistrat du parquet en Espagne, le procureur général Álvaro García Ortiz, est convoqué fin janvier en tant que mis en examen dans une affaire de fuites judiciaires. Celle-ci embarrasse le Premier ministre Pedro Sánchez, fragilisé par une série de scandales visant son entourage.

C'est une procédure sans précédent par laquelle est visée Álvaro García Ortiz.
C'est une procédure sans précédent par laquelle est visée Álvaro García Ortiz.
IMAGO/Europa Press

Keystone-SDA

M. García Ortiz sera entendu le 29 janvier sous le statut de «mis en examen» dans cette affaire de violation présumée du secret de l'instruction, liée à une enquête contre le compagnon d'une figure de l'opposition de droite espagnole, Isabel Diaz Ayuso.

Le juge Ángel Hurtado a en effet estimé, sur la base des premiers éléments recueillis, qu'il existait «un faisceau d'indices suffisant pour envisager une participation importante» du procureur général à «cette fuite» d'informations, a expliqué lundi dans un communiqué le tribunal suprême espagnol.

«Situation de supériorité»

M. García Ortiz est sans doute «la personne qui a dirigé les démarches» qui ont conduit à cette fuite, «en profitant de la situation de supériorité (hiérarchique) qu'il avait sur les autres procureurs», ajoute le juge Hurtado dans sa convocation, consultée par l'AFP.

Le tribunal suprême avait annoncé mi-octobre l'ouverture d'une enquête pour violation du secret professionnel contre Álvaro García Ortiz, nommé au poste de numéro un du parquet espagnol sur proposition du gouvernement de gauche espagnol en août 2022.

Cette procédure, sans précédent dans l'histoire judiciaire espagnole, avait suivi la publication par plusieurs médias du contenu d'un projet d'accord de plaider-coupable entre le parquet et l'homme d'affaires Alberto González Amador, le compagnon d'Isabel Díaz Ayuso, la présidente de la région de Madrid.

Soupçonné d'avoir fraudé le fisc

M. González Amador, qui avait saisi la justice après ces fuites, est soupçonné d'avoir fraudé l'administration fiscale espagnole entre 2020 et 2021 à la tête de son entreprise, qui effectuait des prestations de services de santé et qui a vu ses revenus gonfler pendant la pandémie de Covid-19.

Ce chef d'entreprise a également porté plainte contre Pedro Sánchez et son ministre de la Justice Felix Bolaños, qui l'avaient qualifié de «délinquant avoué» après la publication par des médias de ce projet d'accord de plaider-coupable, qui n'a finalement pas été signé.

L'intéressé dément

Interviewé mi-octobre par la télévision publique TVE, Álvaro García Ortiz avait démenti avoir fait fuiter, directement ou via ses services, des informations sur le dossier González Amador et s'était dit serein face à l'ouverture de l'enquête du juge Ángel Hurtado.

«Comme vous le savez, le bureau du procureur n'a pas pour mission de divulguer des courriels pendant la nuit», avait insisté le procureur, assurant n'avoir pas eu connaissance des messages relatifs à ce potentiel accord de plaider-coupable avant leur publication par les médias.

Cette ligne de défense a été attaquée lundi par plusieurs cadres du Parti populaire (PP), auquel appartient Isabel Diaz Ayuso, qui ont à nouveau appelé à la démission immédiate du plus haut magistrat du parquet espagnol.

«Scandale sans précédent»

«Chaque jour, nous en apprenons plus et la vérité finira par être connue. Personne n'est au-dessus de la loi», a estimé le porte-parole du parti conservateur, Borja Semper, évoquant «un scandale sans précédent dans la politique espagnole».

Cheffe de file de l'aile dure du PP, Mme Díaz Ayuso a pris ces derniers mois la défense de son compagnon, dénonçant une persécution «sauvage» de l'État. Elle accuse l'entourage de Pedro Sánchez d'avoir organisé ces fuites auprès des médias espagnols, avec l'aide du procureur général.

Cette affaire complexe a aussi entraîné la démission forcée du patron de la fédération socialiste de la Communauté de Madrid, Juan Lobato, poussé dehors après avoir mis en cause dans ce dossier une conseillère de la Moncloa, le siège de la présidence du gouvernement.

Pedro Sánchez fragilisé

La convocation d'Álvaro García Ortiz survient à un moment où Pedro Sánchez est fragilisé par une série d'enquêtes visant son entourage, notamment son épouse Begoña Gómez et son frère cadet David Sánchez, responsable du spectacle vivant dans la province de Badajoz (sud-ouest).

Ce dernier, entendu vendredi par un juge d'instruction dans une enquête portant en particulier sur les conditions de son recrutement, a démenti toute irrégularité, affirmant par la voix de son avocat que les accusations à son encontre s'écroulaient «comme un château de cartes».