Le statut de sortant, «d'atout à fardeau» Pourquoi les présidents américains peinent à durer?

ATS

8.11.2024 - 15:22

Aux Etats-Unis, les présidents en exercice ont souvent été réélus, surfant sur l'autorité de la fonction et les symboles du pouvoir de la première puissance mondiale. Mais l'élection de Donald Trump montre que cette prime au sortant fonctionne désormais, comme dans d'autres pays, moins bien.

Quatre ans après sa défaite de 2020 face à Joe Biden – qu'il n'a jamais reconnue – Donald Trump a largement battu la vice-présidente démocrate.
Quatre ans après sa défaite de 2020 face à Joe Biden – qu'il n'a jamais reconnue – Donald Trump a largement battu la vice-présidente démocrate.
KEYSTONE

Depuis la victoire du milliardaire en 2016 qui a mis fin à huit ans de règne de Barack Obama à la Maison Blanche, les présidents républicains et démocrates n'ont fait qu'un seul mandat de quatre ans. Il faut remonter à la fin du 19e siècle pour retrouver pareille alternance.

Que ce soit après un seul mandat ou des années de pouvoir, ce vote sanction touche d'autres grandes démocraties dans le monde. Gauche et droite sont concernées.

Au Royaume-uni, les travaillistes ont renversé en juillet les conservateurs, au pouvoir depuis longtemps. En Argentine, l'ultralibéral Javier Milei a infligé en novembre 2023 une déroute surprise au gouvernement de centre-gauche. Des partis au pouvoir, pour certains longtemps dominants, ont perdu du terrain cette année, comme en Inde, en Corée du Sud, au Japon, ou encore en Afrique du Sud.

Exception: Claudia Sheinbaum

Les exceptions existent: Claudia Sheinbaum a remporté l'élection présidentielle mexicaine en juin, sous l'étiquette du parti de gauche au pouvoir.

«Ce dont nous avons été témoins il y a deux nuits n'est pas inhabituel si l'on compare à ce qui arrive à d'autres pouvoirs sortants à travers le monde», a avancé jeudi Karine Jean-Pierre, porte-parole de la Maison Blanche, soulignant l'effet de la pandémie de Covid-19.

Retrait d'Afghanistan

Quatre ans après sa défaite de 2020 face à Joe Biden – qu'il n'a jamais reconnue – Donald Trump a largement battu la vice-présidente démocrate.

Et ce malgré une cote de popularité qui n'a jamais dépassé la barre des 50% lors de son premier mandat (2017-2021), une première dans l'histoire de l'institut Gallup qui réalise ces sondages depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

De son côté, l'actuel président démocrate n'est resté au-dessus de ce seuil symbolique qu'au cours des premiers mois de son mandat, malgré une économie plutôt robuste (à part un niveau d'inflation longtemps élevé) et l'absence de soldats américains engagés dans des combats au sol à l'étranger.

Mais le retrait chaotique, en août 2021, des troupes d'Afghanistan a fait chuter sa cote de popularité.

Cinq dernières années tout sauf normales

John Kane, politologue à l'Université de New York, rappelle que la part des électeurs indécis est aujourd'hui bien plus faible qu'au 20e siècle, lorsque les présidents l'emportaient parfois avec 10 ou 20 points de pourcentage d'avance.

Les électeurs ont toujours «tendance à penser que les présidents devraient obtenir deux mandats aussi longtemps que la situation économique, sociale et internationale est à peu près normale», estime-t-il.

«Les cinq dernières années ont été tout sauf normales», ajoute-t-il, «la pandémie et le choc ultérieur de l'économie en 2020 ont très probablement fait passer le statut de sortant d'atout à fardeau».

«Nouvelle donne»?

L'analyse s'applique toujours en 2024: même si l'inflation a récemment baissé, les Américains ont vu les prix grimper au total de 20% depuis que Joe Biden a pris les rênes de la Maison Blanche en janvier 2021. Une chose est sûre, les électeurs des Etats-clés «veulent que la situation change», poursuit M. Kane.

Quoi qu'il se passe dans le monde, le président «doit toujours en assumer le crédit et les critiques, c'est ce qui rend les choses difficiles», explique, de son côté, Todd Belt, politologue à l'université George Washington.

«Les citoyens font désormais beaucoup plus attention à ce qu'il se passe, et leur patience pour le parti sortant est entamée», estime par ailleurs M. Belt.

John Kane note toutefois que les élus sortants sont en général toujours largement réélus au Congrès américain, et il s'attend au retour de la prime au sortant pour les présidents dans des périodes plus stables.

«Toutefois, si la 'nouvelle donne' pour l'économie américaine est une croissance atone, des prix élevés, etc., les électeurs des Etats-clés pourraient alors très bien tenter leur chance, tous les quatre ans, avec l'autre parti», conclut John V. Kane.

ATS