Late Night USADonald Trump: «Il y a probablement… peut-être de la drogue»
De Philipp Dahm
18.9.2020
Donald Trump répond aux questions des citoyens sur ABC News. Alors qu’il n’en faut pas plus pour que la Fox crie à l’«embuscade», le fact checker de CNN est presque à bout de souffle. Au milieu de tout cela, on trouve le satiriste de télévision Seth Meyers.
Dans son émission «Late Night with Seth Meyers», le présentateur éponyme affirme ne pas vraiment savoir pourquoi une chaîne comme ABC News invite encore Donald Trump à des émissions telles que l’exercice du «town hall». «Nous savons ce qu’il va dire: il va répéter les mêmes mensonges insensés que nous avons déjà entendus un million de fois. […] Le mieux que l’on puisse espérer, c’est un nouveau mensonge.»
Le présentateur apprécie néanmoins que lors du «town hall», ce ne soient pas des journalistes qui parlent au président américain, mais «des gens ordinaires». «Parce qu’ils ont l’expérience de ce genre de choses. Quand vous prenez le bus ou le métro tous les jours pour vous rendre au travail, vous avez droit à votre lot d’énergumènes comme Donald Trump. La plupart ignorent juste ces types.»
Seth Meyers commence son bilan avec un premier extrait diffusé à partir de 2’01’’. Il est question de l’Obamacare, le texte de loi sur les soins de santé adopté par son prédécesseur, grâce auquel 23 millions d’Américains bénéficient d’une assurance maladie. Les républicains tentent actuellement de combattre le texte de loi devant la Cour suprême.
Late Night USA
50 Etats, 330 millions d’habitants et encore plus d’opinions: comment «comprendre l’Amérique»? Pour garder une vue d’ensemble sans s’échouer, il faut un phare. Les stars des late shows offrent probablement la meilleure aide à la navigation: ce sont de parfaits pilotes qui explorent implacablement les bas-fonds du pays et des gens et qui servent à notre auteur Philipp Dahm de boussoles indiquant sur le ton de l’humour l’état d’esprit des Américains.
Lorsqu’une femme noire d’un certain âge pose une question à ce sujet et se fait interrompre par Donald Trump, elle ne se démonte pas: «Veuillez vous taire et me laisser finir ma question, Monsieur!» Seth Meyers est ravi: «Oh, c’est tellement cathartique d’entendre quelqu’un remettre Donald Trump à sa place comme ça. […] C’est ce qui arrive lorsque Donald Trump sort de sa bulle de médias de droite. La plupart du temps, il s’entoure de flagorneurs et de béni-oui-oui et n’est donc pas traité comme le fanfaron idiot qu’il est en réalité.»
Une «embuscade» en gros titre
La chaîne Fox News, où il est chez lui, était «manifestement si choquée et perturbée par l’idée de voir Donald Trump répondre à des questions d’électeurs que [la présentatrice] Laura Ingraham a diffusé un montage de ces questions avec le bandeau "ABC tend une embuscade au président Trump lors du 'town hall'". Mon Dieu, ils ne cesseront jamais de lui trouver des excuses.»
Seth Meyers est agacé de voir l’évidence être présentée comme un piège: «Ecoutez, ce n’est pas un livre de révélations où Bob Woodward vous dit qu’il enregistre l’entretien pour écrire un livre.» Lauréat de deux prix Pulitzer, le journaliste vient de publier «Rage», un ouvrage consacré à Donald Trump. «Et ce n’est pas une embuscade quand on est invité à participer au "town hall" et qu’on accepte cette invitation. Ces gens sont des bébés si fragiles.»
Revenons toutefois à la dame et à sa question sur l’Obamacare, que les républicains veulent faire tomber avec l’aide de la Cour suprême – le président américain affirme pourtant sans rougir qu’il soutient la préservation du texte de loi, grâce auquel les personnes présentant des antécédents médicaux peuvent également souscrire une assurance.
Un fact checker surmené
Interrogé à ce sujet, le président âgé de 74 ans prétexte pour la 16e fois qu’il présentera une nouvelle loi sur la santé, à partir de 4’26’’. «Ce plan est bien meilleur pour vous, et… ce plan est bien meilleur», se défend maladroitement Donald Trump.
Dans l’ensemble, il y a eu tout simplement trop de mensonges dans ce «town hall», ce qui explique pourquoi cela ne servait à rien de l’organiser en réalité, explique Seth Meyers. De même, si ce genre d’événement est organisé et s’il faut en parler, un fack cheching s’impose comme sur CNN, à partir de 5’41’’: «Il y avait tellement de mensonges. Je vais me dépêcher, mais interrompez-moi s’il le faut.»
Nous vous épargnons les détails des fables sur Biden, l’Obamacare, la Chine et la pandémie – ou nous vous en parlons déjà ailleurs. Néanmoins, suite à de nouveaux enregistrements publiés par Bob Woodward, la palme revient à la gestion chaotique de la crise du coronavirus par Donald Trump.
«Cette chose est mortelle»
Il n’y a pas d’autre façon de dire les choses lorsque l’on constate qu’en avril, le président américain amadouait le public mais confiait à Bob Woodward (à partir de 8’30’’): «Cette chose est mortelle si elle vous attrape. Si vous êtes la mauvaise personne, vous n’avez aucune chance. Ça vous déchire. C’est la peste.»
L’entretien a été rendu public lundi, ce qui n’a pas empêché Donald Trump de mentir deux jours plus tard lors du «town hall»: «Je ne l’ai pas dédramatisée. En réalité, à bien des égards, je l’ai dramatisée – sur le plan de l’action.» Donald Trump veut dire qu’il agit en coulisses. «Pas avec des paroles, mais des faits réels.» Seth Meyers garde un sourire en coin: «Comme ils disent, les actes sont plus éloquents que les paroles!»
En guise de bouquet final, «Late Night with Seth Meyers» nous offre une fable qui vient bercer nos oreilles à partir de 10’58’’: sur la Fox, Donald Trump prétend que son rival Joe Biden pourrait être dopé – parce que le candidat démocrate ne se permet manifestement pas assez de faux pas aux yeux des républicains.
Un mensonge sans fin
«Il y a probablement… peut-être de la drogue. C’est ce que j’entends.» A une autre occasion, Donald Trump persiste et signe: «Il prend quelque chose. Il prend quelque chose qui le rend lucide.» Seth Meyers contre-attaque: «Vous pensez que Biden prend de la drogue? Vous passez votre temps à sniffer comme si vous veniez de sortir des toilettes du Studio 54.»
Et tandis que Donald Trump essaie d’insinuer que Joe Biden est sénile, il se prend lui-même les pieds dans le tapis en répandant de nouveaux mensonges au sujet de la pandémie. «Elle disparaîtra, même sans vaccin […]. Mais elle disparaîtra beaucoup plus vite avec», soutient Donald Trump. Le présentateur du «town hall» revient à la charge: sans vaccin? «Bien sûr! Au bout d’un certain temps… on développe une mentalité collective.» Il est vrai que Donald Trump n’est pas non plus immunisé contre les faux pas. «Il y aura un développement collectif.»
Eh bien, si tout cela nous montre avant tout une chose, c’est que les erreurs peuvent passer. Et comme le disait déjà la Bible, que celui d’entre vous qui n’a jamais gobé nous jette la première lumière. Ou quelque chose comme ça... Amen!