Prise d'Alep et avancée fulgurante Ce que l'on sait de l'escalade militaire dans le nord de la Syrie

ATS

3.12.2024 - 18:32

Des groupes rebelles emmenés par les islamistes radicaux de Hayat Tahrir al-Cham poursuivent l'escalade militaire dans le nord de la Syrie, après avoir conquis Alep, deuxième ville du pays qui échappe au contrôle total du régime pour la première fois depuis 2011.

Syrian opposition fighters stand atop a seized Syrian army armoured vehicle in the outskirts of Hama, Syria, Tuesday Dec. 3, 2024. (AP Photo/Ghaith Alsayed)
Syrian opposition fighters stand atop a seized Syrian army armoured vehicle in the outskirts of Hama, Syria, Tuesday Dec. 3, 2024. (AP Photo/Ghaith Alsayed)
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Dans un pays morcelé par la guerre, quelles perspectives à l'horizon pour le nord de la Syrie et ses belligérants?

Qui a lancé l'offensive?

Elle a été lancée le 27 novembre par une coalition de groupes rebelles dominée par l'ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, Hayat Tahrir al Sham (HTS).

«Les forces du régime se sont retirées de leurs positions (...) sans livrer de résistance significative», a estimé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Même constat selon des témoins interrogés par l'AFP.

Pour Jérôme Drevon, expert de l'International Crisis Group (ICG), l'offensive visait initialement à «tester (...) les lignes de défense du régime».

L'avancée fulgurante des insurgés leur a permis de réaliser que «le régime était plus faible que ce qu'ils pensaient», ajoute-t-il.

La prise d'Alep montre aussi «que l'Iran et la Russie soit n'ont pas pu, soit n'ont pas voulu, vraiment protéger le régime sur un point essentiel qui est la capitale économique», estime-t-il.

La perte de la métropole constitue un revers d'autant plus cuisant que le régime, épaulé par Téhéran et Moscou, n'avait épargné aucun effort pour reprendre en 2016 ses quartiers orientaux tenus par la rébellion, au prix d'un long siège et de sanglants combats.

En parallèle à l'offensive de HTS, des rebelles soutenus par Ankara ont lancé dès samedi une nouvelle opération, qui leur a notamment permis de prendre l'enclave de Tal Rifaat (nord), auparavant aux mains des Kurdes, bête noire de la Turquie.

Les combats ont poussé des dizaines de milliers de Kurdes de Tal Rifaat à fuir vers des territoires tenus par la minorité plus à l'est.

Les pays impliqués

Samedi, le président Bachar al-Assad a juré de «vaincre» les «terroristes» avec «l'aide de ses alliés».

Mais si la donne avait changé? Moscou est absorbé par la guerre en Ukraine et Téhéran par une situation régionale explosive qui a affaibli ses alliés, au premier rang desquels le Hezbollah au Liban, après deux mois de guerre avec Israël.

Les rebelles ont choisi le moment «idéal» pour lancer leur offensive, estime Hans-Jakob Schindler, du think tank Counter-Extremism Project (CEP), tant la Russie, l'Iran, ou le Hezbollah «ont d'autres problèmes à régler en ce moment».

Téhéran et Moscou ont toutefois promis à leur allié syrien un «soutien inconditionnel». Selon le Kremlin, ils ont «souligné l'importance de coordonner» leur action avec la Turquie, qui soutient des rebelles et contrôle des territoires frontaliers dans le nord syrien.

Peu présente les premiers jours, l'aviation russe a annoncé dimanche soutenir l'armée syrienne «pour repousser l'agression terroriste» dans le nord syrien.

L'Iran a lui confirmé maintenir ses «conseillers militaires» au côté de l'armée.

Pour sa part la Turquie, qui selon certains experts a donné son feu vert à l'offensive sur Alep, a estimé par la voix de son ministre des Affaires étrangères Hakan Fidan que Damas devait «parvenir à un compromis avec son propre peuple et l'opposition légitime».

Quelles perspectives?

«Alep semble perdue pour le régime. A moins de lancer prochainement une contre-offensive, ou si la Russie et l'Iran envoient plus de renforts, je ne pense pas que le gouvernement puisse la récupérer», estime Aron Lund, du centre de réflexion Century International.

Or «un gouvernement sans Alep n'est pas vraiment un gouvernement fonctionnel en Syrie», résume-t-il.

Le président «Assad n'a probablement pas les ressources nécessaires pour reprendre Alep», confirme Tammy Palacios, de l'institut New Lines.

Et même si cela se faisait, avec le soutien des alliés russes et iraniens, les localités environnantes ne pourraient pas être reconquises, ajoute-t-elle.

L'escalade en cours rompt le calme précaire dans le nord syrien, qui régnait depuis 2020 grâce à un cessez-le-feu négocié par Moscou et Ankara.

Mais si les armes s'étaient tues, aucune résolution politique, et durable, du conflit n'était en vue.

Pour le politologue Fabrice Balanche, il est difficile de s'attendre à une «réunification» de la Syrie.

«Le régime peut se maintenir dans la région côtière alaouite, notamment grâce à la présence russe, à Homs et à Damas» dans le centre, explique-t-il.

Le nord-ouest restera «sous la tutelle de HTS et des pro-turcs», et le nord-est dominé par les forces kurdes «à condition que la présence américaine dure» pour empêcher une offensive turque, dit-il.

Désormais, un gouvernement reconnu par l'ONU pourrait coexister au côté d'«entités autonomes (...) reposant sur une forte identité ethnico-confessionnelle», pronostique-t-il. «La fragmentation existante va s'installer dans le temps».

ATS