Ex-diplomate russe en Suisse Boris Bondarev : «La force de Poutine et son régime sont surestimés»

Philipp Dahm

31.10.2022

Après avoir jeté l'éponge à cause de la guerre en Ukraine, l’ex-diplomate russe auprès de l'ONU à Genève vit actuellement en Suisse. Dans un entretien accordé à CNN, Boris Bondarev évalue le risque d'une attaque nucléaire.

Boris Bandarov (à droite) en conversation avec le journaliste de CNN Fareed Zakaria.
Boris Bandarov (à droite) en conversation avec le journaliste de CNN Fareed Zakaria.
Printscreen CNN

P. Dahm

«Jamais je n'ai eu autant honte de mon pays que le 24 février de cette année» : c'est par ces mots que Boris Bondarev a scellé son départ du ministère russe des Affaires étrangères le 23 mai dernier.

L'homme de Moscou à l'ONU à Genève fait partie des rares diplomates russes qui se sont opposés à la guerre en Ukraine. Depuis, Bondarew continue de vivre en Suisse : en septembre, un droit de séjour provisoire lui a été accordé.

Dans son émission «Fareed Zakaria GPS», le journaliste de CNN Fareed Zakaria le présente comme «l'un des plus hauts fonctionnaires qui a démissionné à cause de la guerre». Au service de l'Etat pendant 20 ans, le Russe est donc, aujourd'hui, un interlocuteur très demandé.

Personne n'ose dire la vérité

L'animateur revient premièrement sur une publication de Bondarev dans la revue américaine « Foreign Affairs ». Intitulée «Les causes de la mauvaise conduite russe», ce texte explique que l'élite s'est de plus en plus éloignée de la réalité. Comment en est-on arrivé là ?

«Tout d'abord, la situation est le résultat de l'évolution de l'Etat russe», répond Bondarev depuis la Suisse.

Tout cela se dessine «depuis 20 ans ou plus», explique le Russe. «Le Kremlin s'est de plus en plus isolé. Et c'est très dangereux, car les gens qui travaillent pour le gouvernement reçoivent des informations erronées de leurs collègues et prennent leurs décisions sur la base de ces calculs erronés et de ces mensonges».

Cela a débouché sur la guerre en Ukraine, poursuit l'ex-diplomate.

Zakaria demande alors des précisions : Cela signifie-t-il alors aussi qu’avec cette non-culture de la communication, les mauvaises nouvelles ne trouvent pas leur chemin vers le haut ? «C'est très proche de la vérité», confirme Bondarev.

«La direction russe est sur la voie des perdants»

«Si l'on veut rapporter certaines informations en haut lieu, au commandement militaire ou au gouvernement, il faut les vendre le plus agréablement possible», explique-t-il. «Et bien sûr, on ne veut pas contrarier ses patrons et le gouvernement. Sinon, cela détruit tes perspectives de carrière».

Que se cache-t-il derrière la fable de la «bombe sale» que Kiev veut faire exploser selon Vladimir Poutine ? «Je pense que les dirigeants russes sont sur la voie des perdants. Ils essaient de s'adapter à cette nouvelle réalité et de s'ajuster. Cela semble assez chaotique, car il n'y a pas de stratégie derrière. Le Kremlin ne fait que chercher des possibilités de sortir de cette situation bloquée et très dangereuse».

Les armes nucléaires tactiques pourraient-elles également être un moyen de choix, comme le laisse entendre Poutine ?

«Je ne pense pas que ces menaces soient particulièrement réelles à l'heure actuelle. Les Ukrainiens peuvent gagner cette guerre»

Une paix négociée est-elle possible ?

Pour Bondarev, la dissuasion est toutefois essentielle : «les menaces ne seront pas mises à exécution tant que Poutine recevra le signal de la communauté internationale que toute utilisation d'armes nucléaires aura les conséquences les plus graves pour la Russie et pour lui personnellement».

Reste la question de savoir comment le conflit peut se terminer : Une paix négociée est-elle possible ?

«Les parties ont des priorités et des objectifs très différents et parfois contradictoires dans ces négociations», rétorque l'ex-diplomate. «Pour l'instant, je ne vois pas de perspective pour une quelconque véritable négociation».

Bondarev conclut : «Je ne pense pas que Poutine soit prêt pour une guerre de longue durée : sa force et son régime sont actuellement un peu surestimés. En Russie, nous voyons par exemple beaucoup de confusion autour de la mobilisation. Il y a un certain degré d'inquiétude et de rejet dans la population».

Selon lui, l'Ukraine est en mesure de battre l'armée russe. Mais cela n'est possible que si l'Occident continue à soutenir Kiev, a-t-il ajouté. «Je pense qu'ils peuvent gagner cette guerre».

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